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Paralysie de l’APN : dissolution ou capitulation de Bouhadja ?

Paralysie de l’APN : dissolution ou capitulation de Bouhadja ?

Ce que tout le monde redoutait a fini par arriver. La contestation du président de l’Assemblée populaire nationale par les députés de la majorité a provoqué le blocage de la chambre basse du Parlement.

La décision a été actée par le président du bureau de l’assemblée qui a prononcé le gel non seulement de l’activité des groupes parlementaires contestataires comme brandi au départ, mais de toutes les activités de l’Assemblée.

Les présidents des commissions permanentes ont fait de même, éloignant l’éventualité, entrevue dans un premier temps, de voir les députés de l’opposition continuer à faire fonctionner l’APN, sachant que le règlement de la chambre ne prévoit aucun quorum pour les débats et les votes en plénière.

M. Bouhadja ne montre aucune flexibilité et le bras de fer semble parti pour durer. Que va-t-il se passer maintenant ? De quels outils juridiques disposent les plus hautes autorités du pays pour débloquer la situation ? La dissolution est-elle inévitable ?

Il faut dire d’abord que, hormis la dissolution qui fait partie des prérogatives du président de la République en vertu de l’article 147 de la constitution, toute autre forme d’intervention du pouvoir exécutif dans le fonctionnement du Parlement serait en porte à faux avec le principe de la séparation des pouvoirs consacré par la même loi fondamentale.

Du reste, un tel cas de figure, c’est-à-dire la contestation du président d’une des deux chambres par les députés ou les sénateurs, n’est prévu par aucun texte.

Dans son article 131, la constitution dispose sans aucune autre précision que « le Président de l’Assemblée Populaire Nationale est élu pour la durée de la législature. Le Président du Conseil de la Nation est élu après chaque renouvellement partiel de la composition du Conseil (trois ans, ndlr) ».

Dans le règlement intérieur de l’APN, la seule situation prévue c’est la vacance de la présidence de l’Assemblée. C’est dans l’Article 10 : « En cas de vacance de la présidence de l’Assemblée Populaire Nationale par suite de démission, d’incapacité ou d’incompatibilité ou de décès, il est procédé à l’élection du Président de l’Assemblée populaire nationale suivant les mêmes modalités prévues par le présent règlement intérieur, dans un délai maximum de quinze (15) jours à compter de la déclaration de la vacance. »

L’action des frondeurs, c’est-à-dire l’exigence de la démission du président de l’Assemblée, ne repose donc sur aucun fondement légal, d’où l’impossibilité de trouver un outil juridique pour débloquer la situation.

Même les dernières actions qu’ils ont entreprises, comme le gel des activités du bureau et des commissions permanentes, elles ne sont prévues par aucun texte.

Ce qui conforte davantage Saïd Bouhadja, c’est le fait que la décision qu’il a prise est qui serait à l’origine de cette fronde, soit le limogeage du secrétaire général de l’Assemblée, figure bel et bien dans ses prérogatives fixées par l’article 9 du règlement intérieur qui stipule que le président de l’APN « nomme le secrétaire général et pourvoit aux emplois des services administratifs de l’Assemblée populaire nationale, après consultation du Bureau de l’Assemblée ».

Les députés, dont la mission première est de légiférer, ignorent-ils à ce point les dispositions de lois qu’ils ont eux-mêmes élaborées ?

Le blocage de l’Assemblée nationale suscite aussi des interrogations sur le sort de la loi de finances 2019 qui vient d’être adoptée par le Conseil des ministres.

La solution pourrait être l’adoption du texte par ordonnance, tel que prévu par la constitution dans son article 138 : « Le Parlement adopte la loi de finances dans un délai de soixante-quinze (75) jours au plus tard, à compter de la date de son dépôt, conformément aux alinéas précédents. En cas de sa non-adoption dans le délai imparti, le Président de la République promulgue le projet du Gouvernement par ordonnance. »

Une disposition prévue aussi par la loi organique n° 16-12 du 25 août 2016 fixant l’organisation et le fonctionnement de l’APN et du Conseil de la Nation dans son article 44.

Certains députés, contactés ce mercredi, ont mis en avant cette disposition pour dire que rien ne presse et qu’ils laissent au président contesté le temps qu’il juge nécessaire pour prendre sa décision de partir.

Cela dit, cette situation de blocage ne peut durer indéfiniment, car les textes promulgués par ordonnance doivent être adoptés ultérieurement par le Parlement, tel que stipulé par l’article 142 de la constitution.

« En cas de vacance de l’Assemblée Populaire Nationale ou durant les vacances parlementaires, le Président de la République peut, sur des questions urgentes, légiférer par ordonnance, après avis du Conseil d’État. Le Président de la République soumet les textes qu’il a pris à l’approbation de chacune des chambres du Parlement, à sa prochaine session. Sont caduques les ordonnances non adoptées par le Parlement. »

D’où l’urgence de trouver une issue à l’impasse actuelle. Sur le plan juridique, seules deux options sont possibles, au vu des textes en vigueur : la démission de plein gré du président de l’APN ou la dissolution de l’Assemblée par le président de la République.

En somme, seul un règlement politique de la crise éviterait cette solution extrême qui chamboulerait tout l’agenda politique et électoral du pays.

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