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Propositions de Bouteflika : une grande supercherie ?

Propositions de Bouteflika : une grande supercherie ?

Tout ça pour ça ? Les Algériens sont-ils donc sortis par millions dans les rues pour permettre au pouvoir d’appliquer le plan qui était le sien dès les derniers mois de l’année 2018 ? A voir les propositions faites par le président dans son message de ce dimanche 10 mars, c’est bien de cela qu’il s’agit. Explication.

En décembre dernier, un parti de l’Alliance présidentielle, TAJ, avait fait sienne une vieille proposition du MSP, soit le report de l’élection présidentielle, la prolongation du mandat présidentiel et l’organisation d’une conférence nationale devant déboucher sur de profondes réformes.

Approchée, l’opposition avait décliné l’offre, y voyant un stratagème de Bouteflika de réaliser son vœu de mourir au pouvoir sans avoir à briguer un cinquième mandat, synonyme de candidature à l’élection avec tout ce que cela exige comme présence physique, comme le dépôt du dossier au Conseil constitutionnel et surtout la prestation de serment.

Tout le monde le sait : Bouteflika ne peut accomplir ni l’une ni l’autre de ces deux procédures. Faute de quitus de l’opposition, le pouvoir a dû aller vers l’unique option qui lui restait, la candidature du président sortant pour un cinquième mandat en bonne et due forme.

Les manifestations de rue ont amené le président à proposer d’abord, le 3 mars, une élection anticipée s’il est réélu, avant de faire croire ce 10 mars qu’il a cédé aux revendications des manifestants. Il annonce son renoncement au cinquième mandat et l’ouverture d’un vaste chantier de réformes. Mais il y a un détail qui risque d’avoir du mal à passer.

Bouteflika restera en poste jusqu’à l’élection d’un nouveau président, laquelle élection ne devant pas se faire avant la tenue de la conférence nationale qui doit s’achever avant fin 2019 mais aucune échéance n’a été fixée pour la tenue de la présidentielle. En d’autres termes, Bouteflika restera président de la République le temps qui l’arrangera, lui et le système.

Le plan qu’il n’a pas réussi à vendre à l’opposition, il tente aujourd’hui de le faire passer comme ce qui ressemble à une énorme concession au peuple qui manifeste.

Reste à savoir maintenant quelle sera la réaction de la classe politique vis-à-vis de ces « concessions » qui ressemblent à une supercherie. Surtout que, il est important de le souligner, ces décisions le pouvoir les a prises sans consulter personne, ni les partis de l’opposition ni les personnalités nationales. On est surtout curieux de savoir comment réagira la rue dont les deux principales revendications sont le renoncement au cinquième mandat et le démantèlement du système.

A bien lire le message présidentiel, ni l’une ni l’autre de ces doléances n’a été satisfaite. Bouteflika renonce au cinquième mandat mais il restera au pouvoir au-delà du 18 avril, date de la fin de son mandat actuel. Quant au changement de système, le texte ne contient aucune proposition qui le garantit. Bien au contraire, c’est ce même système qui gérera la transition censée déboucher sur sa fin.

Aussi, le changement du personnel politique peut attendre avec la nomination de l’inamovible ministre de l’Intérieur Nouredine Bedoui au poste de Premier ministre, en remplacement de l’impopulaire Ouyahia. Le départ de ce dernier constitue peut-être la seule véritable concession faite à la rue.

Pour des marches ayant rassemblé des millions de citoyens aux quatre coins du pays trois vendredi de suite, c’est plutôt rachitique comme acquis. Les Algériens doivent se montrer vigilants pour ne pas se faire confisquer leur belle et joyeuse révolution qui commence à émerveiller le monde. Le plan du pouvoir est trop grossier pour pouvoir passer avec une telle facilité.

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