Économie

Relance de l’investissement : le gouvernement met la main à la poche

Devant la léthargie de l’investissement productif en Algérie, le gouvernement semble décidé, ou résigné, à déterrer la recette du soutien à la croissance économique par la commande publique.

Le gouvernement a tenu dimanche 12 décembre une réunion exceptionnelle à Khenchela à l’issue de laquelle le montant du programme complémentaire de développement au profit de cette wilaya a été dévoilé : 113 milliards de dinars, soit 813 millions de dollars.

| Lire aussi : Investissement en Algérie : au-delà des blocages intentionnels

L’idée a été lancée par le président de la République Abdelmadjid Tebboune lors de sa rencontre avec les walis le 25 décembre dernier et aussitôt actée au cours d’une réunion du Conseil des ministres, le 3 octobre.

Le programme, qui a pour objectif de désenclaver la région et de développer l’activité agricole dans cette wilaya des Aurès, rappelle la politique d’aide au développement des « zones d’ombre » prônée par le président Tebboune depuis son élection.

Survenant dans une conjoncture de stagnation de l’investissement tant national qu’étranger et d’un léger mieux dans les recettes publiques grâce à plusieurs mois d’embellie des prix des hydrocarbures et à la réduction des importations, ce programme peut s’apparenter aussi à une réplique miniature des gigantesques plans de soutien à la relance par les investissements publics mis en œuvre pendant les années du pétrole cher sous l’ancien président Abdelaziz Bouteflika.

Le gouvernement a peut-être anticipé la comparaison en précisant dans le communiqué qui a sanctionné sa réunion à Khenchela que ce programme triennal (2021,2022 et 2023) sera mis en œuvre « exclusivement » par le biais de l’outil de réalisation national.

Les plans (un triennal et deux quinquennaux) de Bouteflika, bien qu’ils aient beaucoup apporté à la croissance et au développement humain, étaient aussi marqués par l’octroi des marchés les plus importants à des entreprises étrangères, ce qui a généré le transfert de sommes record, outre les malversations, les malfaçons, les retards dans la réalisation et les rallonges budgétaires.

Ce qui ne cadre pas avec la stratégie actuelle articulée sur l’encouragement de la production et de l’outil de production national et la préservation des réserves de change.

La nouveauté sera donc à ce niveau et dans le fait que le plan actuel concerne une zone géographique limitée et est doté d’une enveloppe très modeste comparée aux 286 milliards de dollars annoncés par exemple dans le cadre du plan 2010-2014.

Mais le plan triennal tracé pour la wilaya de Khenchela en appellera d’autres au profit d’autres régions, comme l’a promis le président de la République dans son discours du 25 septembre. Il s’agit tout compte fait d’une manière de soutenir la croissance et le développement humain par les investissements publics.

Des plans proportionnels aux ressources disponibles 

La conjoncture rappelle à bien des égards celle qui prévalait au début des années 2000, alors que l’investissement productif était à l’arrêt du fait de la décennie de violence que venait de traverser le pays, et les prix du pétrole entamaient une embellie qui durera une quinzaine d’années.

L’Algérie avait alors lancé plusieurs plans de développement dotés d’enveloppes budgétaires proportionnelles aux ressources disponibles. Le premier plan de soutien à la relance économique, étalé sur trois ans (2001-2004) avait vu la mobilisation de 7 milliards de dollars.

Le plan quinquennal 2004-2009 était doté initialement de 55 milliards de dollars pour être clôturé en 2009 à plus de 200 milliards de dollars à cause des multiples rallonges et des enveloppes additionnelles pour le plan de développement des Hauts-Plateaux et des régions du Sud.

Cette période a vu les prix du pétrole atteindre un record historique jamais enregistré (147 dollars le baril en 2008), ce qui explique l’enveloppe dégagée dès le départ pour le plan suivant (2010-2014), soit 286 milliards de dollars.

Pendant les deux dernières décennies, l’Algérie a fait un bond en avant en matière de développement humain (établissements scolaires et de santé, structures de loisirs, accès aux services publics, eau, gaz, électrification et télécommunications) et s’est dotée d’une importante infrastructure (routes et autoroutes, chemins de fer, grands stades…)  presque exclusivement grâce à ces investissements publics. Mais l’objectif ultime derrière les dépenses en infrastructures, qui était d’attirer le maximum d’investissements pour une relance économique véritable, n’a jamais été atteint.

Lors de sa dernière sortie publique, le 4 décembre à l’occasion de la Conférence nationale de l’industrie, le président de la République a dressé un sombre constat de la situation de l’investissement dans l’industrie et dans le reste des secteurs.

Abdelmadjid Tebboune a pointé du doigt les lenteurs bureaucratiques et parlé de « crime contre l’économie nationale ». Les usines prêtes, mais qui ne sont pas entrée en production faute d’autorisation de l’administration, sont susceptibles de créer dans l’immédiat 75 000 emplois, a-t-il dénoncé.

Le 23 novembre, le Premier ministre Aymane Benabderrahmane avait fait état de 2500 projets qui attendent l’aval du Conseil national de l’investissement (CNI) qui ne s’est pas réuni depuis plus de deux ans. Le montant de ces investissements est d’au moins 90 milliards de dollars.

Des instructions ont été données à l’administration pour lever les blocages qui frappent des dizaines de projets et un nouveau code de l’investissement a été élaboré pour rendre plus attractif le marché algérien.

En attendant, le recours aux financements publics pour booster la croissance est plus que nécessaire pour atténuer les effets sur le cadre de vie et le pouvoir d’achat du désinvestissement dans la sphère économique.

Les plus lus