La France va-t-elle enfin « déboulonner » le maréchal Bugeaud, l’un des symboles controversés de son passé colonial ?
À Paris, c’est un geste fort que la mairie envisage sérieusement : débaptiser l’avenue Bugeaud, du nom du maréchal connu pour ses exactions pendant la conquête de l’Algérie. Le projet fait néanmoins face à l’opposition de la droite.
La statue de Bugeaud trône au centre de Paris depuis 170 ans. Elle a été érigée par Napoléon III en 1853 en hommage à cet officier pour, peut-on encore aujourd’hui lire sur le piédestal, son rôle dans la « pacification de l’Algérie ».
Chargé de réprimer la récolte de l’émir Abdelkader à partir de 1836, il sera par la suite nommé gouverneur de l’Algérie, en 1841. Pour « pacifier » le pays, il a pratiqué la politique de « la terre brûlée » et a ordonné notamment les « enfumades » de sinistre mémoire.
La mairie de Paris semble enfin à avoir entendu les multiples appels à débaptiser la rue qui porte son nom.
La maire socialiste Anne Hidalgo a fait part du projet le 22 novembre dernier et son adjointe à la mémoire, Laurence Patrice, a annoncé jeudi 7 décembre que la mesure fera l’objet d’un « vœu symbolique » lors du prochain Conseil municipal à la mi-décembre. La délibération devrait intervenir d’ici à l’été 2024, a-t-elle précisé.
Le gouvernement français avait ouvert la voie à un tel projet en indiquant en 2020 par la voix de son porte-parole de l’époque, Sibeth Ndiaye, que l’on pouvait « se poser la question de débaptiser l’avenue Bugeaud ».
C’était dans le sillage de l’entreprise du président Emmanuel Macron de « réconcilier les mémoires » de la colonisation et de la guerre d’Algérie.
Dans son argumentaire, la mairie explique sa décision par « le discrédit qui frappe la mémoire de Robert Bugeaud », et son rôle « éminemment néfaste » dans l’histoire de l’Algérie et de la France.
La mairie de Paris veut débaptiser l’avenue Bugeaud
En employant des « méthodes meurtrières et inhumaines » en Algérie, Bugeaud s’est « rendu coupable de ce qui serait aujourd’hui qualifié de crimes de guerre », a indiqué la mairie de Paris dans une déclaration à l’AFP.
D’autant plus que, ajoute-t-elle, le maréchal Bugeaud a commis des exactions même en France, notamment lors de la répression d’une révolte républicaine en 1834.
Anne Hidalgo a confirmé sur TMC son intention de débaptiser l’avenue Bugeaud tout en se disant « défavorable » à la généralisation de l’initiative.
Concernant la statue de Bugeaud, la maire socialiste avait indiqué, toujours en novembre dernier, qu’elle n’est « pas du tout pour le déboulonnage des statues ». « Je préfère qu’on ajoute et qu’on complète l’histoire par de l’explication », avait-elle dit.
Le nouveau nom que la mairie envisage de donner à l’avenue Bugeaud est celui d’un résistant français, Hubert Germain.
Sans surprise, le projet fait face à l’opposition du maire du XVIe arrondissement où se trouve la rue en question. Le maire Jérémy Redler, issu des Républicains, a justifié son refus par le fait que la débaptisation des rues serait rentrée dans un « engrenage », et que de tels changements constitueraient une « horreur » administrative pour les riverains.
En octobre dernier, Jean-Michel Aphatie et Olivier Le Cour Grandmaison, respectivement journaliste et politologue anticolonialistes, ont publié dans le journal Le Monde une tribune intitulée : « À Paris, comme dans les autres villes concernées, la glorification du maréchal Bugeaud n’a que trop duré », dans laquelle ils ont rappelé les crimes du maréchal et ont appelé à la débaptisation des rues qui portent son nom et au déboulonnage des statues à son effigie.
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