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Pr Rédha Souilamas : du rejet en France à l’espoir en Algérie

Pr Rédha Souilamas : du rejet en France à l’espoir en Algérie

Facebook - Cleveland Clinic Abu Dhabi
Pr Rédha Souilamas

Il a claqué la porte des hôpitaux en France pour poursuivre sa carrière aux États-Unis et maintenant il veut servir son pays natal, l’Algérie. Lui, c’est le Professeur Rédha Souilamas.

Cet éminent chirurgien thoracique algérien a exercé en France où il a été forcé à jeter le bistouri pour partir ailleurs. Sa première étape hors de France est la Belgique où il n’est pas resté longtemps, avant d’étaler son savoir-faire aux États-Unis et aux Émirats arabes unis.

Spécialiste des greffes pulmonaires, il a contribué au développement des techniques innovantes telles que le reconditionnement ex vivo des greffons pulmonaires et l’assistance respiratoire artificielle chez le patient en attente de greffe.

En tant que médecin algérien, Rédha Souilamas explique qu’il a subi des discriminations qu’il raconte dans son livre intitulé « La couleur du bistouri ».

À 68 ans, le spécialiste des greffes pulmonaires connu internationalement souhaite contribuer au développement médical de son pays natal, l’Algérie, en mettant son expérience à disposition du système de santé algérien.

Pr Rédha Souilamas : voici pourquoi j’ai quitté la France 

Né à Cherchell en 1956, Rédha Souilamas est diplômé de la Faculté de Médecine d’Alger. Après son service militaire, il part à Paris et s’inscrit en spécialité à Paris à l’Université Pierre et Marie Curie en 1989.

« J’ai passé les examens et concours réservés aux étrangers afin d’accéder à la spécialité et j’ai été accepté en chirurgie générale puis en chirurgie thoracique. Après 5 ans de spécialisation dans les hôpitaux parisiens et dans une université parisienne, j’ai eu mon diplôme. J’ai ensuite obtenu le poste de chef de clinique dans un service de chirurgie thoracique à Paris pendant 4 ans. Dans le même temps, j’ai passé

l’équivalence du doctorat à la faculté de médecine de Paris. J’ai décroché le diplôme français de docteur en médecine, puis quelques années plus tard, celui de chirurgien spécialiste en chirurgie thoracique », détaille- t- il à TSA Algérie.

À la fin des quatre années de clinicat, étant inscrit au conseil de l’ordre des médecins français et ayant obtenu la nationalité française, Rédha passe le concours national des praticiens hospitaliers en chirurgie thoracique en France.

Le praticien est nommé chirurgien des Hôpitaux de Paris puis promu coordinateur du programme des greffes pulmonaires d’un grand hôpital parisien. Au lieu de lui ouvrir de nouveaux horizons, cette promotion lui  attire les premiers ennuis.

« Promu en raison de mes compétences, les vrais ennuis liés au racisme ont commencé », confie-t-il.

« Cette marginalisation était surtout liée au fait qu’un médecin d’origine étrangère et de surcroît d’origine algérienne, ait pu acquérir autant de succès et une très bonne réputation dans le milieu international de la greffe pulmonaire », explique-t-il.

Pour lui, « cela n’a jamais été accepté par les collègues français qui ne me l’ont jamais pardonné ».

« Tout simplement parce que, d’une part, il n’était pas prévu que j’arrive à ce niveau de compétences et d’autre part que le programme des greffes que je dirigeais, a connu énormément de succès. Un collègue m’a confié un jour que beaucoup de médecins et chirurgiens spécialisés dans la greffe pulmonaire, ont dit à mon propos lors de mes débuts, je le cite « On lui donne 6 mois au petit algérien pour qu’il fasse ses valises ». Mes origines algériennes me rattrapaient et disqualifiaient tout le reste. Je suis en fait devenu leur bête noire parce j’ai dépassé les limites qu’un étranger et de surcroit, un Algérien, n’a pas le droit de dépasser », raconte Rédha Souilamas.

Malgré les contraintes et l’hostilité, le  professeur Souilamas n’a pas baissé les bras. Mieux, il s’est distingué par des innovations dans son domaine.

« À titre d’exemple, j’ai introduit en France deux grandes innovations : la couveuse à poumons et le système du poumon artificiel qu’on utilise pendant la greffe. J’ai été le premier au monde à utiliser et à publier sur la couveuse à poumons transportable. C’en était trop pour le petit Algérien (rires) ».

Loin d’être un frein, cette inimitié lui a donné des ailes. « Ils ont considéré que j’ai dépassé les bornes et que j’aurais dû faire comme

beaucoup d’autres en restant subalterne. Au contraire, j’ai continué avec acharnement », poursuit-il.

De la Belgique aux Émirats arabes unis

 

En 2013, le chirurgien thoracique claque la porte. Il quitte la France pour la Belgique où il est nommé Professeur à l’Hôpital Erasme de l’Université Libre de Bruxelles (ULB).

« Bien que je sois un combattant, j’ai décidé de jeter l’éponge et d’aller voir ailleurs. La Belgique n’était qu’une étape », précise-t-il.

En 2014, il quitte Bruxelles, part aux États-Unis puis s’installe à Abou Dhabi aux Émirats arabes unis pour participer à l’ouverture du premier hôpital américain dans ce riche pays du Golfe.

Il y exercera son métier jusqu’à la fin 2022. Après une pause d’une année durant laquelle il donne des conférences à travers le monde, le professeur Rédha Souilamas est sollicité pour inaugurer et structurer un hôpital britannique qui venait d’ouvrir à Dubaï.

