Politique

Partis et associations du pouvoir : la fin de l’allégeance ?

Abdelmadjid Tebboune ne rate pas une occasion pour promettre un changement radical dans le mode de gouvernance du pays et d’édifier une nouvelle république, mais beaucoup demeurent sceptiques devant la cadence avec laquelle le nouveau président de la République annonce ses mesures. Il est entré officiellement depuis un mois et c’est assurément un laps de temps trop court pour lui dresser un bilan ou même de déduire ce que sera sa politique et ses intentions réelles pour le pays.

Néanmoins, les quatre premières semaines de la présidence Tebboune ont été suffisantes pour constater qu’une sorte de rupture est peut-être en train de s’effectuer avec ce que le système algérien avait de plus exécrable : l’allégeance et le soutien.

Les partis de l’ex-alliance présidentielle se murent dans le silence, quand ils ne sont pas en proie à de profondes crises internes, de même que les associations et organisations qui orbitaient autour du pouvoir ainsi que les personnalités connues pour leur soutien inconditionnel au puissant du moment. Aucun comité de soutien au président n’a vu le jour un mois après l’élection de celui-ci, et ça c’est déjà une grande nouveauté.

Abdelmadjid Tebboune, faut-il le rappeler, a été élu sans le soutien d’aucun parti politique ou organisation de masse. Le FLN, dont il est pourtant membre du comité central, a choisi d’appuyer la candidature de Azzedine Mihoubi, secrétaire général par intérim du RND, tandis que ce parti a naturellement apporté son soutien à son chef.

Déroutés par l’emprisonnement de leurs présidents respectifs, le MPA et TAJ, les deux autres partis qui composaient l’alliance autour de Bouteflika, n’ont donné aucune consigne de vote lors du scrutin du 12 décembre.

Tebboune avait même perdu du monde dans les jours qui avaient précédé l’élection, dont son directeur de campagne et beaucoup de membres des comités locaux qui ne se sont pas gênés de rejoindre les permanences de Mihoubi dès que ce dernier a commencé à être présenté comme le candidat du pouvoir.

Nonobstant les conditions dans lesquelles il a été élu, notamment le faible taux de participation au scrutin, Tebboune a gagné sans le soutien de personne. Le mythe de la machine électorale du FLN et du RND a vécu et leur réputation de mastodontes de la scène politique s’est avérée surfaite : le candidat qu’ils ont soutenu a récolté à peine un peu plus de 600 000 voix, contre près de 5 millions pour Tebboune.

Après l’élection, les deux partis ont multiplié les appels du pied au nouveau président, offrant ouvertement leurs services, mais il semble que Abdelmadjid Tebboune a compris que leur compagnie sera plus un boulet qu’un réel soutien, eux dont le hirak populaire réclame tout simplement la dissolution et la mise au musée.

On ne sait pas s’il leur a été signifié franchement de se tenir à l’écart, mais le fait qu’ils ne soient pas consultés pour la constitution du nouveau gouvernement, alors qu’ils détiennent la majorité des sièges dans les assemblées élues, est déjà une manière de leur faire comprendre que la gestion des affaires du pays se fera désormais sans eux et sans toutes les organisations de masse qui n’ont été d’aucun secours pour Bouteflika lorsque la roue a tourné. Quand celui-ci est tombé, ces partis et organisations ont apporté leur soutien aux autorités de la transition, dont le défunt chef d’état-major de l’ANP et ils ont tenté de le faire encore avec le nouveau président.

Mais dès son discours d’investiture, le nouveau chef de l’Etat avait lancé un message clair à tout le monde en refusant l’appellation de « fakhama », indissociable vingt ans durant du nom de Bouteflika. Le début de la fin de l’allégeance avait peut-être commencé ce jour-là.

L’autre élément qui conforte l’idée de la mise à l’écart de tous les ex-partis du pouvoir, c’est le fait qu’aucun d’entre eux n’a été convié par la présidence dans le cadre des consultations menées pour trouver une issue à la crise en cours. Tebboune a préféré entendre l’avis de personnalités et de formations politiques réputées proches du hirak.

Djilali Sofiane, qui a justement rencontré le chef de l’Etat, a révélé que celui-ci n’exclut pas des élections législatives avant la fin de l’année et beaucoup se demandent déjà si l’échéance ne marquera pas la fin des partis du pouvoir, du moins de leur hégémonie. Une fraude en leur faveur est impensable en l’état actuel des choses, étant donné que la rue ne cautionnera pas leur retour, surtout que tout le monde est maintenant édifié sur leur véritable poids. Une grosse interrogation subsiste cependant concernant les forces sur lesquelles le président s’appuiera pour gouverner pendant cinq ans, lui qui s’est clairement engagé à ne pas créer de formation politique.

Il se pourrait que la réponse se trouve dans l’intention prêtée à Abdelmadjid Tebboune de faire adopter une Constitution qui accorde de larges prérogatives au Parlement et au gouvernement avec lequel le président consentirait peut-être à cohabiter pour le reste de son mandat.

Des législatives honnêtes sonneraient le début réel du changement. En attendant, les Algériens sont sans doute nombreux à applaudir la disparition de la scène des professionnels du soutien qui ont pollué le paysage politique national des décennies durant.

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