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Pommes : retour sur une success story à l’algérienne

Pommes : retour sur une success story à l’algérienne

Dans les Aurès, la récolte des pommes bat son plein cet automne. Partout, les arbres croulent sous ces fruits que l’Algérie importait massivement il y a seulement quelques années.

Entre les rangées de pommiers, des dizaines d’ouvriers s’affairent. Selon les agriculteurs, les Aurès doivent ce succès aux décisions de deux présidents de la République. Le premier est Houari Boumediène. Le second est Abdelmadjid Tebboune. Retour sur une success story de la pomme des Aurès.

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Les montagnes des Aurès, terroir des pommes

Comme à Médéa, dans les Aurès, c’est l’altitude et les hivers froids qui font de ces régions des terroirs à pommes.

Le développement des pommiers, la région le doit à un concours de circonstances.

Dans cette région de l’est algérien, durant l’époque coloniale, les populations locales ont longtemps vécu dans la misère.

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Arrivée en décembre 1934 dans la région, l’ethnologue Germaine Tillon a témoigné, à travers ses photos, sur les conditions de vie. Au début des années 1970, Houari Boumédiène suggère le développement de l’arboriculture sur ces zones montagneuses peu propices aux céréales. Les services forestiers locaux distribueront alors des milliers de plants de pommiers.

Les vergers familiaux dépassés par ceux des entrepreneurs

Les premières plantations ont concerné des vergers familiaux. Progressivement, c’est une génération d’entrepreneurs spécialisés dans la pomme qui a suivi. Aux traditionnelles plantations, ces derniers préfèrent les plantations intensives à haute densité de plants à l’hectare.

Résultat : Batna est devenue la première wilaya en Algérie pour la production de pommes. La superficie de vergers de pommiers est passée de 600 hectares en 2000 à 5500 hectares en 2022, selon les chiffres officiels. Cette année, les services agricoles de Batna s’attendent à une récolte de 137.000 tonnes de pommes.

À Hidoussa (Batna) devant des arbres chargés de pommes d’un rouge vif, Hamoudi Nezzar confie à Ennahar TV avoir réalisé les premières plantations en 2003. De son côté, Abdelhamid Moualam indique utiliser des porte-greffes modernes beaucoup plus productifs.

Aujourd’hui, ces vergers sont présents à Oued Taga, Ichmoul, Hidoussa ou Foum Ettoub. La production de pommes a modifié le paysage de la région. Partout apparaissent des vergers recouverts de filets anti-grêle et les piscines géantes nécessaires au stockage de l’eau pompée jour et nuit depuis les nappes souterraines.

Des pommiers qui requièrent 1 600 heures de froid

À Ichemoul, en fin connaisseur, l’agriculteur Ziari Ben Chiyeb confie que la variété « el kebda » (le foie) demande annuellement jusqu’à 1 600 heures de froid pour produire.

À Ichmoul (Batna), Abdelghani Chiyeb montre ses arbres aux branches chargées de pommes faisant penser à des grappes géantes de raisin. Golden, Starkrimson, Royale Gala sont les variétés de son verger.

À Oued Taga, dans l’exploitation des frères Maalem, entre les rangées d’arbres, de jeunes ouvriers s’affairent. La casquette a remplacé le traditionnel chèche (turban). Les caisses vides déposées dans l’herbe au pied des arbres sont rapidement remplies de belles pommes. Avec 80 000 arbres, c’est l’une des plus grandes exploitations des Aurès.

À Idjelfaoun, c’est un verger qui vient d’être planté de très jeunes arbres qui sont alignés sur des dizaines de rangées. Ahmed Maalem confie avoir planté 3 000 pommiers dès 1999 : « Quand on a vu que cela produisait, on a continué à en planter. Aujourd’hui, on en est à 50 000 arbres ».

L’interdiction des importations a relancé la filière

Pour Abderrazzak Sabaa, 2017 a marqué un tournant avec la décision de l’Algérie d’interdire l’importation de pommes. La mesure a été prise par l’actuel président de la République Abdelmadjid Tebboune, alors ministre du Commerce, dans un contexte de crise économique en raison de la baisse des cours du pétrole.

