Politique

Premier procès des détenus du Hirak à Alger : « Je ne vais pas négocier ma liberté »

Le premier procès de détenus du drapeau amazigh à Alger s’est tenu, mardi 22 octobre, au tribunal de Sidi M’hamed. Messaoud Leftissi, Bilal Bacha, Oudihat Khaled, Aibeche Djaber, Hamza Meharzi et Tahar Safi ont été parmi les premiers manifestants arrêtés pour le port du drapeau amazigh.

Me Nabila Smail, membre du collectif de défense des détenus, relate pour TSA quelques faits marquants de ce procès. « L’ambiance était extraordinaire du fait de la présence d’abord des familles des détenus et de leurs amis et de beaucoup d’activistes, mais aussi de la présence d’une quarantaine d’avocats. Elle était aussi exceptionnelle de par la position et les propos tenus par les détenus politiques. Ils ont été exemplaires, notamment dans leurs réponses aux accusations d’atteinte à la souveraineté nationale », relate-t-elle.

Elle rapporte le cas de Messaoud Leftissi. « Il a terminé en donnant une leçon de nationalisme, en disant au tribunal : « Si vous pensez que vous m’avez privé de ma liberté, moi je vous dis que je suis dans une école de militants. Vous m’avez retenu dans une école de militantisme ». Il a ajouté : « Ne vous attendez pas à ce que je vienne troquer ma liberté contre ma dignité. Je ne vais pas négocier ma liberté » ».

L’avocate poursuit, concernant Messaoud Leftissi : « Il a mis au défi le tribunal de sortir un seul texte qui lui interdirait de porter l’emblème amazigh. « En quoi j’ai touché à l’unité nationale en portant l’emblème amazigh qui est mon emblème dont je suis fier ? a-t-il interrogé les magistrats. Je suis un militant et nous n’avons jamais touché à l’unité nationale », a-t-il ajouté ».

Quant à Aibeche Djaber, le plus jeune des six détenus, âgé d’à peine 19 ans, l’avocate rapporte : « Il a expliqué à la juge n’avoir rien fait. « Mon oncle m’a appelé et m’a demandé de lui rapporter le sac-à-dos qui était chez moi. Je l’ai pris et je ne suis même pas arrivé à destination lorsque j’ai été interpellé par les policiers. Ils ont ouvert le sac-à-dos et ont trouvé nos drapeaux » a-t-il expliqué à la juge.

Concernant Oudihat Khaled, Me Smail rapporte qu’il portait un tee-shirt sur lequel était écrit une célèbre citation du chanteur Matoub Lounès « Pour une Algérie meilleure et pour une démocratie majeure ». Le tee-shirt est aussi flanqué du drapeau national.

Selon Me Smail, la défense présente en force a tenu à démontrer que les prévenus n’ont à aucun moment porté atteinte à l’emblème national. « Ils n’ont pas foulé ou brûlé le drapeau. Ils ne l’ont pas retiré d’une institution publique et placé le drapeau amazigh à la place, tout comme ils ne l’ont pas déchiré. Ils n’ont fait que le porter aux côtés de l’emblème amazigh », souligne l’avocate.

Derrière l’arrestation des six jeunes, ce sont « autant de vies et de carrières qui sont brisées », poursuit l’avocate. « Messaoud Leftissi a été embauché dans une usine en tant qu’ingénieur. Une semaine après son placement en détention provisoire, la direction de l’entreprise lui a envoyé sa décision de licenciement. Bacha Bilal est un étudiant en journalisme. Lorsqu’il a été arrêté, il était en train de réaliser un reportage sur le thème de sa soutenance », explique-t-elle.

Au moment où la défense des détenus entamait ses plaidoyers, un incident tout en symboles s’est produit. Me Smail le relate : « Au moment même, les étudiants sont arrivés devant le tribunal. On ne les voyait pas de la salle d’audiences mais leurs clameurs nous parvenaient. Ils scandaient à l’unisson « atelgou wladna ya el hagarine ! (libérez nos enfants !». Les prévenus se sont mis à pleurer ainsi qu’une bonne partie des avocats dont les hommes. Il y a une espèce de jonction entre les détenus et les étudiants ».

L’avocate tient à exprimer son optimisme quant à l’issue du procès. Le procureur a requis deux ans de prison ferme à l’encontre des six prévenus. Le verdict est attendu pour mardi 29 octobre.

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