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Pommes algériennes : ce que cache la polémique sur les prix

Quels sont les enjeux de la nouvelle polémique qui vient d’éclater sur les prix des pommes algériennes ?

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Pommes algériennes : ce que cache la polémique sur les prix
Par Sasha Pleshco / Unsplash
Aicha Merabet
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En Algérie, l’arrivée des pommes sur le marché s’accompagne cette année encore d’une polémique qui cache mal des enjeux liés au retour à l’importation et au rôle d’intermédiaires peu scrupuleux.

Les consommateurs se plaignent de prix élevés tandis que les producteurs accusent des intermédiaires. Un débat qui a lieu dans un contexte particulier : remplacer les importations de pommes par la production locale.

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Sur les étals, les prix des pommes varient entre 350 dinars et 800 DA le kilo et parfois plus, alors que sur le marché de Bouhmama les producteurs indiquent céder leur production entre 150 et 250 DA le kilo.  Un écart de prix lié à la durée de conservation des pommes : jusqu’à 8 mois en chambres froides. Une particularité dont abusent des intermédiaires peu scrupuleux qui utilisent la conservation comme moyen de spéculation.

Dans les vergers, la récolte s’articule autour des variétés mûres telles la Royal Gala. Les pommes Golden arrivent à peine à maturité ; par peur de la grêle, des agriculteurs les proposent déjà à la vente. À Bouhmama (Khenchela) après avoir occupé la plaine de nouveaux vergers s’accrochent aux pentes. Autrefois déshéritée, les Aurès renaissent à la faveur du développement de la pomiculture.

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Les premières plantations de pommiers datent des années 1970 et laissent place aujourd’hui à des vergers à haute densité où les arbres sont plantés à 80 cm les uns des autres. Une technique rentable mais qui requiert de lourds investissements. Dans un verger, Yacine Nasri, le représentant de la coopérative Bouhmama défend cette technique : « Voyez combien ces arbres âgés de 3 ans sont chargés de fruits et entre eux il reste suffisamment de place pour l’extension des branches ».

Les investisseurs sont nombreux : agriculteurs bien sûr mais également fonctionnaires, médecins ou travailleurs immigrés de retour au pays. La coopérative a importé des plants de Pologne et développé les liens avec des experts de ce pays. Aux importations de plants ont succédé des visites de professionnels polonais qui ont vulgarisé la technique de plantations à haute densité et fait connaître de nouveaux porte-greffes.

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En finir avec les pommes de petit calibre

Sur les réseaux sociaux, Yacine Nasri n’hésite pas à monter au créneau pour défendre la filière. En ce début août, il explique que la production locale est suffisante à condition que chacun consomme les différents calibres de pommes mis sur le marché et non pas seulement les plus gros.  Des consommateurs dénoncent la « grenaille », ces fruits de petits calibres retrouvés sur les étalages. Un faible calibre lié au manque d’éclaircissage, une technique indispensable pour éliminer dès la floraison une partie des futurs fruits.

Pour satisfaire la demande, le représentant de la coopérative appelle les producteurs à redoubler d’efforts afin d’obtenir de beaux fruits notamment en veillant à un apport suffisant d’engrais et en pratiquant correctement les opérations de taille.

Il accuse : « Certains veulent revenir à l’importation ». Avant 2017, les pommes françaises inondaient le marché algérien. Les producteurs français « exportaient en Algérie des Golden ramassées en caisse et non calibrées après récolte », expliquait dans la presse agricole en mars 2017 Josselin Saint-Raymond, le directeur de l’Association française pommes et poires.

« L’Algérie représentait la première destination pour l’exportation de pommes françaises vers les pays tiers avant 2015 », notait la même année l’hebdomadaire La France Agricole qui ajoutait : « Cependant, les volumes vendus s’étiolent peu à peu. Lors de la campagne de 2014-2015, la France exportait près de 80 000 t de pommes vers l’Algérie, en 2015-2016, ce n’était plus que 12 000 t ».

