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Quand un jeune journaliste espagnol s’est fait inviter à dîner par Ben Bella

Quand un jeune journaliste espagnol s’est fait inviter à dîner par Ben Bella

Voilà une anecdote d’exception, racontée dimanche 4 mars, par Alfonso Sobrado Palomares, l’ancien président de l’agence de presse espagnole EFE, dans les colonnes du journal galicien La Región.

L’histoire se déroule à Alger, en printemps 1963. Le jeune journaliste, alors âgé de 28 ans, se rend en Algérie avec l’idée de retrouver le pays qu’évoquait l’écrivain français Albert Camus dans ses romans.

« Mais en me promenant à Alger, je me suis rendu compte que le monde fascinant de Camus n’existait plus, les rues étaient emplies de gens fascinés par la liberté récemment conquise dans une guerre terrible », écrit-il, avant de s’attarder sur l’ éminent Ahmed Ben Bella, figure sempiternelle du FLN et président de l’Algérie indépendante.

« Le président Ben Bella était le leader imparable de la révolution, son image irradiait depuis chaque mur. Au début des années 60, Ben Bella était avec Fidel Castro le leader révolutionnaire le plus célèbre de la planète. Anti-impérialisme était le mot qui définissait la révolution cubaine, anticolonialisme celui qui a marqué la révolte algérienne. (…) Ben Bella était à la fois le leader et le martyr, lui qui a passé sept ans reclus dans les prisons françaises. »

Une rencontre à l’origine d’un malentendu

Dès lors, le jeune journaliste envisage d’interviewer Ben Bella, avec la naïveté de sa jeunesse. Pour mener à bien ce projet, il cherche de l’aide auprès de l’ambassade d’Espagne à Alger. Où il déchante.

« Il y a plus de 200 journalistes qui essaient d’interviewer Ben Bella et le président accorde très peu d’entretiens et seulement à des journalistes importants », lui dit-on.

Mais alors qu’il encaissait son revers attablé à un café du centre-ville fréquenté par des Espagnols dont Felipe de Alcocer, l’ambassadeur d’Espagne en personne, qui lui explique que Ben Bella donne en ce moment même une conférence de presse au Palais du Peuple.

Naturellement, le jeune homme file au rendez-vous et parvient à s’installer autour d’une table où siégeait Ben Bella, vêtu d’une veste Mao, croyant que la conférence de presse se tenait là.

Tous lui jettent un regard surpris. « La personne qui était assise près de moi me demande : Qui êtes-vous ? Je suis un journaliste espagnol qui vient assister à la conférence de presse du président Ben Bella. Tous rirent, le président compris. Il n’y a aucune conférence de presse. C’est une réunion du bureau politique du FLN », narre Alfonso Sobrado Palomares.

Un dîner avec Ben Bella, une discussion autour du futur de l’Algérie

Invité à quitter les lieux, le jeune journaliste fait toutefois preuve de pugnacité, et reste à l’intérieur du Palais. Une fois la réunion terminée, il parvient à arracher un moment à Ben Bella et lui explique vouloir l’interviewer après lui avoir confié être un anti-franquiste, passionné par la révolution algérienne.

Le président finit par l’inviter à dîner. « Ce fut comme si le ciel s’était fendu au-dessus de ma tête », confie-t-il, pour exprimer l’allégresse du moment.

Le jeune homme se retrouve alors chez Ben Bella, à la villa Joly. Avant le repas, le président lui raconte avoir voyagé clandestinement à Madrid pour acheter des armes, avant de s’entretenir une demi-heure au téléphone avec Gamal Abdel Nasser, le président égyptien, figure du panarabisme.

« Ce fut la première fois que j’ai entendu le nom de Yasser Arafat, celui que Ben Bella a qualifié de jeune homme brillant, leader du mouvement pour la libération de la Palestine. »

Puis ils passent à table. « La conversation fut très riche, passant du réveil du peuple arabe aux révolutions d’Amérique latine. (…) La plus grande partie de la discussion s’est articulée autour de l’avenir de l’Algérie. Ils utiliseraient leur pétrole et leur gaz pour améliorer les conditions de vie du peuple. 80% des Algériens étaient analphabètes, c’est pourquoi ils ont lancé de grandes campagnes d’alphabétisation. »

Quelque temps après, Alfonso Sobrado Palomares rencontrait à nouveau Ben Bella dans le cadre d’une interview pour un magazine espagnol.

« Mais un mois après notre rencontre, dans la nuit du 19 juin 1965, le colonel Houari Boumédiène faisait un coup d’État », poursuit le journaliste, qui finit avec ces mots : « Je n’ai jamais su pourquoi l’ambassadeur Alcocer m’a parlé d’une conférence de presse de Ben Bella au palais du Peuple. »

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