Économie

Produits interdits à l’exportation : « Certaines filières risquent d’être cassées »

La nouvelle liste de produits interdits à l’exportation, dont le sucre et les pâtes alimentaires, fixée par l’Algérie ne fait pas l’unanimité et a suscité les critiques de l’Association nationale des exportateurs algériens (Anexal).

Sollicité par TSA pour livrer un premier avis en sa qualité de président de l’Anexal, Ali Bey Nasri estime que si la mesure est compréhensible pour certains produits, elle ne l’est pas pour d’autres contenus dans la liste. Certaines filières, comme celle du raffinage du sucre et des huiles et celle de fabrication des pâtes alimentaires, pourront même être cassées par cette interdiction d’exporter, redoute-t-il.

« Si on part du principe qu’il faut assurer l’approvisionnement du marché national, il n’y a rien à dire, seules les autorités ont les éléments en main pour savoir s’il y aura une insuffisance ou pas si on autorise l’exportation. Mais je pense que ce n’est pas le cas pour certains produits. Concernant les subventions, à ma connaissance, il n’y a pas de produits subventionnés qui sont exportés. Pour le sucre, l’Etat a mis en place des valeurs fourchettes à ne pas dépasser. Il prend en charge le différentiel au-delà de 90 Da le kilo pour le prix au consommateur. Pour l’huile de table, c’est 600 Da les 5 litres », explique M. Nasri.

Pour lui, il fallait, avant de prendre une telle décision, se rapprocher des deux exportateurs de sucre raffiné et des six opérateurs qui exportent de l’huile de table pour « vérifier si réellement ils touchent les subventions ou pas ».

« S’ils ne touchent pas des subventions, pourquoi l’Algérie va se priver d’avoir des recettes en devises ? Le sucre par exemple est le premier produit exporté hors hydrocarbures et dérivés. Il représente 300 millions de dollars exportés annuellement. Les deux exportateurs peuvent atteindre facilement les 800 à 900 000 tonnes, ce qui est énorme », dit-il.

Le président de l’Anexal souligne que sur 300 millions de dollars générés par la filière sucre à l’exportation, la valeur ajoutée est de 60 millions.

« Pourquoi se priver de tels gains ? Pour les emplois, les volumes de sucre exportés actuellement, c’est la production d’une raffinerie et demie. Une raffinerie, c’est en moyenne 700 emplois », met-il en exergue.

Au-delà des gains en devises et en emplois, le plus grand danger est, selon M. Nasri, de voir ces opérateurs perdre des marchés à l’international qu’il leur sera difficile de reconquérir, une fois l’interdiction levée.

« Si on les empêche d’exporter, ils vont perdre des marchés sur lesquels il sera difficile de revenir. C’est vrai que la valeur ajoutée n’est pas importante, mais peut-être que demain on va avoir une culture betteravière. En tout état de cause, je pense que pour l’Etat, il y a trois objectifs qu’il faut prendre en considération : que l’exportation des produits alimentaires de première nécessité ne se fasse pas au détriment national, que les entreprises ne vont pas au fonds de compensation et enfin s’assurer que l’exportation ait une balance devises excédentaire », suggère-t-il.

Ali Bey Nasri rappelle que la filière algérienne des pâtes alimentaires a perdu par le passé des marchés suite à une décision similaire. Des marchés qu’elle n’a jamais pu récupérer.

La filière, fait-il savoir, exportait pour 20 millions de dollars avant d’être stoppée net par une interdiction d’exportation en 2009, pour les mêmes motifs. L’exportation a été rétablie mais entretemps, les opérateurs algériens ont perdu des marchés. Aujourd’hui, la filière fait à peine 1 million de dollars à l’exportation. L’inclusion des pâtes alimentaires dans la nouvelle liste des produits à l’importation est d’autant plus injustifiée, fait remarquer le président de l’Anexal, que le blé utilisé c’est du blé national ou importé par les transformateurs eux-mêmes.

A défaut d’importer leur propre blé, les exportateurs de pâtes alimentaires peuvent rembourser la subvention percée, mais le gouvernement a préféré prendre une décision radicale, alors que le président Abdelmadjid Tebboune avait fixé, il y a une semaine, un objectif ambitieux d’atteindre cinq milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures en 2021.

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