Comment la diaspora algérienne peut-elle  aider l’Algérie ?

 

Animé par un profond attachement à son pays natal, Rédha Souilamas souhaite mettre ses compétences au service de l’Algérie. Il pense que la communauté algérienne vivant aux quatre coins du globe peut apporter sa pierre à l’édification d’un système de santé moderne en Algérie.

« La diaspora algérienne peut jouer un rôle majeur en raison de l’expérience que beaucoup de ses membres ont acquise depuis une vingtaine d’années à l’étranger et pas seulement en France. Je considère que c’est une valeur ajoutée à la formation des plus jeunes et au développement de programmes innovants. Je rappelle que les

membres de la diaspora sont algériens et même s’ils sont à l’étranger depuis longtemps, ils restent algériens. Ce sentiment profond d’appartenance est la garantie de leur loyauté. Je sais que des directives dans ce sens, ont été données à un très haut niveau de l’État, mais pour que ça puisse se réaliser concrètement sur le terrain, il faudrait que

les collègues d’Algérie, sans que leurs compétences ne soient mises en cause, acceptent de travailler en partenariat avec ceux de la diaspora dans le plus grand respect mutuel. Malheureusement cela ne semble pas être le cas. Il existe une méfiance inexpliquée et infondée vis-à-vis des membres de la diaspora, alors que bon nombre d’entre eux veulent juste apporter leur contribution dans le développement des différents

programmes de santé en Algérie », explique ce spécialiste de la

greffe pulmonaire et de la chirurgie thoracique.

Le Professeur Souilamas regrette de ne toujours pas pouvoir apporter son expérience dans son pays, l’Algérie, en dépit de ses nombreuses tentatives.

« J’ai fait, à plusieurs reprises, des propositions concrètes de partenariat pour l’enseignement et l’innovation clinique aussi bien en faculté de médecine que dans les hôpitaux mais c’est resté lettre morte. À croire qu’ils n’en ont pas besoin, mais la réalité sur le terrain est tout autre. Je

reçois continuellement des demandes de patients algériens, pour un deuxième avis ou bien pour une orientation thérapeutique et de jeunes chirurgiens que je conseille du mieux que je peux ».

Départ des médecins algériens : comment les retenir ?

L’apport des médecins algériens basés à l’étranger pose la question de l’exode massif des soignants formés en Algérie. Quel regard le professeur pose-t-il sur le départ massif des médecins algériens notamment vers la France ? Comment faire pour les retenir en

Algérie ?

« Tout d’abord, je trouve inacceptable qu’un pays (La France) détrousse un autre pays (L’Algérie) de ses jeunes médecins pour combler le déficit d’un système de santé défaillant dit-il. Je pense que l’Algérie devrait imposer à la France, un accord bilatéral pour la formation dans certaines spécialités afin que des médecins algériens puissent partir se former dans un cadre réglementaire et reviennent exercer dans le pays à la fin de la formation ».

Le professeur Souilamas propose une autre alternative : « Mettre en place des accords de formation avec d’autres pays anglophones où le rapport avec les Algériens est différent et moins marqué par l’histoire. Pour cela, il est nécessaire d’identifier les centres d’excellence et leurs universités dans le monde afin de discuter avec leurs responsables et instituer un système de collaboration bilatérale, équitable et pérenne ».

Enseignement de la médecine en anglais

Et d’ajouter : « J’ai appris avec plaisir que dorénavant, l’enseignement dans les facultés de médecine en Algérie se fera en langue anglaise. C’est un très bon moyen pour sortir de l’exclusivité francophone et surtout française. De toutes façons, les publications et les conférences médicales se font depuis longtemps en langue anglaise, y compris en

France. À terme, il est impératif que les formations spécialisées et de pointe, se fassent dans le pays. Cela permettrait de former un plus grand nombre de médecins spécialistes de manière continue et d’acquérir une totale autonomie ».

Le Professeur Souilamas pense que l’Algérie dispose d’un grand potentiel pour développer un système de santé moderne et efficace. « Une médecine centrée sur le patient, la transmission du savoir, le travail d’équipe et l’évaluation des pratiques sont les conditions indiscutables à ce développement » souligne-t-il. « Je suis convaincu que l’Algérie peut devenir sur le plan de la santé, un modèle d’excellence pour d’autres pays ».

Compétences au service de l’Algérie

Le Professeur Souilamas souhaite sincèrement participer à ce développement. « Je sais par exemple qu’on commence à évoquer l’éventualité des prélèvements d’organes en vue de transplantation en Algérie. Là aussi, je n’ai jamais été contacté alors que je pourrais apporter mon aide à ce projet, vu que la greffe est dans mon domaine de

compétence et qu’en plus, je suis membre fondateur de l’École européenne francophone des prélèvements multi organes que nous avons créée avec d’autres collègues il y a une dizaine d’années ».

Et de conclure : « L’acquisition du savoir et de l’innovation médicale n’a pas de frontière. C’est le fruit d’une expérience internationale et qui peut être partagée sans difficulté si on prend la peine de s’y intéresser. Ce sera toujours pour le bénéfice du plus grand nombre des jeunes médecins et surtout des patients ».

Le Professeur Souilamas met actuellement la touche finale à un deuxième livre dans lequel  il décrit son parcours et le bilan qu’il en tire. L’ouvrage devrait sortir d’ici quelques mois en Algérie, nous a-t-il révélé.

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