Économie

Prix des engrais en Algérie : l’Etat met la main à la poche

Face à la hausse des prix des engrais, l’Etat algérien a décidé de mettre la main à la poche pour aider les agriculteurs qui s’apprêtent à lancer la nouvelle campagne céréalière.

Cette mesure qui intervient après que de nombreux agriculteurs aient dénoncé les hausses qui touchent engrais, semences, produits phytosanitaires et matériel agricole a été accueillie avec satisfaction par la profession.

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Ces derniers temps, les revendications des agriculteurs étaient visibles dans les reportages des principales chaînes de télévision, sur les réseaux sociaux et dans les déclarations des élus des Chambres d’Agriculture.

Le prix des engrais divisé de moitié

Nombreux sont les agriculteurs qui exhibaient le montant de leurs charges et indiquaient qu’à moins de rendements de 30 quintaux par hectare, ils ne rentraient pas dans leurs frais.

Le risque était que les agriculteurs réduisent leurs emblavements en céréales et privilégient la location de leur terre au profit des éleveurs de moutons. Une activité bien plus rémunératrice que les céréales.

Les agriculteurs ont donc été entendus. C’est l’Etat qui mettra la main à la poche. Dans un courrier du 2 octobre adressé aux directions des services agricoles de la wilaya, le secrétaire du ministère de l’Agriculture et du Développement rural indique que les engrais azotés passeront de 7 473 DA le quintal à 3 737 dinars, les engrais phosphatés passeront de 13 844 dinars à 6 922 DA et les engrais potassiques passeront de 21 000 DA à 10 500 DA.

A l’occasion, il est demandé : « d’organiser des séances de vulgarisation pour les agriculteurs afin de les inciter à faire des analyses de sol. »

Mieux utiliser les engrais

Les revendications des agriculteurs ne doivent pas faire oublier les carences techniques de la profession. Dans le cas des engrais azotés, leur extrême solubilité nécessite des campagnes d’analyses annuelles du sol. Celles-ci sont rarement réalisées par les services agricoles.

Avant d’épandre des engrais azotés sur du blé, il est nécessaire de connaître le niveau d’azote du sol d’autant plus que les cultures de pois chiche, de lentille ou de luzerne qui précèdent celle du blé permet d’enrichir naturellement le sol en azote.

En Algérie, les sols sont en majorité riches en calcaire. Cette caractéristique fait que les engrais phosphatés peuvent être définitivement bloqués en quelques semaines après leur apport. La solution passe par leur localisation au plus près des semences lors du semis et l’emploi d’engrais acidifiants.

Quant à la potasse, les besoins des céréales peuvent être, en partie, assurés en enfouissant au sol les pailles qui sont particulièrement riches en cet élément. Mais celles-ci sont systématiquement ramassées pour les besoins de l’élevage.

L’urgence de centres de compostage

Malgré différents travaux universitaires et des instituts techniques, il apparaît donc que la fertilisation des cultures requiert des conditions et un savoir-faire encore absents sur le terrain. Le besoin en engrais est accru par la pauvreté du sol en matière organique lié à l’usage excessif de la charrue. Résultat, les engrais apportés sont peu valorisés.

Dans le sud de l’Algérie, les cultures sous pivot sont installées sur des sols à dominante sableuse, aussi, les engrais ne sont pas retenus par le sol et migrent loin des racines. La parade des agriculteurs est de doubler les doses.

Conscient de cet handicap, les producteurs de fruits et légumes sous serre apportent du fumier tous les trois ans. Mais l’étendue des champs de céréales ne permet pas de faire de même. Aujourd’hui, le fumier et les fientes de volailles sont devenus des produits très recherchés par les agriculteurs du sud du pays.

Progressivement, des entreprises se lancent dans la confection de compost à base de déchets végétaux de différentes origines. L’établissement gérant le marché d’Oran, a installé une plateforme de compostage permettant de recycler les fruits et légumes impropres à la consommation. Des entreprises privées suivent ce mouvement en développant des centres de compostage valorisant les déchets verts.

L’or brun des stations d’épuration

Les boues résiduelles des stations d’épuration des eaux usées s’avèrent d’excellents amendements organiques complémentaires des engrais.

En 2012, l’utilisation des boues de la station d’Aïn Sfiha (Sétif) a été menée à la station locale de l’Institut Technique des Grandes Cultures. Les parcelles de blé dur recevant ces boues ont permis des rendements de 34 quintaux par hectare contre seulement 14 pour les parcelles témoins. Et cela sans irrigation.

Depuis plusieurs années, l’Office national de l’assainissement a mis en place un réseau de stations d’épuration des eaux usées. Doté de laboratoires d’analyses, cet organisme est en mesure de fournir des quantités conséquentes d’amendements organiques.

Céréales et répartition de la valeur ajoutée

Le relèvement du soutien du prix des engrais révèle la fragilité de plusieurs filières agricoles dont celle des céréales. Il fait suite au relèvement des prix à la production. Lors de la précédente campagne, le prix d’achat du blé dur est passé à 6000 DA le quintal contre 4500 DA auparavant. Quant au blé tendre, ce prix est passé de 3 500 DA à 5 000 DA. A cela, il faut ajouter en septembre dernier, un soutien portant sur l’achat des semences certifiées.

Au-delà du retard technique, restent les aspects économiques. Les économistes ont l’habitude de parler en termes de valeur ajoutée. Dans la filière céréales, entre agriculteurs, minoteries et producteurs de pâtes alimentaires, comment est répartie la valeur ajoutée liée à la transformation des céréales ?

L’hiver dernier, face au manque de fourrage, le quintal de son de blé a atteint le prix du quintal de blé tendre. Quelle est la part réelle qui revient à l’agriculteur et qui reste en milieu rural ? Des questions que la filière céréales se doit d’aborder.

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