Dès février 2017, cette situation avait fait réagir le président de la Région de la Provence-Alpes-Côte d’Azur, Christian Estrosi, qui avait alors demandé au Premier ministre français « d’intervenir auprès de son homologue algérien en urgence » dans le but de délivrer un « quota de 20 000 tonnes de pommes des Alpes au minimum pour permettre la survie des exploitations alpines ».

Face à cette hémorragie de devises, l’instauration à partir de 2017 de DAPS (120 %) et de droits de douane (30 %) par l’Algérie ont permis de protéger la production locale de pommes. Une décision dont se félicitent les producteurs algériens de pommes.

Face au défi de répondre au défi d’approvisionner le marché et de stopper toute polémique sur les prix sur ce fruit, Yacine Nasri s’emploie également à rassurer les producteurs. À la suite de la récente inauguration à Mellakou (Khenchela) d’un marché consacré aux pommes et à la décision prise par le gouvernement fin avril dernier de plafonner des prix de cinq produits dont ce fruit à 400 dinars le kg, il précise : « Les prix seront fixés selon le principe de l’offre et de la demande et ce seront des prix équilibrés ».

Il ajoute croire en la concurrence et indique que les prix sont fixés en fonction des charges des producteurs. « Des charges différentes selon qu’ils cultivent en mode intensif ou classique, que leur forage soit récent ou non et donc que le rabattement de la nappe soit important ou non », explique-t-il.

La disponibilité de l’eau, une question aujourd’hui cruciale. « Auparavant on trouvait de l’eau à 70 mètres de profondeur, aujourd’hui même en creusant jusqu’à 200 mètres, on n’est pas sûr d’en trouver », indique un producteur. La technique intensive qui permet de planter 3 000 arbres par hectare contre 500 auparavant s’avère gourmande en eau malgré l’utilisation généralisée du goutte à goutte. Aussi près des vergers des bassons ont été creusés.  Il y a trois ans, Sami Azizi confiait à la chaîne Web de la Chambre nationale d’agriculture : « Toute l’eau nécessaire à l’irrigation provient des nappes souterraines. Sur mes 4 forages, actuellement 3 sont à sec ». Aussi, pour irriguer ses milliers de pommiers de mai à août, il a creusé un immense bassin de 200 000 m3 profond de 30 mètres qu’il a tapissé de géomembrane et qu’il compte remplir en hiver.

Plus d’eau et de chambres froides

Pour répondre à la demande croissante, les producteurs tentent de s’adapter au manque d’eau. Ils réclament le droit de pouvoir réaliser de petits aménagements hydrauliques pour collecter les eaux de pluie. La nouvelle de la future construction d’un barrage sur l’oued Lazreg est accueillie favorablement. À lui seul, le barrage ne suffira pas aux besoins cumulés des agriculteurs de Bouhmama et Batna.

Les sols en pente de la région ont été dévastés par le pâturage sauvage et sont dépourvus de la moindre végétation pouvant contribuer à freiner le ruissellement des pluies, et stopper l’érosion.

La nécessité de mobiliser plus d’eau pour irriguer les pommiers pourrait être à l’origine d’un renouveau de la lutte contre le ruissellement des pluies. La FAO contribue à faire connaître un Aperçu mondial des approches et technologies de conservation ou World Overview of Conservation Approaches and Technologies (WOCAT). Cet ensemble de techniques favorise l’infiltration dans le sol des pluies dans le but de réalimenter les nappes souterraines. Pour des pommiers, la plus-value attendue de tels aménagements est élevée et pourrait intéresser les producteurs de pommes.

Un autre facteur peut permettre de maîtriser les prix des pommes en Algérie : les récentes mesures gouvernementales pour l’accès au crédit. Elles devraient permettre la construction de chambres froides et éviter aux agriculteurs la vente en bout de champ. Une vente qui profite aux intermédiaires peu scrupuleux disposant de moyens de conservation. L’enjeu est grand car à travers la polémique sur le prix des pommes c’est la stratégie des DAPS qui est visée ; c’est-à-dire le remplacement des importations par la production locale.

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