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Poutine, symbole de la grandeur retrouvée de la Russie

Poutine, symbole de la grandeur retrouvée de la Russie

Vladimir Poutine, réélu triomphalement le 7 mars dernier avec un score record de 75%, a été investi lundi 7 mai dans ses fonctions de président de la Fédération de Russie pour la quatrième fois depuis son arrivée au pouvoir en 2000.

Né le 7 octobre 1952 dans une famille ouvrière qui occupait une pièce d’un appartement communautaire à Léningrad (Saint-Pétersbourg), Vladimir Poutine est adulé par une grande partie de son peuple, notamment la jeunesse, mais il est décrié comme étant un dictateur adepte du népotisme par ses opposants en Russie.

Décrit comme un farouche partisan d’un ordre multipolaire et non-interventionniste du monde par les uns et présenté comme un expansionniste allié des pires tyrans par d’autres à l‘étranger, Poutine est une figure aussi admirée que détestée.

Arrivé au pouvoir après une ascension fulgurante durant l’une des périodes les plus troubles de l’histoire de son pays, cet ex-officier du KGB, reste néanmoins le symbole d’une grandeur retrouvée pour la Russie.

Du KGB à la présidence de la Russie

Après des études de droit à l’Université d’État de Leningrad, Poutine devient officier du service de renseignement soviétique, le KGB, duquel il démissionnera avec le grade de lieutenant-colonel en 1990, après la dislocation de l’Union soviétique.

De là, il intègre l’équipe du maire de sa ville natale, Saint Pétersbourg qu’il quittera en 1996 pour intégrer la présidence de la Russie, alors dirigée par l’ex-président russe Boris Eltsine, qui le nommera successivement chef-adjoint de l’administration présidentielle pour les régions puis directeur des services de renseignement russe, le FSB, la même année en 1998.

En août 1999, Eltsine nomme Poutine vice-premier-ministre puis premier-ministre par intérim le même jour, et déclare même souhaiter voir ce dernier lui succéder à la tête de la Russie.

Il ne tarde pas à afficher l’image d’un dur. En octobre 1999, à la suite d’une vague d’attentats, il engage la deuxième guerre de Tchétchénie, un conflit sanglant marqué par des exactions de l’armée russe et le bombardement aveugle de Grozny. Cette guerre sera le fondement de sa popularité en Russie et à l’origine de son image d’homme à poigne.

Eltsine, au bord de la sénilité et sous l’influence des oligarques, démissionne en décembre 1999 et Poutine devient président par intérim de la Russie après avoir accepté de se présenter aux élections présidentielles qu’il remportera avec un score de 53% en mars 2000.

Poutine est alors investi président en mai 2000 et se retrouve à la tête d’un pays sinistré. La Russie est en proie à une guerre sécessionniste en Tchétchénie face à laquelle Poutine adoptera une ligne dure.

L’économie, victime de la prédation des oligarques, est en faillite. Le tissu social se délite sous l’effet conjugué de la disparition de l’état-providence soviétique et de l’inflation plongeant une grande partie de la classe moyenne russe dans la pauvreté tandis qu’une minorité de Russes affiche une richesse faramineuse. Quant à l’État russe, en voie de privatisation par les forces de l’oligarchie, son autorité est fragmentée et disloquée.

Poutine : l’ambition du redressement

À la veille de son accession au pouvoir, Poutine avait pleinement conscience de l’état de son pays. C’est ainsi qu’il signait, peu avant la démission de Boris Eltsine, une déclaration parue sur le site internet du gouvernement russe dans laquelle il avertissait que « pour la première fois depuis 200 à 300 ans », la Russie faisait face à « un risque réel de glisser vers le second, et peut-être même le troisième rang des États du monde ».

Dans cette déclaration, Poutine se disait convaincu qu’il revenait aux « forces intellectuelles, physiques et morales de la nation, et à elles seules, de reconnaître l’ampleur de la menace, de s’unir et de fournir un travail long et difficile » pour éviter le naufrage.

Poutine détaillait, dans sa déclaration, une vision à long terme pour son pays en y énumérant les défis qui attendaient la Russie. Sa priorité dans cette déclaration était la consolidation de la société russe sur la base d’un « accord civil ne pouvant-être que volontaire (…) dans une Russie démocratique ».

Le futur président russe annonçait aussi son intention de renforcer l’État qui était pour lui « la clé du redressement et de la croissance de la Russie ». Pour lui, son pays a besoin « d’un fort pouvoir d’État ».

En matière économique, Poutine soulignait la nécessité « d’améliorer significativement l’efficacité économique, de mener une politique sociale cohérente et axée sur les résultats pour lutter contre la pauvreté et de garantir la croissance stable du bien-être ».

Cette déclaration fera office de programme électoral pour Vladimir Poutine et guidera aussi son action tout au long de son parcours à la tête de la Russie.

Concernant la politique étrangère, ce n’est qu’une fois président que Poutine présentera, en juin 2000, les grandes lignes d’une doctrine basée sur la sécurité de la Russie, le pragmatisme dans la résolution des conflits « conformément aux priorités nationales de la Russie », la formation d’une « zone de voisinage » autour de la Russie mais aussi la création « d’un ordre mondial stable, juste et démocratique ».

Le président russe faisait aussi remarquer dans un discours à l’Assemblée fédérale russe en avril 2002, que dans un environnement international marqué par « une rude concurrence pour les marchés, pour l’investissement, pour l’influence politique et économique, (…) la Russie doit être forte et compétitive ».

