Décidément, le FMI et le gouvernement ne voient pas l’avenir de l’économie algérienne de la même façon. Dans le rapport très détaillé qu’il a rendu public lundi 16 juillet, sur les perspectives de l’économie algérienne, le FMI se montre très pessimiste à propos des conséquences du virage économique effectué depuis l’été dernier en prenant carrément à contre-pied les annonces rassurantes de la communication officielle de l’Exécutif algérien sur ce sujet.
Une croissance plus élevée en 2018…
À grand renfort d’arguments, de chiffres et de diagrammes qui prolongent significativement l’analyse sur une période de 5 ans , jusqu’en 2023, l’institution basée à Washington démontre que la démarche annoncée par le gouvernement, qui repose principalement sur le recours à la planche à billets dans le but de financer le déficit budgétaire, va bien conduire à un redressement de la croissance à court terme qui devrait atteindre près de 3% cette année après avoir baissé, le chiffre est inédit, à 1,6 % l’année dernière.
….et une forte dégradation à partir de 2020
Pour le FMI , malheureusement la suite des événements sera beaucoup moins favorable. La croissance va ralentir très fortement dès 2020 en provoquant une augmentation du taux de chômage. Elle se traduira aussi par la persistance des déficits budgétaires et surtout des déficits externes qui vont éliminer progressivement toutes les marges de manœuvre dont notre pays dispose encore en ramenant les réserves de change à moins de 5 mois d’importation dès 2022 et à 12 milliards de dollars c’est-à-dire 3 mois d’importation, en 2023.
Par quel mécanisme va-t-on en arriver là ? Le FMI fait d’abord mine de prendre au sérieux l’engagement des autorités algériennes d’effectuer des « coupes sombres » dans les dépenses publiques à partir de l’année prochaine. Une démarche intenable qui provoquerait une quasi-récession de plusieurs années. Il note, confirmant son scepticisme au sujet de cette promesse, que si « le très ambitieux assainissement des finances publiques annoncé pour 2019 et au-delà ne se déroule pas comme prévu, les déséquilibres pourraient rapidement devenir non-soutenables car les politiques actuelles affaiblissent la résilience de l’économie au lieu de la renforcer ».
Le plus probable, c’est donc la poursuite pendant encore plusieurs années du recours aux « facilités » du financement monétaire qui représentera déjà près de 23% du PIB à fin 2018.
Une « spirale inflationniste » en perspective
Selon le FMI, cette stratégie risque notamment d’attiser les tensions inflationnistes. II explique : « L’augmentation de la liquidité va stimuler la demande, ce qui se traduira par une hausse des prix à court terme en raison de l’insuffisance de l’offre intérieure et des possibilités d’épargne. Dans le même temps, le durcissement des barrières à l’importation risque d’alimenter les pressions inflationnistes en réduisant l’offre – voire en débouchant sur des pénuries pour certains produits. Les attentes en matière de salaire et de prix pourraient s’ajuster rapidement et se renforcer mutuellement. Les autorités pourraient alors se trouver obligées de recourir au financement monétaire au cours des années suivantes, ce qui risquerait d’entraîner l’économie dans une spirale inflationniste ».
Des mesures de sauvegarde jusqu’en 2019
Dans ce contexte, qui sera selon toute vraisemblance celui de l’économie algérienne au moins jusqu’au milieu de l’année prochaine, un moindre mal serait l’adoption de « mesures de sauvegarde » qui, ainsi que l’indique le FMI, « n’existent pas à l’heure actuelle, et ne sauraient se substituer à une politique macroéconomique saine ».
Elles consistent, si le déficit continue d’être financé par la politique monétaire, à « prévoir des limites quantitatives strictes (par exemple, plafonner le financement monétaire à une part raisonnable de la moyenne des recettes fiscales annuelles hors-hydrocarbures au cours des trois années précédentes, à l’exception des dividendes versés par la BA), des limites temporelles (inférieures aux cinq ans prévus par la loi), et un financement aux taux du marché. Il sera également important de stériliser une part suffisante de la liquidité injectée et de durcir les conditions monétaires afin d’atténuer les tensions inflationnistes ».
« Les services du FMI soulignent que ces mesures, si elles atténuent les risques, ne les éliminent cependant pas ».
Un autre scénario est possible
L’avènement de ces scénarios aux couleurs très sombres n’est cependant pas inévitable. Les experts de Washington tentent d’en convaincre les autorités algériennes depuis maintenant près d’un an. Il existe une alternative , une « fenêtre d’opportunité », qui reste encore ouverte pour quelques années. Les termes en sont connus. Pour le FMI, en matière de financement de ses dépenses, l’Algérie dispose de « marges de manœuvre » qui lui permettent d’adopter une démarche moins risquée que celle du financement monétaire.
Quelles sont ces marges de manœuvre ? Les experts du FMI les désignent explicitement. Le gouvernement algérien devrait « prendre en considération une gamme plus large d’options de financement, y compris l’endettement interne, le partenariat public privé et la cession d’actifs publics ». Le FMI recommande également un recours limité à l’endettement extérieur pour le financement de certains projets d’investissements.
Les experts du FMI se montrent également plus que sceptiques à propos d’une gestion de la monnaie nationale qui a conduit, depuis juin 2016, à stabiliser presque complètement la valeur du dinar par rapport au dollar. Ils affirment une nouvelle fois que « les politiques monétaire, financière et de change devront soutenir l’ajustement. La poursuite des efforts en vue d’aligner le dinar sur la situation fondamentale de l’économie, combinée à des mesures visant à la résorption du marché des changes parallèle, favoriserait l’ajustement budgétaire et extérieur ».
Dans les projections réalisées par le FMI, l’adoption de ce train de mesures, associée à la mise en œuvre rapide d’une série de réformes de structure, écarterait les spectres combinés de la récession et de l’inflation qui menacent désormais l’économie algérienne sans cependant faire de miracles au moins dans une première étape. Elles devraient permettre de stabiliser la croissance autours de 2% au cours des prochaines années et de stopper l’érosion des réserves de change dès le début de la prochaine décennie.
Un programme économique qui reviendra probablement en pleine actualité, une fois passées les prochaines échéances électorales, dès le milieu de 2019. En attendant, c’est un drôle de « dialogue » entre les autorités algériennes et le FMI qui se poursuit.
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