Économie

Prix de la banane en Algérie : la petite phrase qui a tout changé

Les prix de la banane en Algérie ont subitement chuté de près de la moitié, passant d’une fourchette comprise entre 600 et 800 dinars, à environ 400 dinars le kilogramme.

Il n’a pas fallu des mesures exceptionnelles, des facilitations ou incitations pour faire baisser les prix de ce fruit qui ont flirté ces derniers mois avec la barre des 1.000 dinars le kg.

Il a suffi d’une petite déclaration à la presse du ministre du Commerce et de la promotion des exportations, Tayeb Zitouni.

Ce qui ne laisse pas de doute quant aux véritables raisons qui ont rendu la banane inaccessible aux Algériens, particulièrement depuis le début du mois de Ramadan : la spéculation est bien en cause.

Le 7 avril, Tayeb Zitouni a brandi la menace d’étendre le champ d’application de la loi anti-spéculation à la banane et, le lendemain, les prix ont commencé à baisser comme par miracle.

L’Algérie a adopté fin 2021 une loi de lutte contre la spéculation extrêmement sévère, prévoyant de lourdes peines de prison à l’encontre des spéculateurs pouvant aller jusqu’à la réclusion à perpétuité si les faits sont commis dans le cadre d’une organisation criminelle.

La loi a été élaborée dans un contexte de tensions sur plusieurs produits alimentaires de base, imputées à la spéculation et à des parties qui chercheraient à créer un climat social délétère en Algérie. La justice a, depuis, prononcé plusieurs lourdes sentences, et même des peines à perpétuité.

La relation de causalité entre la menace du ministre du Commerce et la baisse des prix de la banane est évidente. Les importateurs et grossistes ont mis sur le marché les quantités stockées pour éviter de tomber sous le coup de la loi évoquée.

En vendant le même produit à la moitié de son prix, les barons de la banane se sont trahis indéniablement quant à la marge indécente qu’ils prennent. Entre 400 et 800 dinars, c’est 300 dinars de plus qu’ils engrangent sur chaque kilogramme vendu.

Prix de la banane en Algérie : l’Apoce réclame des poursuites

Et encore, même à 400 dinars, on est loin du juste prix qui devrait se situer à 200/250 Da, en tout cas à pas plus de 300 dinars.

Sur les marchés mondiaux, le prix moyen du carton de bananes de 41,5/43 livres (un peu plus de 20 kilogrammes) était de 6,5 dollars US (870 dinars) pendant toute l’année 2022.

Il s’agit du prix payé aux producteurs. En comptabilisant tous les frais de manutention, de logistique et de douane, le prix final ne peut être multiplié par dix, comme c’est le cas pour le consommateur algérien (si l’on prend le prix actuel de 400 dinars).

Sur la base de ces chiffres, il est clair que les importateurs de bananes ont fait (et continuent à faire) de gros profits au détriment du citoyen algérien.

L’État va-t-il leur demander des comptes ? En tout cas, le président de l’Organisation algérienne de protection et d’orientation du consommateur et son environnement (Apoce) le réclame.

« Si ceux qui ont stocké de la banane ne sont pas présentés devant les tribunaux, les prix augmenteront de nouveau sous peu », écrit Mustapha Zebdi sur les réseaux sociaux. Il cible évidemment ceux qui ont procédé au stockage illégalement et avec l’objectif de provoquer une hausse des prix.

Cette affaire de la banane dévoile en outre toutes les limites du dispositif mis en place par les autorités pour contrôler les importations et ses effets néfastes sur l’inflation en Algérie.

Les importations sont soumises depuis avril 2022 à l’autorisation de l’Agence nationale de promotion du commerce extérieur (Algex) qui ne doit donner son aval que pour l’importation de marchandises non produites ou produites en quantités insuffisantes en Algérie.

L’objectif est louable, étant d’encourager le produit national et les producteurs algériens. Mais in fine, du moins pour la banane, le mécanisme a donné lieu à des monopoles, privant le marché algérien des fruits de son produit régulateur.

Pour de nombreux spécialistes, c’est la hausse des prix de la banane qui a causé celle de tous les autres fruits. Là aussi, il est opportun de s’interroger si des comptes seront réclamés et si le dispositif sera maintenu dans sa configuration actuelle, et si cette baisse des prix de la banane est conjoncturelle ou durable, sachant qu’en plus de la spéculation, et de l’aveu même de Tayeb Zitouni, les quantités importées de ce fruit n’étaient pas suffisantes pour couvrir la demande du marché algérien.

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