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Présidence et autres institutions : quand le cachet prend le pouvoir

Présidence et autres institutions : quand le cachet prend le pouvoir

Beaucoup a été dit ces derniers jours à propos du cachet de la présidence de la République. Cela avait commencé par une accusation gravissime proférée par un patron de presse à l’encontre du frère et conseiller du président.

Ali Fodil, directeur d’Echorouk, exhortait, le 25 mars sur sa propre chaîne, Saïd Bouteflika de restituer les cachets de la Présidence qu’il utiliserait frauduleusement pour écrire lui-même des lettres attribuées au président et prendre toutes sortes de décisions en son nom. Ali Fodil a été arrêté brièvement dès le lendemain par les services de sécurité, suite à ses graves propos ainsi que d’autres accusations de corruption à l’adresse d’hommes d’affaires proches du cercle présidentiel.

La question sera de nouveau soulevée quelques jours plus tard. Le 1er avril au soir, alors que le chef d’état-major de l’ANP s’était clairement positionné en faveur des revendications du mouvement populaire et appelé à l’application de l’article 102 de la Constitution prévoyant la démission ou la destitution du président, un communiqué attribué à la Présidence est diffusé sur les réseaux sociaux. Il annonçait le limogeage d’Ahmed Gaïd-Salah par le président de la République, chef suprême des forces armées.

Le document portait le cachet de la Présidence, l’entête du secrétariat général de l’institution, mais aucune signature. Sa teneur était sans équivoque : il y est stipulé qu’il est mis fin aux fonctions de chef d’état-major de l’ANP du général de corps d’armée Ahmed Gaïd-Salah. Sauf que le document était un « faux ». Mais le fait qu’il portait le cachet de la présidence était suffisant pour que beaucoup croient à son authenticité.

Le ministère de la Défense a démenti dans la soirée-même, mais dès le lendemain on allait remettre ça sur les réseaux sociaux avec un « communiqué » à la teneur d’une extrême gravité. La présidence de la République dénonçait un putsch du commandement de l’ANP et exhortait les soldats à ne pas lui obéir. En haut du document, l’entête du secrétariat général et en bas, le cachet de l’institution et la signature du conseiller du président Mohamed Ali Boughazi. Celui-ci nie immédiatement après sur les chaînes de télé mais là aussi, beaucoup avaient pris le faux communiqué pour argent comptant.

Le lendemain, le 2 avril, cette polémique sur l’utilisation du cachet de la République allait prendre de la consistance car insinuée par le commandement de l’ANP lui-même dans le communiqué où il appelait pour la dernière fois à l’application de l’article 102. « Alors que le peuple algérien attendait avec impatience la satisfaction de ses revendications légitimes, parut en date du 1er avril un communiqué attribué au président de la République, alors qu’en réalité il émanait d’entités non constitutionnelles et non habilitées, ayant trait à la prise de décisions importantes concernant la phase de transition. Dans ce contexte particulier, nous confirmons que toute décision prise en dehors du cadre constitutionnel est considérée comme nulle et non avenue », avait indiqué l’état-major de l’armée à l’issue d’une réunion d’urgence.

Le communiqué du MDN faisait référence au communiqué du 1er avril par lequel était annoncée la décision du président de démissionner avant la fin de son mandat. Pour les autres documents partagés sur les réseaux sociaux, il semblerait que ce sont des faux et si beaucoup avaient cru à leur authenticité, c’est à cause certes des tensions que connaît la scène nationale mais surtout pour le fait qu’ils étaient frappés du sceau de la Présidence.

Cette hallucinante histoire de cachet n’avait pas lieu d’être. Le cachet présidentiel est effectivement censé authentifier la signature du chef de l’Etat, mais cela faisait quelques années déjà qu’il ne remplissait pas une telle fonction.

Depuis la maladie du désormais ex-président, tout le monde sait qu’il est devenu un simple cachet humide comportant le clonage de la signature de Abdelaziz Bouteflika que son frère-conseiller ou son secrétaire particulier apposaient en bas de documents censés avoir été signés personnellement par le président.

C’est peut-être une spécificité algérienne de faire du cachet le seul gage d’authenticité des écritures. Certes, par définition, le cachet est « une marque distinctive qui garantit l’authenticité d’un document », mais il semble qu’il a acquis une importance excessive dans l’administration algérienne, surclassant même la signature, qui est censée être inimitable.

Pour faire simple, un document sans cachet n’a aucune valeur. Certains actes sont même illisibles sous le nombre de cachets de toutes formes qui les couvrent. Pourtant, en dépit de sa définition, un cachet ne peut constituer une garantie infaillible pour la raison simple que sa confection ne requiert pas une technologie inaccessible.

Il peut être obtenu en un temps record et pas pour une fortune chez le graveur du coin. « Fabrication de cachets et griffes sur place en une heure ». Des petites annonces de ce genre foisonnent sur Internet.

Dans de nombreux pays, on constate que d’autres moyens d’authentification sont adoptés, dont le plus simple est le canal de diffusion.

Sans signature ni cachet, un communiqué diffusé sur le site officiel de l’institution qui l’émet ne laisse aucun doute quant à son authenticité. Il est peut-être temps de remettre le cachet à… sa place !

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