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Pourquoi le prix du poulet flambe

Pourquoi le prix du poulet flambe

Depuis le début juillet, le marché national de la volaille est affecté par une flambée des prix. La viande blanche a atteint son tarif le plus élevé depuis plusieurs années entre 450 et 500 DA le kilo.

D’où vient cette hausse ? Nous avons posé la questions à des éleveurs.

« Cette flambée est due à la conjugaison de plusieurs facteurs. La première raison est la baisse drastique de la production avicole durant cet été, résultat de l’arrêt de beaucoup d’élevages, la majorité des producteurs ne maîtrisant pas les techniques de l’élevage en période  caniculaire », explique Mohamed, un grand producteur avicole basé à Sig, dans la wilaya de Mascara, plaque tournante de l’aviculture dans l’ouest du pays.

Élevages archaïques

« N’investissant pas dans l’acquisition d’équipements des bâtiments d’élevage, notamment de ventilation et d’aération, et redoutant d’éventuelles pertes par effet de la chaleur, beaucoup de petits producteurs suspendent leur activité d’élevage en été pour reprendre en septembre », poursuit notre aviculteur qui possède plusieurs élevages totalisant 100.000 poulets.

Ce professionnel ajoute que cette hausse des prix de la volaille est aussi due à une sous-production observée dans tous les élevages en activité en été.

« Les poulets meurent à cause de la chaleur excessive, ça arrive et cela n’a rien d’anormal. Vous savez durant cette période caniculaire, les éleveurs sont obligés d’installer des équipements de climatisation et de ventilation sinon, ils subissent des pertes énormes et ces équipements ne sont pas à la portée de tous les éleveurs », ajoute notre interlocuteur.

« Durant la canicule, les élevages peuvent perdre jusqu’à 20% de leur production. C’est un phénomène récurrent, mais cette année on a eu une soudaine augmentation de la température entre la mi-juillet et début août, et non pas une augmentation progressive, laquelle permet aux poulets de s’adapter », affirme Mohamed qui appelle les éleveurs à « solliciter une aide de l’État pour la subvention des systèmes de refroidissement, soit de brumisation soit de pad cooling ».

« Les subventions existent. Elles sont prévues dans les textes. Il suffit de les demander auprès des subdivisions des services agricoles », recommande-t-il.

La chaleur n’explique pas tout. Le secteur avicole va mal et ce n’est pas nouveau.

« La non modernisation des élevages fait que les périodes de surproduction sont suivies de phases de sous production avec des fluctuations du marché à grande échelle d’où ces flambées spectaculaires. Beaucoup de petits agriculteurs qui exercent dans l’informel ont travaillé des mois à perte et ont connu beaucoup d’impayés. En dehors donc des aléas climatiques, la filière évolue dans des conditions difficiles. Elle fonctionne sur deux cycles :
à chaque fois que commence une période intéressante, les agriculteurs augmentent leurs productions et on retombe ainsi sur cette phase cycle de surproduction suivies immédiatement d’un cycle de sous-production qui a un effet inéluctable sur la hausse des prix », explique de son côté, le Dr Nemili, directeur technique d’un immense élevage avicole basé à Sig, un vétérinaire de formation.

Matières premières 

Deuxième raison de cette flambée. « Le renchérissement des matières premières rentrant dans la fabrication de l’aliment des volailles tels le maïs et le Soja qui constituent les éléments essentiels de l’alimentation des volailles qui représente 70% du coût de revient », indique Mohamed qui souligne que ce problème est sur le point d’être réglé après la rencontre qui a regroupé les membres du bureau du Conseil national interprofessionnel de la filière avicole (CNIFA), et le ministère de l’Agriculture.

Les participants à cette réunion ont souligné la nécessité de mettre en œuvre immédiatement l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée
(TVA) sur le maïs et le soja. Une mesure pourtant inscrite dans la Loi de finances de 2018 et qui aurait dû entrer en application depuis
janvier dernier.

Une niche à fort potentiel

M. Louni, qui dirige un grand élevage avicole à Sig, pointe du doigt un autre problème lié à la désorganisation de la filière avicole :
« Alors que plus de 500.000 tonnes de viandes blanches sont produites chaque année en Algérie, la filière viande blanche ne dispose d’aucun
label. Le marché est cantonné dans le bas de gamme. Or, la création de labels permettra à la filière de monter en gamme en instaurant des exigences pointues qui doivent être satisfaites ».

« En amont, il s’agit de sélectionner des races rustiques à croissance lente issues de croisement spécifiques dans le but de favoriser le goût et minimiser l’excès de gras. En outre, l’alimentation est exclusivement à base végétale et doit être fournie sans apport chimique et sans antibiotiques. Vient ensuite la durée de l’élevage qui est de 70 jours pour arriver à un poids moyen de 1,8 kg, alors que le poulet standard
se situe, entre 50 et 60 jours pour un poids de 2 kg ou de 2,5 kg », détaille ce vétérinaire.

« Autre particularité et non des moindres, la filière doit être intégrée de l’œuf à l’assiette, ce qui permet une traçabilité et un contrôle durant toutes les étapes de production par une seule entité », explique cet expert qui déplore le fait qu’en Algérie, les élevages n’ont aucune traçabilité.

« Les professionnels dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration de haut de gamme sont aussi fournis par des viandes issues des élevages anarchiques sans aucune traçabilité. Le poulet labélisé qui doit satisfaire des conditions comme l’alimentation  biologique et une traçabilité sécurisante est une niche à fort potentiel. Le label est la reconnaissance qu’un produit possède un ensemble de qualités et de
caractéristiques spécifiques et de ce fait présente un niveau de qualité rassurant pour la santé des consommateurs », plaide M. Louni.

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