Économie

Portrait. Hachemi Boumehdi, l’art de la céramique algérienne

Souvent copiée, mais jamais égalée. La céramique Boumehdi est un produit algérien dont la qualité est reconnue par tous. Un label 100 % algérien fondé en 1966 par celui que l’on surnommait « le carreleur du ciel« ,  Mohamed Boumehdi.

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Ce grand nom de la céramique algérienne, a quitté ce monde en 2006, laissant derrière lui un savoir-faire perpétué aujourd’hui par ses enfants et petits-enfants.

L’art, une histoire de famille

Le père a ouvert la voie, le fils l’a suivi. En ce début de mois de septembre 2022, Hachemi Boumehdi reçoit TSA dans son atelier de Kouba, à Alger. Un atelier dans lequel l’artiste conçoit, expose et met en vente ses œuvres, des merveilles aux couleurs chaudes et chatoyantes.

Né en 1953 à Berrouaghia, commune de la wilaya de Médéa, située au sud-ouest d’Alger, Hachemi Boumehdi  dit avoir toujours « inconsciemment » côtoyé l’art .

« Mon premier contact avec l’art je le dois probablement à ma grand-mère. Elle faisait des tapis. J’ai ici même dans mon atelier un tapis qu’elle a signé de son nom en 1941. J’ai toujours vécu dans la couleur et le façonnage artistique. Inconsciemment, étant petit, j’ai enregistré tout cela. J’ai bercé dans un milieu où la richesse culturelle, bien qu’elle pouvait paraître à l’époque anodine, est devenue  importante et précieuse avec le temps« , raconte-t-il.

Après avoir obtenu une licence en anglais, Hachemi Boumehdi rejoint l’atelier de son père pour y travailler à plein temps en 1976.

« De 1976 à 2006,  j’ai travaillé avec lui. Nous avons travaillé sur de nombreux projets. Après sa mort en 2006, et la séparation des biens, je me suis retrouvé dans cet atelier que j’ai acheté. C’est là que j’ai commencé à travailler seul« , se souvient-il.

Hachemi Boumehdi rend hommage à son père avec qui il a appris le métier de céramiste. « Il avait une dextérité que les autres n’avaient pas« , dit-il fièrement.

« Il est parti de rien. Il a tout fait tout seul. Il a dû affronter une montagne de problèmes. Il travaillait tout le temps. Si son nom est reconnu aujourd’hui c’est grâce à son travail. Ce n’est pas tombé du ciel.  Il n’a jamais cessé de travailler« , déclare-t-il.

L’histoire de la céramique Boumehdi

L’histoire de la céramique Boumehdi a commencé avec une rencontre entre le grand architecte français Fernand Pouillon et Mohamed Boumehdi en 1966.

« C’est au cours d’une visite du Palais du peuple, à Alger, que Fernand Pouillon est tombé en admiration devant un panneau en céramiques que mon père avait réalisé. Alors qu’il se désolait que ce travail n’existait probablement plus, on lui a indiqué que c’était l’œuvre de mon père. Il a alors demandé à le rencontrer« , raconte Hachemi Boumehdi.

Selon son fils, après une première rencontre entre les deux hommes, et après avoir admiré l’une de ses œuvres, Fernand Pouillon a déclaré au sujet de Mohamed Boumehdi : « Il a de l’or dans les mains« .

« Tout a réellement commencé de là. Les choses se sont accélérées ensuite. Malgré les difficultés, mon père a monté son atelier et a commencé à travailler très dur. Avec le démarrage des projets touristiques, les  premières commandes sont arrivées très vite« , a fait savoir Hachemi Boumehdi.

Les réalisations de Mohamed Boumehdi ornent encore les bâtiments des plus grands complexes touristiques du pays : l’hôtel El Djazaïr (Saint Georges), Moretti, Sidi Fredj Tipaza, les Andalouses, le Sheraton …

Un style unique

Dans son atelier à Kouba (Alger), Hachemi Boumehdi, qui n’a jamais renié le prestigieux héritage de son père, a su trouver son propre style.

« Ce que nous a transmis mon père, c’est une base. C’est immuable. On l’utilise, mais cela ne nous empêche pas de développer des choses intéressantes, que ce soit dans la forme ou dans des couleurs« , explique-t-il.

Parmi ses réalisations dont il est le plus fier : des œuvres conçues pour le siège de l’ambassade d’Italie en Algérie. « Nous avons beaucoup travaillé à l’intérieur de cette résidence pour mettre en exergue l’identité algérienne. C’était le vœu de l’ancien ambassadeur d’Italie« , confie Hachemi Boumehdi.

Interrogé sur sa principale source d’inspiration, il répond : « Je puise le plus gros de mon inspiration dans les voyages. J’ai eu la chance de faire de très beaux voyages, en Ouzbékistan, en Iran, en Turquie. Les voyages m’ont beaucoup apporté. J’ai eu la chance de visiter de nombreux pays sur la route de la soie. Je souhaite d’ailleurs à tout le monde de pouvoir visiter la province d’Ispahan. On surnomme cette ville « la moitié du monde » et je pense qu’effectivement, d’un point de vue artistique et valorisation des matériaux, c’est la moitié du monde. C ‘est tellement  beau et majestueux« .

Hachemi Boumehdi est un fervent défenseur du patrimoine culturel algérien. Un combat qu’il partage avec ses filles, Nassima et Lilia, toutes deux diplômées de l’Ecole des Beaux-arts d’Alger.

Elles ont respectivement intégré à temps plein l’atelier de leur père en 2014 et 2017. La première s’occupe exclusivement du verre, la deuxième, du pôle céramique.

« Nous sommes là pour perpétuer l’école Boumehdi, nos traditions et notre patrimoine, et surtout, montrer que le style mauresque et le style néo-mauresque doivent être absolument gardés« , a déclaré Lilia Boumehdi.

Une chose est sûre, la petite-fille de Mohamed Boumehdi est extrêmement fière de son père et de son grand-père. « Je suis parfaitement consciente de mon héritage culturel« , a-t-elle dit.

Pour elle, suivre la voie de son père et de son grand-père était un choix   » à la fois spontané et mûrement réfléchi ».

Un choix porté par « l’amour de cet art et pour sauvegarder les efforts de mon grand-père et de mon père« , a-t-elle déclaré.

Son seul regret est que les jeunes d’aujourd’hui ne s’intéressent pas suffisamment à l’art. « Ils devraient se poser davantage de questions sur leur culture. Il y a tant à voir, à comprendre et à partager « , a conclu la petite fille du « carreleur du ciel« .

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