Le recteur de la Grande mosquée de Paris (GMP), Chems-Eddine Hafiz, fait une lecture à sa manière de la victoire du Paris Saint-Germain en Ligue des champions contre l’Inter de Milan (5-0), samedi 31 mai. Dans son billet périodique dans la revue de l’institution, Iqraa, le recteur a égrené les images et surtout les leçons à retenir de cet exploit sportif.
D’abord la symbolique du score. Le club parisien a mis cinq buts à l’Inter de Milan en finale, “comme les différences qui, loin de diviser, composent une main”. “C’est cela, peut-être, que la France devrait méditer : cette main qui agit, qui console, qui bâtit… et qui tient ensemble ce qui ne se ressemble pas”, estime Hafiz.
La composante de l’équipe mérite aussi d’être méditée, avec “des noms qui chantent les mille visages de la République” et qu’aucun slogan où pancarte ne séparait ou distinguait.
Dans une France où beaucoup sont prêts à dégainer à la moindre expression de sa foi sur le terrain par un sportif musulman, Chems-Eddine Hafiz relève, “et tant mieux”, qu’aucun tollé n’a suivi le geste de Désiré Doué qui a remercié Jésus à la fin du match. “Mais osons l’honnêteté : si un joueur, tout aussi sincère, avait remercié Allah, la même ferveur serait devenue sujet d’enquête”, regrette le recteur.
France : les messages de Chems-Eddine Hafiz après la victoire du PSG
Celui-ci évoque aussi les débordements qui ont suivi le match sous l’angle de la lecture qui en est faite par une partie de la classe politique et des médias. Hafiz trouve que “les mots prononcés — parfois par des élus de la République — l’ont été avec une brutalité glaçante”.
Pourtant, rappelle-t-il sur la foi des chercheurs du sport, “la violence autour du football est multiforme” et n’est pas liée à la foi ou l’origine. “Accuser l’immigration, c’est détourner le regard de ce qui blesse vraiment”, estime-t-il.
Hafiz fustige au passage l’indignation de certains lorsque le président Emmanuel Macron, “dans un moment fraternel, a osé dire ‘’frère’ à un joueur”.
“Car, voyez-vous, ‘frère’ serait un mot suspect, trop musulman, trop Frères musulmans. À ce stade, ce n’est plus une obsession, c’est une névrose”, dénonce-t-il.
Dans cette victoire du sport français, Chems-Eddine Hafiz retient également quelques “images simples, tendres, vraies”.
La mère de l’international marocain Ashraf Hakimi et l’épouse de Osmane Dembélé ont fait une apparition sur le terrain, voilées, sans susciter les habituelles critiques, même si le courant extrémiste n’a pas raté l’occasion de s’en prendre à l’international français. “Rien de spectaculaire. Rien à signaler. Et pourtant, ce simple tissu devenu si lourd à porter dans notre pays semblait, l’espace d’un soir, ne plus faire trembler les plateaux”.
“Ces deux femmes ont imposé leur présence comme une évidence. Leurs voiles n’ont pas troublé l’ordre public. Ils n’ont ni séparé, ni exclu”, écrit le recteur qui se demande toutefois s’il s’agit d’un “progrès” ou seulement d’une “parenthèse”.