« Ce qui a amené à de nouvelles vagues de plantations. Celui qui en avait 400 est arrivé à 4000 et celui qui en avait 4 000 est arrivé à 40 000 », explique Ahmed Maalem.

Il évoque les aléas de la sécheresse, mais estime que dans 2 ou 3 ans, la production de pommes couvrira les besoins de l’Algérie et permettra même des exportations.

Vus de haut, avec leurs filets anti-grêle, les vergers de pommiers ressemblent à une mer de plastique semblable aux serres d’Almeria (Espagne). Dans les paysages isolés des Aurès, les pentes des terres ingrates se couvrent de vergers.

Une activité créatrice d’emplois

Abdarazzak Sabaa confie que la récolte débute à la mi-août par les pommes royales Gala et s’étend jusqu’au 10 octobre. Il déclare embaucher 40 ouvriers saisonniers, mais « certaines exploitations en embauchent jusqu’à 100 à 120 qui viennent des autres communes de la wilaya ».

Pour Ali, ouvrier permanent, le travail ne manque pas : « Il faut dérouler les filets, apporter le fumier, les engrais, irriguer, procéder à la taille ». Samir à l’allure de collégien indique travailler « pour avoir de l’argent de poche et pour les études ». Dans les vergers, deux mondes se côtoient : investisseurs et ouvriers agricoles.

Ahmed Maalem indique ne pas disposer de l’accès au réseau électrique. Il a déposé une demande depuis plus d’une année et a reçu le soutien des services agricoles, mais il attend toujours. Pour irriguer ses pommiers, il doit utiliser deux groupes électrogènes.

Le coût des engrais et factures d’électricité

Pour Rabah Zemoura, la première préoccupation reste l’accès à l’eau. Vient ensuite le coût des engrais, des filets anti-grêle et les factures d’électricité.

L’accès aux nouvelles plantations nécessite également de nouvelles routes. La région dispose de pépinières locales qui fournissent de jeunes plants. Le département agronomique de l’université de Batna suit de près la filière. La filière s’étoffe progressivement.

À la pointe de la technique

Aujourd’hui, les arboriculteurs de la région des Aurès font appel à des techniques modernes. Il y a bien sûr l’irrigation localisée par goutte à goutte, mais aussi le choix des porte-greffes et un début d’utilisation de lutte biologique.

Il s’agit de diffuseurs chimiques mimant les phéromones femelles d’un papillon, le carpocapse. Simples anneaux suspendus aux branches, ces diffuseurs saturent l’air avec l’odeur des femelles, ce qui attire les mâles qui s’épuisent à chercher des femelles qu’ils ne trouvent pas.

Celles-ci non fécondées ne pourront donc pas pondre dans la chair des pommes les œufs à l’origine des vers qui dénaturent habituellement les fruits. Ce sont ainsi plusieurs traitements chimiques qui sont évités.

Forte utilisation des ressources en eau de la région

Cependant, les vergers de pommiers des Aurès requièrent de grandes quantités d’eau et d’énergie. Une irrigation qui se fait aujourd’hui par goutte à goutte, mais avec des insuffisances comme ces arboriculteurs qui laissent la cuvette autour de l’arbre se remplir d’eau alors qu’une simple humectation du sol suffit. L’emploi de sondes tensiométriques permettrait d’ajuster l’apport en eau.

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Quant à l’énergie, elle est nécessaire à l’irrigation et surtout au fonctionnement des multiples chambres froides où sont stockées les pommes. Car dans les Aurès, les agriculteurs se sont vite rendu compte que la vente sur pied n’était pas intéressante.

Profitant des subventions d’État, les chambres froides ont fleuri à proximité des vergers. Mais leur fonctionnement requiert une forte consommation en énergie. Une dépense en énergie à laquelle les investisseurs arrivent à faire face, mais qui est aujourd’hui fatale à leurs homologues français face à la flambée du kilowatt heure.

« Batna reine de la pomme de montagne ? », comme le proclame Ennahar TV. Pour que l’expérience reste durable, il reste à trouver les moyens afin de mobiliser les eaux de pluies afin de soulager les nappes souterraines et utiliser des énergies renouvelables.

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