Politique

Ould Kaddour, la chute d’un autre protégé de Bouteflika

C’est de nouveau la case prison pour Abdelmoumène Ould Kaddour. Extradé ce mercredi 4 août des Emirats arabes unis à la demande de la justice algérienne, l’ancien PDG de Sonatrach devra faire un autre séjour en taule, au moins jusqu’à la tenue de son procès devant le pôle économique et financier d’Alger qui a déterré deux affaires dans lesquelles il est impliqué.

Il s’agit de l’acquisition d’une raffinerie vétuste au prix d’or et la gestion de la société algéro-américaine BRC qui avait fait couler beaucoup d’encre en son temps.

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En mai 2018, le groupe pétrolier public algérien, dirigé par Ould Kaddour depuis une année, décide d’acquérir la raffinerie Augusta (Italie), appartenant à Exxon-Mobil pour près d’un milliard de dollars.

L’acquisition était censée résoudre le déficit du pays en produits pétroliers raffinés, mais elle s’avèrera très vite une grande arnaque. L’Algérie a payé trop cher une installation vétuste qui nécessite des fonds supplémentaires pour sa réhabilitation, et qui ne fonctionnait pas avec du pétrole algérien.

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Fin 2019, Sonatrach a dû contracter un prêt de 250 millions de dollars pour les besoins de la réhabilitation de l’installation.

Ould Kaddour n’était plus PDG. Il avait été relevé de ses fonctions quelques jours seulement après la démission du président Abdelaziz Bouteflika, en avril 2019. La chute de Bouteflika signifiait inéluctablement le retour des tourments pour celui qu’on disait très proche du cercle présidentiel. Il le savait d’autant plus bien qu’il s’est réfugié à l’étranger immédiatement après son limogeage.

Cet ingénieur polytechnicien a des attaches et des réseaux à l’étranger ainsi que beaucoup de biens. Au milieu des années 1970, il a émigré aux USA où il a poursuivi ses études, multipliant les diplômes en ingénierie et chimie, avant d’occuper plusieurs postes en Algérie, dont celui de directeur de la société algéro-Américaine Brown & Root Condor, BRC, un poste qui va lui valoir ses premiers déboires judiciaires.

Installé en France depuis 2019, il a continué à voyager et à donner des conférences et c’est l’un de ces déplacements qui va lui être fatal. La vaste opération de chasse aux corrompus de l’ère Bouteflika, lancée par les nouvelles autorités algériennes, ne pouvait pas le manquer, notamment pour son rôle dans l’affaires Augusta et les nombreuses autres affaires dans lesquelles son nom était cité, comme celle de BRC où l’acquisition de biens fonciers de forte valeur sur l’île d’Ibiza, en Espagne.

En juin 2017, TSA avait révélé qu’un des enfants Ould Kaddour a acquis 72.000² de terrains sur l’île espagnole. L’affaire est restée sans suite et le puissant PDG de Sonatrach qu’il était n’a même pas jugé utile de démentir.

De la prison à la tête de Sonatrach

Le 24 février 2021, à l’occasion de l’anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures, Abdelaziz Djerad, alors Premier ministre, annonce qu’« une enquête a été ouverte sur l’affaire de la raffinerie Augusta, dans laquelle un mandat d’arrêt international a été émis contre le principal accusé ».

Même si Djerad n’avait pas cité de noms, il était clair que le principal accusé ne pouvait être que Abdelmoumène Ould Kaddour. Moins d’un mois après, le fugitif se rend à Amman en Jordanie pour donner une conférence.

Il fait escale à Dubaï et la police locale l’arrête, son nom figurant sur la liste rouge d’Interpol. Relâché sous caution avec interdiction de quitter le territoire des Emirats, il est resté dans ce pays jusqu’à son extradition ce 4 août. Il logeait dans un grand hôtel de luxe à Dubaï.

Les images le montrant menotté et escorté de policiers à l’aéroport d’Alger rappellent la déchéance qui frappe de nombreuses figures de la présidence Bouteflika et pour lesquelles la chute de ce dernier aura été fatale. La diffusion de ces images a suscité une vague d’indignation et de dénonciations sur les réseaux sociaux. Des militants des droits de l’Homme ont dénoncé le procédé, qui a rappelé celui appliqué à Ahmed Ouyahia lors de l’enterrement de son frère au cimetière de Garidi en juin 2020.

Ould Kaddour, qu’on disait très proche de l’ancien cercle présidentiel, doit beaucoup à Abdelaziz Bouteflika et à son frère-conseiller.

En 2007, sa vie a basculé. Poursuivi pour « espionnage » dans le cadre de l’affaire BRC, il passe devant le tribunal militaire et écope de 30 mois de prison. L’enquête sur la gestion de la société algéro-américaine, qu’il dirigeait depuis 1993, avait révélé de graves disfonctionnements et malversations. La société sera dissoute dans la foulée.

Mais l’Algérie de Bouteflika était aussi celle des miracles. Celui qui a été condamné par la justice de son pays pour espionnage reviendra dix ans plus tard pour présider aux destinées de la première entreprise du pays, l’une des plus grandes en Afrique, celle en tout cas qui fait vivre l’Algérie.

En mars 2017, Abdelmoumène Ould Kaddour est nommé PDG de Sonatrach par un Bouteflika déclinant. Le concerné et le cercle présidentiel chargeront leurs relais d’expliquer que toute l’affaire BRC n’était qu’une cabale orchestrée par le défunt DRS (dissous en 2016) et son chef Toufik Mediene (mis à la retraite en septembre 2015).

Soit le même argument avancé pour expliquer l’abandon des poursuites engagées par un certain Belkacem Zeghmati en 2013, alors procureur général d’Alger, à l’encontre de Chakib Khelil, l’ancien ministre de l’Energie.

Ould Kaddour s’est extirpé comme un cheveu de la patte, mais ce n’était que partie remise. Deux ans et demi après la chute de son protecteur, il retourne en prison, du moins en attendant son procès. Chakib Khelil, lui, court toujours.

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