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Pessimistes, les jeunes boudent les premières municipales post-révolution en Tunisie

Pessimistes, les jeunes boudent les premières municipales post-révolution en Tunisie

« Je suis déjà tombée dans leur piège en 2014, je ne vais pas refaire cette erreur »: Kamilia Mlouki, 23 ans, diplômée au chômage, est venue voter blanc lors des premières municipales libres en Tunisie, un scrutin crucial qui peine à mobiliser.

Dans les bureaux de vote, l’affluence reste limitée pour le premier scrutin depuis les législatives et la présidentielle de 2014, et les premières élections locales depuis la révolution de 2011.

Et parmi les électeurs qui ont fait le déplacement, rares sont les jeunes.

Conscients du risque d’abstention d’une population déçue par une économie en berne et une classe politique discréditée, dirigeants et médias ont insisté ces derniers jours sur l’importance d’aller voter.

« Ce ne sont que des campagnes de séduction pour nous attirer au vote! », lance Kamilia, la première jeune électrice à entrer dans l’une des neuf salles d’un bureau de vote de Tunis, une heure après son ouverture.

Cette diplômée en littérature est venue « exercer son droit, mais pour donner un bulletin vide » parce qu’elle « ne fait plus confiance à aucun parti politique et à aucune liste ».

« Ils (les politiciens) n’ont commencé à nous parler d’espoir et d’un avenir meilleur qu’à l’approche de ces élections », déplore Kamilia.

La campagne électorale est restée très discrète, et les campagnes de sensibilisation ont été entravées par le flou juridique régnant jusqu’au dernier moment sur les prérogatives des municipalités.

Le président Béji Caïd Essebsi, 91 ans, et le chef du parti islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi, qui dirigent les deux principales formations en lice, ont tous deux appelé au vote, mentionnant particulièrement les jeunes.

Des bars et une marque de vêtements ont publié des promotions pour ceux qui peuvent présenter un doigt bleu teinté d’encre, prouvant qu’ils ont voté.

– « Je n’attends rien » –

Dans plusieurs bureaux de vote à Tunis, les électeurs se faisaient également attendre, contrairement aux élections de 2014, et surtout de 2011, pour l’Assemblée constituante, quand les électeurs, enthousiastes, avaient patienté des heures durant pour voter.

Une forte abstention est pressentie, notamment chez les jeunes.

« D’après ce qu’on observe, l’abstention est particulièrement forte chez les jeunes », relève Rafik Halouani, président de l’ONG d’observation des élections Mourakiboun.

« Cette tendance qui était apparue en 2014 se confirme, ils ne croient plus aux élections comme source de changement, ce qui est très grave pour la démocratie », affirme-t-il à l’AFP.

« Je n’ai rien compris à ces municipales et je ne veux rien comprendre! Je ne veux pas voter et je n’attends rien de la politique! », explique Dalila, 22 ans, qui accompagne sa mère dans un bureau de vote au centre de Tunis, mais n’ira pas voter.

Pourtant, ces municipales plusieurs fois repoussées marquent le premier pas tangible de la décentralisation – inscrite dans la Constitution et l’une des revendications de la révolution.

« Il n’y pas la même motivation qu’en 2011 où adultes, jeunes et personnes âgées faisaient la queue en bon nombre une heure avant le vote », constate le président adjoint d’un bureau de vote du centre de Tunis, également peu fréquenté.

Selon lui, cette faible mobilisation « traduit la position des gens envers la politique et les politiciens ».

Pour les jeunes, « peut être qu’ils dorment encore! », veut-il croire.

Un tiers des électeurs (32%) a moins de 36 ans. Et ces élections, avec près de la moitié de femmes et de jeunes parmi les candidats, sont une occasion de voir émerger une nouvelle génération d’élus.

Mais sept ans après la révolution – qui avait suscité beaucoup d’espoir – nombre de Tunisiens se disent démobilisés en raison d’une inflation proche de 8%, d’un chômage toujours aussi élevé notamment chez les jeunes diplômés, et des arrangements entre partis dominants.

Abdelaziz Mahjoub, 74 ans, s’est mis sur son 31 pour voter – costume noir, chechia (couvre-chef traditionnel) rouge, cravate assortie à la couleur de la Tunisie.

« Je suis parmi les premiers à venir voter, habillé comme pour un mariage parce que je veux donner un bon exemple à la jeunesse: il ne faut jamais perdre espoir et accomplir nos devoirs parce que l’avenir sera meilleur! », dit-il joyeusement.

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