En Algérie, la demande en pommes de terre augmente et sa consommation atteint annuellement 100 kilos par habitant. La production locale est handicapée par le manque de semences.
Chaque année, il faut 450.000 tonnes de semences. Elles sont chères et parfois de qualité douteuse. Aussi, les services agricoles locaux se sont lancés dans la production de vitro-plants, des pommes de terre cultivées dans des tubes de verre. Une technologie aujourd’hui maîtrisée en Algérie.
En matière de pomme de terre, les consommateurs algériens scrutent attentivement la mercuriale. Sur les étals des marchés, les prix de ce produit de large consommation sont en moyenne de 60 DA le kilo, mais il peut parfois atteindre 140 DA comme en mars 2022.
En novembre dernier, excédé par l’insistance d’un journaliste semblant contester ses propos, Abdelhafid Henni, alors ministre de l’Agriculture et du Développement rural, lui avait répondu : « Si vous achetez votre pomme de terre à 100 DA, alors changez de quartier ! »
C’est à la mi-janvier que Youcef Cherfa, le nouveau ministre de l’Agriculture, a visité les laboratoires d’Agrodev. Installée à Guellal (Sétif) depuis 2017, cette filiale du groupe public Gvapro a pour mission d’approvisionner le marché local en semences.
Dans les laboratoires et serres visitées par le ministre, des dizaines de milliers de plants de pomme de terre sont cultivés dans des tubes puis repiqués sous serre.
À l’abri des pucerons potentiellement vecteurs de maladies, ces minuscules plants permettent la production de minitubercules. Replantés à leur tour, ceux-ci assureront les futures semences tant recherchées par les agriculteurs.
Des semences de pomme de terre trop chères
Les agriculteurs se préoccupent du prix du kilo de semences. Un prix qui est passé ces derniers mois de 80 DA à 120 puis à 180 DA. À ce tarif-là, des agriculteurs se plaignent de montants prohibitifs et indiquent que planter des pommes de terre n’est plus rémunérateur, d’autant plus qu’il leur faut tenir compte du coût des engrais et de la main d’œuvre.
Le poste semences représente la part la plus élevée de leurs charges. À Aïn Defla, région connue pour sa production de pomme de terre, des agriculteurs s’alarment du coût des semences.
Abdelaziz témoignait en 2023 à Ennahar Tv : « Avec ces charges, à combien vais-je devoir vendre ma récolte ? » D’un air décidé, il ajoute : « Je ne vais rien planter, j’ai préparé la terre, mais à ce prix, je ne peux pas planter de pommes de terre ».
Une situation suivie de près par les services agricoles et notamment par Mustapha Belhanini, le directeur général de Gvapro. Lors de la mise en route des installations de Guellal, il déclarait qu’il était possible d’en produire au prix de 50 DA.
Des perspectives prometteuses
La production locale a déjà permis une réduction des importations. Celles-ci atteignent encore 120.000 à 150.000 tonnes pour une valeur de 90 à 100 millions de dollars.
Sur son site Internet, Gvapro indique : « Depuis l’année 2019, l’Algérie n’importe que 20 % en semences de pomme de terre, le reste est produit localement avec des moyens entièrement algériens. »
Pour Nacera Traboulssi, la directrice d’Agrodev, le passage des capacités actuelles de production de 800.000 mini-tubercules à 1,5 million permettrait à l’Algérie une autosuffisance en la matière. Lors de sa visite, le ministre a demandé que soient utilisées les capacités des fermes pilotes.
Reste la question des royalties. À Guellal, la production de semences est réalisée à partir du matériel génétique appartenant à des entreprises hollandaises et françaises.
Ce sont les obtenteurs des variétés Spunta et Désirée, des cultivars très recherchés par les agriculteurs. Mustapha Belhanini confiait récemment au quotidien Horizons : « Il y a un petit handicap concernant les variétés protégées par des brevets qu’on ne peut produire chez nous qu’en payant des royalties ».
Une alternative est proposée par le laboratoire de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Sebaïne (Tiaret), celle de la production de variétés locales.
Une sélection possible en utilisant du matériel génétique fourni dans le cadre de la coopération avec des organismes internationaux. Déjà à Sebaïne, Ahmed Zebar, le directeur du laboratoire, revendique l’inscription au catalogue national de 12 variétés de pomme de terre.
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