Depuis janvier dernier, soit avant même le déclenchement du hirak, Mouloud Hamrouche multiplie les sorties publiques par le biais de longues contributions publiées dans la presse, dans lesquelles il s’exprime sur la situation politique et livre ses positions, dans un style, faut-il le dire, qui frise l’ésotérisme.
Il a fallu que des citoyens, parmi ses admirateurs, aillent le solliciter jusque devant chez lui pour que l’ancien chef de gouvernement rompe avec ses insinuations et livre une réponse claire et surtout motivée, qui permet de comprendre sa réticence et sa méfiance vieilles d’au moins vingt ans.
« Je ne peux pas vous mentir. Il vaut mieux vous dire la vérité dès maintenant. Même si je me présente et je suis élu, je ne pourrai rien faire dans ces conditions ». Voilà donc un politique qui n’a pas peur de ne pas être élu le 12 décembre, mais qui redoute, au contraire, de gagner.
La déclaration faite ce samedi 5 octobre – tout un symbole ?- par Mouloud Hamrouche fera sans doute date dans le débat politique en rapport avec la crise en cours. C’est en effet la première fois que la question de l’élection proprement dite et des garanties de sa transparence est dépassée pour déborder sur la problématique de fond : la nature même du régime.
Jusque-là, toutes les objections exprimées ont trait aux conditions d’organisation du scrutin. D’où les revendications répétées depuis l’été par toute la classe politique, comme les fameuses mesures d’apaisement, l’ouverture effective du champ médiatique et politique, une réelle indépendance de l’autorité d’organisation des élections.
Pour Hamrouche, le problème n’est donc pas là, même s’il ne dit pas que les garanties sont réunies pour un scrutin honnête le 12 décembre. Au-delà de la transparence de l’élection, il pose la question des prérogatives et de la marge de manœuvre du futur président.
« Je n’ai jamais menti au gens. Il y a des choses que je ne peux pas dire, mais ce que je dis est une partie de la vérité. Je ne peux pas vous induire en erreur, je sais d’ores et déjà ce qui pourrait se passer. Je ne pourrai pas vous dire demain qu’on ne m’a pas laissé travailler », a-t-il déclaré à ses partisans.
Il reconnait qu’il ne dit pas tout, mais c’est comme si. Le message de Mouloud Hamrouche est en effet d’une limpide clarté : en homme issu du système avec lequel il n’a jamais rompu – c’est dans la même déclaration – et avec tout le recul que lui permet son retrait des affaires, il n’a pas perçu une volonté sincère de changement.
A quoi bon organiser une élection, fut-elle des plus démocratiques, si celui qui sortira des urnes n’aura pas les coudées franches et devra composer avec d’autres centres de décision qui n’existent pas en tant que tels dans les textes ?
L’éventuelle candidature de l’ancien chef de gouvernement réformateur était attendue par ses partisans comme celle qui allait leur donner des raisons d’espérer et par d’autres comme celle qui sauvera la prochaine présidentielle, boudée quasiment par tous les poids lourds de la classe politique et promise à un boycott populaire sans précédent.
Depuis mercredi 2 octobre, on savait qu’elle ne surviendra pas, mais nul ne doutait que Mouloud Hamrouche allait en rajouter une couche et se fendre d’une déclaration qui va tout achever. Voilà qui est fait.
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