Du programme à l’action

Peu après son arrivée au pouvoir au début des années 2000 et aidé par l’envolée des prix du pétrole dont la Russie est la 2e producteur mondial, Vladimir Poutine, a lancé une série de réformes économiques plutôt libérales ainsi que des programmes de développement à grande échelle appelé les « projets prioritaires nationaux », dans l’éducation, la santé, le logement et l’agriculture afin d’améliorer le bien-être de la population. Ces efforts ont donné des résultats tangibles sur le plan économique et social en Russie.

Selon les chiffres officiels russes sur la situation économique du pays, le PIB nominal de la Russie qui était de 195 milliards de dollars en 1999 est passé à 1280 milliards de dollars en 2016.

L’endettement du pays est passé de 92,1% du PIB en 1999 à 17,4% en 2017. L’inflation est quant à elle passée de 36,5% à 2,5% en 2017. La valeur de la production économique russe a aussi augmenté, de près de 600% selon les estimations officielles.

Même si l’économie russe est très dépendante des hydrocarbures, son agriculture a enregistré d’importantes avancées ces dernières années et est devenue la deuxième source de revenus à l’exportation après le pétrole et le gaz. L’agriculture russe a produit pour plus de 130 millions de tonnes en 2017, ce qui a permis à la Russie de devenir leader mondiale pour les exportations de blé. Sa part de marché est passée de 4% en 1999 à 16% en 2017.

Sur le plan social, la part de la population qui faisait partie de la classe moyenne était de 8 millions de personnes en 2000 contre près de 80% des 146 millions de russes en 2015.

Le PIB nominal par habitant russe est passé de 1330 dollars en 1999 à 10 608 dollars en 2017 et le salaire mensuel moyen est passé de 61 dollars à 652 dollars. Le chômage est quant à lui passé de 13% à 5.2% sur la même période. Les écoles et les hôpitaux ont été modernisés et les infrastructures développées, y compris à l’intérieur du pays.

Sur le plan politique, Poutine a apporté, selon les observateurs, une certaine stabilité après une décennie 1990 mouvementée, en ayant restauré l’autorité de l’État en le soustrayant à l’influence des oligarques.

Selon un sondage effectué en décembre 2017, par un organisme indépendant, le Levada Center, Vladimir Poutine jouit d’une côte de popularité de 80% auprès des 18-24 ans, la jeunesse russe, bien formée, ayant bénéficié de plus d’opportunités économiques.

Sur la plan international, la Russie est en passe de reconquérir son statut de grande puissance, en redevant un acteur incontournable d’abord dans sa région immédiate, mais aussi au Moyen-Orient.

Le revers de la médaille

En arrivant au pouvoir, Vladimir Poutine était conscient du fait que les oligarques, une clique d’hommes d’affaires russes ayant récupéré ce qui restait de l’appareil productif soviétique et d’une partie du secteur énergétique russe pour une bouchée de pain, pensaient pouvoir le contrôler et mettre l’appareil d’État russe à leur service.

Pour se défaire de cette influence, Poutine a dû faire appel aux caciques de l’ex-appareil sécuritaire soviétique, connus sous le nom de Silovikis, qu’il s’est employé à placer à tous les postes clés du gouvernement, de l’appareil d’État et des entreprises économiques stratégiques du pays.

Bénéficiant du soutien de ces personnages clés, dans sa quête du redressement national, le pouvoir version Poutine a fait usage de méthodes brutales pour asseoir son autorité sur le pays.

Musèlement de la presse à travers la fermeture des télévisions privées d’opposition, intimidation des journalistes, redressement fiscaux des entreprises appartenant aux oligarques dans les secteurs stratégiques, répression de toute contestation politique dans la rue, musèlement de la société civile et emprisonnement, exil ou morts mystérieuses de personnalités politiques ou médiatiques d’oppositions, la Russie de Poutine compte de nombreuses atteintes aux libertés politiques, d’expression et de réunion.

 Son régime est aussi vu comme étant très corrompu et népotique. L’homme lui-même est connu pour son culte de la personnalité, se montrant volontiers à la télévision comme un dirigeant fort, dynamique, sportif et en bonne santé. Il a été classé à plusieurs reprises homme le plus puissant du monde par le magazine Forbes.

Sur le plan international, faisant face à ce que le gouvernement russe qualifie d’expansionnisme atlantiste à ses frontières, la Russie a pu réagir avec agressivité lors des crises géorgienne en 2008 et ukrainienne en 2014 lorsqu’elle finira par annexer la Crimée lui valant des sanctions économiques occidentales.

À tort ou à raison, la Russie, qui pourtant plaide le non-interventionnisme et un monde multi-polaire, ne supporte pas d’être contestée dans sa zone d’influence historique. Ni au-delà d’ailleurs, puisqu’elle s’engagera diplomatiquement et militairement dans la crise syrienne dans laquelle il se pourrait bien que ses forces aériennes aient commis des crimes de guerre contre les populations civiles.

Qu’à cela ne tienne, la Russie veut retrouver sa grandeur et Vladimir Poutine qui en est l’artisan, ne compte pas s’arrêter là. Il en est à son quatrième mandat de président (2000-2004 ; 2004-2008 ; 2012-2018). Il avait aussi occupé les fonctions de premier-ministre (2008-2012) pour respecter la Constitution russe qui limite les mandats présidentiels successifs à deux.

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