Politique

Pourquoi Angela Merkel vient en Algérie ? À Alger, personne n’en sait rien

Angela Merkel sera ce lundi 17 septembre 2018 à Alger, pour une seconde visite officielle, après celle de 2008. La chancelière allemande, qui se déplace rarement en Afrique, devait visiter l’Algérie en février 2017, mais son déplacement a été reporté en raison « d’une indisponibilité temporaire » du président Abdelaziz Bouteflika pour cause de maladie.

Peu d’informations circulent sur l’agenda et les objectifs de la visite de la responsable allemande en Algérie. Un seul communiqué de la présidence de la République, diffusé via l’agence officielle, annonce la visite mais sans plus de détails.

« Cette visite vient renforcer les relations d’amitiés et de coopération qui existent entre l’Algérie et la République fédérale d’Allemagne, et qui connaissent un développement appréciable dans tous les domaines, illustrées notamment par les nombreuses visites échangées entre les hauts responsables de part et d’autre », souligne le communiqué.

Il s’agit là de termes diplomatiques habituellement usés en pareilles visites de chefs d’États et de gouvernement, sans plus. Le même texte aurait pu servir pour la visite d’un autre responsable étranger.

Mais que veut exactement l’Algérie de la nouvelle visite de Merkel ? Et que cherche l’Allemagne, principale puissance économique en Europe, de ce déplacement de la dame de Berlin ? Personne ne semble avoir de réponses à Alger.

Ces derniers jours, des « experts » et des « spécialistes » en géostratégie et en relations internationales se sont relayés sur les plateaux de télévision pour tenter « d’expliquer » les raisons de cette visite et situer son importance. Ils ont tous versé dans des généralités et répété des choses connues. Certains ont mis en avant la place de l’Allemagne dans l’échiquier mondial et d’autres parlé de l’importance de l’Algérie en tant que puissance régionale en Afrique. Qu’avons-nous donc appris de plus ? Rien.

Diplomatie de l’opacité

À Alger, le ministère des Affaires étrangères ne prend toujours pas l’initiative de briefer les journalistes et les experts médiatiques avant la visite de responsables étrangers en Algérie. On continue à se comporter comme si les relations avec les autres pays ne concernent pas l’opinion publique et comme si cela ne devait concerner qu’un cercle fermé de gens initiés.

On ignore totalement les médias qui, faute de données précises, versent dans la spéculation au lieu d’expliquer les tenants et les aboutissants d’une visite. Les intérêts de l’Algérie ? Le ministère des Affaires étrangères pense les défendre dans les salons, à sa manière, loin des regards et sans explications.

Cette diplomatie de l’opacité, résidus des anciens temps, risque d’avoir des effets dévastateurs à terme car, ailleurs, les chefs d’États et les ministres des Affaires étrangères expliquent la position de leurs pays par simple tweet.

De l’autre côté, les médias de Berlin sont informés à l’avance sur les objectifs de la visite de Merkel en Algérie, comme l’ont confirmé à TSA des confrères allemands. La Chancellerie et le ministère des Affaires étrangères allemand détaillent même le programme de la visite, donnent ce que Berlin attend de son déplacement et expliquent le « retour » voulu de la visite d’une journée à Alger.

Et, à Alger, la presse nationale se contente d’évoquer les relations économiques entre les deux pays, de rappeler la présence de 200 entreprises allemandes en Algérie, de souligner le volume d’échanges commerciaux, qui est situé à 3,3 milliards de dollars, et de noter l’évolution de l’achat d’armement allemand par l’Algérie (2,7 milliards d’euros en 2017).

Que veut l’Algérie de l’Allemagne ?

Mais, l’Algérie veut-elle plus d’investissements allemands ? Quels sont les secteurs économiques que l’Algérie aspire à développer en priorité avec les partenaires allemands ? Les médias allemands ont évoqué l’intérêt de leur pays pour des secteurs tels que les réseaux routiers, l’automobile, l’énergie solaire, les ressources en eau, l’habitat, la sécurisation des frontières et l’industrie militaire.

Alger cherche-t-il à densifier la relation culturelle avec Berlin ? Qu’en est-il de la coopération sécuritaire et militaire ? Quid du partenariat dans les domaines des sciences, de la technologie, l’innovation et de l’énergie ? À quoi ont abouti les discussions entre les deux États sur la question migratoire après la visite de l’ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal en janvier 2016 ?

Berlin continue de demander le rapatriement de migrants clandestins algériens dont le nombre reste indéfini alors que l’Algérie demande à ce que leur identité soit précisée avant toute réadmission. Ce dossier a-t-il évolué en deux ans ? On n’en sait rien.

Une commission économique mixte algéro-allemande a été créée en décembre 2010, lors de la deuxième visite du président Abdelaziz Bouteflika en Allemagne, après celle d’avril 2001, aux fins d’arriver à « un partenariat multiforme, global, équilibré et mutuellement bénéfique », selon les termes du chef de l’État algérien.

Qu’en est-il huit ans après ? En 2010, on avait parlé de programmes de formation pour les jeunes algériens, de transfert de technologies et de contribution à la « diversification » de l’économie algérienne. A-t-on fait le bilan de tout cela ? L’Algérie a-t-elle obtenu ce qu’elle voulait de l’Allemagne qui est son troisième fournisseur européen (après la France et l’Italie) ?

L’Allemagne, qui considère l’Algérie comme un troisième partenaire africain après l’Afrique du Sud et le Nigéria, est-elle satisfaite de ses relations avec Alger ? Sur le plan régional, on ne sait pas également ce que veut l’Algérie de l’Allemagne dans des dossiers tels que ceux de la Libye, pays instable, du Sahel, du Sahara occidental, du Mali ou de la Syrie.

Discussions avec Bouteflika et Ouyahia

Selon des journalistes allemands, ce lundi à Alger, Angela Merkel aura des discussions avec le président de la République Abdelaziz Bouteflika qui n’a pas reçu de dirigeants étrangers depuis avril dernier et qui reprend ses activités après un contrôle médical en Suisse.

Sur le plan communication, cela redonne de la visibilité au chef d’État algérien en extérieur et qui, en intérieur, est encouragé par ses soutiens politiques à se présenter pour un 5e mandat présidentiel en 2019. La chancelière allemande qui, semble-t-il, a insisté à venir en Algérie, sera également reçue par le Premier ministre Ahmed Ouyahia avec qui elle devrait animer une conférence de presse au Centre international des conférences (CIC) Abdelatif Rahal du Club des Pins, à l’ouest d’Alger.

On saura probablement, lors de cette rencontre avec les journalistes, les objectifs de la visite de la chancelière allemande qui quittera Alger en fin de journée après un passage au lycée Zeineb Oum El Massakine à Alger et une rencontre avec la société civile au siège de l’ambassade d’Allemagne à Alger, d’après les médias allemands.

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