Économie

Pourquoi les importations résistent aux mesures du gouvernement

En matière d’importation, les dernières statistiques publiées hier par l’administration des douanes suggèrent que l’année 2018 s’annonce comme un remake de 2017. Les résultats de notre commerce extérieur au premier semestre confirment ainsi de nouveau la résistance des importations aux différentes mesures de contingentement adoptées par le gouvernement.

On se souvient que l’année 2017 avait été marquée par une réduction très minime des importations, une baisse de seulement 2% qui avait permis d’économiser moins de 1 milliard de dollars sur la facture de nos achats à l’extérieur, en dépit d’un dispositif de licences d’importation élargi progressivement à un grand nombre de produits.

La maigreur des résultats obtenus l’année dernière avait conduit à l’annonce spectaculaire de l’abandon des licences en fin d’année.

Un scénario identique en 2018

Exit donc les licences qui ont été remplacées immédiatement par une liste élargie de 851 produits suspendus « provisoirement » à l’importation depuis le début de l’année 2018. Malheureusement, le nouveau système ne semble pas produire de résultats très significatifs non plus.

L’année avait pourtant bien commencé et pouvait légitimement susciter beaucoup d’espoir pour les fonctionnaires du ministère du commerce qui ont conçu et tentent encore de perfectionner le dispositif avec les droits de douanes additionnels qui sont officiellement entrés en vigueur à partir du 19 juillet – leur application effective est annoncée pour la rentrée.

Au cours des mois de janvier et février, on enregistrait en effet une baisse importante des importations réduites de près de 11 % par rapport à la même période de l’année dernière. Fin mars, les choses commençait déjà à se gâter avec des importations réduites de seulement 6% au premier trimestre.

Les résultats à fin juin ne confirment pas la tendance : la diminution des importations sur les six premiers mois de l’année est désormais à peine supérieure à 2 %. Plus précisément, les importations se sont établies à 22,8 milliards de dollars contre 23,3 milliards à la même période de l’année écoulée, soit une diminution d’un peu moins de 500 millions de dollars (-2,1%).

Sur cette tendance, elles devraient, selon toute vraisemblance, rester supérieures à 45 milliards de dollars pour l’ensemble de l’année en cours (contre 46 milliards de dollars en 2017) et enregistrer au fil des mois à venir une diminution de plus en plus modeste par rapport aux résultats de l’année dernière, voire même une légère augmentation, en mettant de nouveau sur la sellette le dispositif administratif de contrôle des importations.

Dans ce domaine les droits de douanes additionnels introduits au mois de juillet, en dépit de leur niveau spectaculairement élevé – de 30% à 200%-, ont en réalité très peu de chances d’avoir un impact notable sur le montant des importations du fait qu’ils ne s’appliquent qu’à un nombre limité de produits dont le poids dans le bilan des importations n’est pas significatif .

Les importations de biens de consommation continuent d’augmenter

Comment expliquer cette résistance des importations ? En entrant dans le détail des résultats communiqués par les douanes, on peut déjà noter que deux groupes de produits se comportent de façon bien différentes. Cette tendance ne date d’ailleurs pas du début de l’année en cours : depuis près de deux ans en effet les importations de biens de consommation augmentent tandis que les importations de biens d’équipement sont en recul constant et sensible.

Ce résultat préoccupant et totalement paradoxal par rapport aux objectifs annoncés par le gouvernement, est pourtant inscrit de façon évidente dans les dernières statistiques de notre commerce extérieur.

A fin juin 2018, les importations de biens de consommation alimentaires sont en hausse de 3,5 % par rapport à l’année dernière. Ils dépassent déjà la barre des 4,5 milliards de dollars.

De leur côté les biens de consommation non alimentaires sont en augmentation encore plus sensible. Depuis le début de l’année, les importations de ces produits s’établit à 4, 6 milliards de dollars contre 4,2 milliards l’année dernière (+10%) .

La conclusion semble couler de source : les mesures de suspensions des importations, qui sont sensées précisément réduire les importations de produits finis destinés à la consommation, sont inefficaces et sans effet sur la facture d’importation de ce type de produits.

Une analyse plus fine révèle en réalité que les importations de produits alimentaires sont essentiellement boostées par les achats de céréales qui ont augmenté de plus de 8% depuis le début de l’année. En revanche les importations de sucre et sucreries sont bien en baisse sensible de plus de 20 % .

Coté importations de biens de consommation non alimentaires , la facture s’alourdit essentiellement en raison de l’augmentation considérable des achats de médicaments qui sont en hausse de plus de 30 % depuis le début de l’année en cours sans qu’aucune explication ait été donné à ce sujet tandis que les importations de collections CKD , qui sont classées comme des biens de consommations par les douanes algériennes, affichent une hausse de plus de 70 % .

Une diminution inquiétante des importations de biens d’équipements

Le résultat le plus inquiétant de notre commerce extérieur est que la réduction des importations au cours de la première partie de l’année est surtout imputable à une diminution très sensible des importations de biens d’équipement. C’est ainsi, qu’à la fin juin, les biens d’équipements industriels ont été importés pour 6,3 milliards de dollars contre 7,37 milliards l’année dernière soit une baisse considérable de près de 15 %.

Même résultat pour la facture d’importation des biens d’équipements agricoles qui s’est établie à 272 millions de dollars contre 348 millions (-21,8%).

Une information peu analysée et commentée jusqu’ici dans le débat économique national mais qui ne constitue pas forcement une très bonne indication à propos du climat de l’investissement dans notre pays. Cette tendance inquiétante ne date d’ailleurs pas de cette année et les importations de biens d’équipements avaient déjà enregistré une baisse de 8,4% en 2017 qui semble s’amplifier sensiblement en 2018.

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