search-form-close
Raouia et Loukal de retour de Washington : une opération d’explication réussie ?

Raouia et Loukal de retour de Washington : une opération d’explication réussie ?

Pendant près d’une semaine, les grands argentiers algériens ont assisté à Washington aux Assemblées annuelles du FMI et de la Banque Mondiale. La communication officielle a tenté au cours de la semaine écoulée de véhiculer le message d’une opération d’explication « réussie » de la nouvelle politique économique mise en œuvre au cours des derniers mois. Les responsables économiques algériens  seraient parvenu à « rassurer » les institutions financières internationales.

C’est ainsi que dès samedi dernier, devant le comité monétaire et financier du FMI, le gouverneur de la Banque d’Algérie, Mohamed Loukal, indiquait que l’« ajustement au pétrole moins cher a préservé la stabilité économique des pays exportateurs de la région Moanap au prix d’une plus faible croissance et d’une érosion des coussins de sécurité ».

Un constat exprimé au nom des pays de la région Moyen-Orient, Afrique du Nord, Afghanistan et Pakistan (Moanap), mais qui cadre assez bien avec la réalité de l’ajustement économique réalisé en Algérie pendant environ 3 ans et jusqu’à l’été dernier.

Mohamed Loukal a poursuivi en relevant que « pour s’adapter à la nouvelle réalité du marché pétrolier, ces pays ont procédé à un ajustement budgétaire, prenant des mesures importantes pour renforcer la mobilisation des revenus fiscaux, rationaliser la dépense publique et mettre en œuvre les réformes structurelles pour diversifier leurs économies et favoriser l’emploi « . Vrai aussi globalement pour l’Algérie jusqu’au virage économique de cet été.

Sur ce virage économique, le Gouverneur de la Banque d’Algérie a dit cependant très peu de choses devant ses pairs. C’est à peine si on peut découvrir une allusion dans son appel adressé au FMI pour « renforcer son soutien à la région, à travers des conseils adaptés aux circonstances et spécificités des pays ».

On ne sait pas non plus si Mohamed Loukal fait allusion à l’Algérie lorsqu’il relève devant les banquiers centraux que « les politiques d’assouplissement monétaire demeurent nécessaires dans plusieurs pays mais le retour à la normalisation monétaire ne devrait pas être retardé indûment afin d’éviter que ses effets secondaires ne soient exacerbés ».

Raouia justifie le financement non conventionnel 

Pendant ce temps, le ministre des Finances, Abderrahmane Raouia, s’entretenait principalement à Washington avec le vice-président de la Banque Mondiale pour la région Mena, Hafez Ghanem. Le ministre a abordé cette fois directement la question du virage économique de cet été en soulignant  que « le choix de recourir à un  mode de financement non conventionnel dans un contexte marqué par la contraction des ressources financières suite à la chute des prix du pétrole, visait à financer le déficit du Trésor ».

Raouia a précisé que « l’utilisation de cet instrument sera accompagnée par la mise en oeuvre de réformes structurelles pour améliorer le cadre institutionnel et réorienter les ressources disponibles au bénéfice de la croissance économique ».

En milieu de semaine, c’est dans une interview donnée à l’APS à partir de Washington que Raouia indiquait que « le recours au financement non conventionnel prévu pour parer au déficit du Trésor sera accompagné d’un contrôle rigoureux pour empêcher toute dérive inflationniste ».

Le premier argentier du pays expliquait que « l’opération est parfaitement encadrée par l’amendement de la loi sur la monnaie et le crédit qui a introduit ce nouvel instrument de financement. Le texte en question détermine l’usage des financements et leurs objectifs ».

Il y a donc bien eu opération de communication des responsables économiques algériens mais en l’absence de toute réaction officielle des représentants des institutions financières internationales, il est bien difficile d’affirmer si elle est réussie ou non ; les assemblées annuelles du FMI et de la BM n’étant pas le lieu idéal pour enregistrer de telles réactions.

 Le FMI et la Banque Mondiale pris à contre pied

En réalité, les nouvelles orientations économiques du gouvernement semblent avoir carrément pris « à contre pied » les institutions financières internationales dont les analyses et les prévisions, publiées à la veille des réunions de cet automne, s’inscrivent encore dans la trajectoire d’ajustement budgétaire 2016-2019 et dont la méthode et les objectifs avaient été cités en exemple aux pays de la région par Christine Lagarde elle-même voici à peine quelques mois.

C’est ainsi que dans son bulletin d’informations économique de la région Mena, publié à Washington à la veille de ces assemblées annuelles, la Banque Mondiale (BM) relève que la «  croissance économique solide enregistrée en Algérie au premier trimestre 2017 »  a  été soutenue par « une forte croissance de la production d’hydrocarbures et des dépenses publiques supérieures aux prévisions ».

Au premier trimestre, le PIB  a augmenté de 3,7 %, principalement en raison de la forte production dans le secteur des hydrocarbures, qui a été en hausse  de 7,1 %, précise la BM.

En revanche, la croissance dans le secteur hors hydrocarbures a ralenti pour s’établir à 2,8%, contre 4% au cours de la même période en 2016.

La BM pronostique, toutefois, en se basant clairement sur l’hypothèse de la poursuite de l’ajustement budgétaire, que « la croissance devrait accuser un ralentissement au second semestre de 2017 et en 2018 à mesure que les mesures d’assainissement des finances auront des effets ».

En conséquence, « la croissance du PIB devrait s’établir à 2,2% pour l’année 2017 et peinera à franchir la barre de 2% en 2018-2019 », selon les mêmes projections. Des prévisions qui ne prennent manifestement pas en compte le virage économique estival et l’augmentation massive des dépenses publiques prévues par la loi de finances 2018.

Rendez-vous avec le FMI en novembre à Alger

Interrogé lundi dernier sur les dernières prévisions du FMI concernant la croissance en Algérie, qui tablent encore sur une croissance de 1,6% en 2017 et de moins de 1% pour l’année prochaine, M. Raouia  indiquait, dans le même esprit, que son département prévoyait des taux un peu plus élevés que ceux anticipés par l’institution de Bretton Woods.

« Le ministère des Finances et le FMI procéderont à un recoupement de leurs prévisions lors de la prochaine mission du Fonds en Algérie », a ajouté M. Raouia. On en saura donc un peu plus en novembre, date à laquelle les missions du FMI se déplacent traditionnellement à Alger pour une période de 15 jours qui devrait être cette années très riche d’enseignements.

Sur ce chapitre, Abderahmane Raouia se montre  très confiant. Il considère que « les corrections que le FMI apporte à ses prévisions initiales rejoignent souvent les taux projetés par l’Algérie ». Il a sans doute raison, et pour cause : le gouvernement prévoit d’augmenter les dépenses publiques de plus de 25% l’année prochaine, mais on attend aussi avec beaucoup de curiosité de savoir ce que le FMI nous dira dans les prochains mois du recours au financement non conventionnel et du risque de dérapage inflationniste.

  • Les derniers articles

close