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Printemps berbère

Printemps berbère

Combien parmi les jeunes qui défient aujourd’hui le pouvoir savent que leur lutte plonge ses racines dans un certain printemps, celui qui pour la première fois avait conduit des étudiants à remettre en cause un dogme du parti unique ? Peu importe, le rappel est utile.

C’était il y a 39 ans. C’était en 1980. La révolte a pris le nom du « printemps berbère ». Elle a ensemencé les germes de la citoyenneté que les Algériens sont en train de reconquérir contre un pouvoir désemparé, faute de ne pas être parvenu à les prendre dans le piège de la violence.

Invité à faire une conférence sur la poésie ancienne de Kabylie, l’écrivain Mouloud Mammeri fut privé de parole par le wali qui officiait en commissaire politique. En plus d’être romancier, l’écrivain s’était aussi spécialisé dans l’ethnologie, le seul biais par lequel le pouvoir l’avait autorisé à enseigner la Tamazight à laquelle il refusait le statut de langue.

L’homme qui refusait les ghettos avait étendu ses recherches aux berbères du Gouara et même aux Aztèques d’Amérique du sud. En allant fouiller dans les anciens textes, il risquait de réveiller des désirs de subversion, avait peut-être jugé le wali.

Les étudiants qui attendaient le célèbre conférencier dont ils admirent l’attachement à la liberté et le sens de la probité morale et intellectuelle n’ont pas goûté à la décision du wali qui se trouvait être sous le contrôle du mouhafedh du FLN. Sans le vouloir, le wali Hamid Sidi-Said avait donné le ton d’une révolte qui allait sortir tamazight de son ghetto kabyle.

En réaction, les étudiants manifestent. Ils occupent l’université. La révolte s’étend à Alger.

C’est la panique au plus haut sommet de l’État. Le président de la République, le Premier ministre, le DGSN et les autorités locales se concertent. Dans la nuit du 19 au 2O avril, l’université est investie par les CNS (compagnies nationales de sécurité) qui ont reçu pour mission de l’évacuer.

La répression provoque l’indignation de la population locale qui se joint à la contestation. Lé révolte est générale en Kabylie. Mais l’audience dépasse les frontières de la région. Les animateurs ne se contentent pas de revendiquer la reconnaissance de la langue berbère combattue au nom de l’arabité. Ils veulent tout simplement la reconnaissance de la démocratie, seul cadre d’épanouissement de toutes les cultures.

En Kabylie et à Alger les grandes figures de la révolte sont arrêtées et accusées d’atteinte à la sûreté de l’État. Pendant que la mobilisation se poursuit pour leur libération les autres militants continuent de s’organiser. En août 1980, ils tiennent à Yakouren le premier séminaire du Mouvement Culturel Berbère qui se traduit par une plateforme faisant de la démocratie sa principale revendication.

Après cette première fissure dans la citadelle du régime, des répliques avec un fort caractère social suivront : Oran, Constantine et Alger. Puis vint octobre 1988. Mais depuis 1980, Tamazight a cessé d’être un tabou dans toute l’Algérie. Aujourd’hui, le 20 avril n’est plus commémoré uniquement en Kabylie. C’est la journée de tous les Algériens qui luttent pour la liberté et la démocratie.

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