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Promesses et menaces du ministre du Commerce : les limites de la gestion à la hussarde

Promesses et menaces du ministre du Commerce : les limites de la gestion à la hussarde

Dans le pur style des hauts responsables algériens quand ils débarquent dans un secteur, le nouveau ministre du Commerce a promis avec beaucoup d’assurance de régler sous peu les problèmes liés à la disponibilité du lait subventionné, brandissant au passage le glaive de l’Etat à la face des contrevenants.

« Celui qui veut tester la force de l’État, il verra la force de l’État ». « D’aucuns s’interrogeaient où était l’État ? Aujourd’hui, l’État est de retour ». « Je jure par Dieu que je n’épargnerai personne ». « Je demande au peuple de nous donner un délai de 10 jours seulement, parce que nous avons des solutions ». Voilà à peu près tout ce qu’a dit le novice Kamel Rezig à propos de la crise du lait en sachet.

Contrairement à ses prédécesseurs qui eux aussi gavaient les citoyens de promesses de tout régler, Rezig manque visiblement d’expérience à ce niveau de la responsabilité. On ne se donne pas un délai de dix jours pour régler un problème endémique, complexe et qui touche toutes les localités du pays, voire tous les foyers.

Les files d’attente matinales devant les camions distributeurs ou de simples magasins d’alimentation font partie du décor quotidien des villes et des campagnes algériennes depuis que l’Etat a décidé de subventionner le prix du lait et de le plafonner. Les perturbations dans la distribution de ce produit de première nécessité renvoient en fait aux grosses anomalies à la fois du système des subventions et de la distribution qui appellent un traitement dans le cadre d’une stratégie globale et non sur un coup de tête.

En plus de la production locale, l’Etat débourse annuellement des sommes faramineuses pour l’importation de la poudre de lait qu’elle livre aux laiteries à prix réduit pour un usage censé être exclusif : sa reconstitution en lait liquide à vendre au prix préalablement plafonné (25 dinars le litre, contre environ 100 dinars pour le lait en boîte non subventionné).

De l’aveu même de hauts responsables, un détournement en règle est effectué à longueur d’année par les propriétaires de laiteries qui affectent une partie de leur quota de poudre à la fabrication de produits dont le prix n’est pas plafonné (fromages, yaourt…). Le même phénomène est signalé dans les minoteries et les boulangeries où la farine subventionnée ne sert pas qu’à la fabrication de pain, mais aussi à la production de pâtes alimentaires et de viennoiseries vendues au prix du marché.

Les marges réalisées sont énormes, sur le dos de l’Etat et du citoyen, faisant dire aux spécialistes que les subventions concédées par l’Etat algérien profitent d’abord aux plus riches. A moins de dédier exclusivement des usines à la transformation des produits subventionnés, la traçabilité est quasi impossible et l’Etat demeure désarmé devant la saignée.

L’autre anomalie du système des subventions, c’est l’absence de ciblage : chaque citoyen, quels que soient ses revenus, peut acheter autant qu’il souhaite de pain à 10 dinars la baguette, de lait à 25 dinars le litre ou d’autres produits encore, comme les carburants.

Le ministre semble aussi ignorer la réalité du secteur dont il vient de prendre les commandes, un secteur miné par l’informel, dominé par les petits commerces et où la grande distribution, garante de la stabilité des prix et de la continuité de l’approvisionnement, n’est qu’à ses premiers balbutiements.

Il est bien allé vite en besogne, car la situation du secteur est bien trop complexe pour que les dysfonctionnements qui affectent le citoyen et grèvent la bourse de l’Etat soient levés par un simple haussement de ton. Vu la solennité avec laquelle il s’est engagé, il ne manquera pas, lui et l’Etat dont il a annoncé le retour, d’être interpellés si au bout de dix jours la fin des perturbations promise n’est pas au rendez-vous.

Cette méthode à la hussarde n’offre même pas la garantie de ne pas produire le juste contraire de l’effet escompté. Deux jours après ses menaces publiques, le ministre du Commerce se retrouve à gérer une grève des distributeurs de lait. La gestion et la communication sont d’abord une question d’états de service.

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