En mai dernier, le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, décrivait la relation avec l’Algérie comme étant « bloquée » et « totalement gelée ». Les choses semblent toutefois bouger dans le volet économique, à en juger par plusieurs faits successifs survenus ces dernières semaines. Les chefs d’entreprises des deux pays tentent de briser la glace.
L’Algérie et la France traversent depuis plus de dix mois une crise politique aiguë, qualifiée de la plus grave depuis l’indépendance. La brouille a fatalement déteint sur les échanges économiques et la présence des entreprises françaises en Algérie, déjà en net recul depuis plusieurs années. La France a été détrônée par la Chine au rang de premier fournisseur de l’Algérie en 2013.
Et alors que le contact était quasiment rompu entre les deux capitales, le président d’un grand groupe français a été reçu au plus haut niveau à Alger. Le 2 juin, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a accordé une audience à Rodolphe Saadé, président du groupe de transport maritime de marchandises CMA CGM.
Deux semaines après cette audience, la vice-présidente exécutive du groupe français, Christine Cabau, est reçue par le ministre des Transports Saïd Sayoud. Rien de concret n’a été annoncé à l’issue des deux audiences, mais CMA CGM ne cache pas ses grandes ambitions sur le marché algérien. Il serait notamment intéressé par la gestion du port d’Oran.
Mardi 17 juin, la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française (CCIAF) a organisé à Alger les Journées de l’industrie, en présence de représentants d’une vingtaine d’entreprises françaises et de 150 algériennes. C’est la première rencontre du genre en 2025.
Algérie – France : les chefs d’entreprise brisent la glace
Michel Brisac, président de la CCIAF, a soutenu qu’il faut « séparer l’économie de la politique ». « C’est extrêmement important. Les 6.000 entreprises françaises qui travaillent en Algérie n’ont jamais arrêté de le faire quelles que soient les positions dures qui ont pu être exprimées ces derniers temps. (…) Nous avons absolument besoin de continuer cette relation économique », a-t-il plaidé au cours de la rencontre.
Le même jour, l’Agence algérienne de valorisation des ressources en hydrocarbures (Alnaft) a ouvert les plis d’un important appel d’offres dans le domaine pétrolier et une grande firme française a remporté un lot. Cinq permis d’exploration ont été attribués, dont un à TotalEnergies. Le groupe énergétique français a remporté avec le Qatari Qatar Energy le lot du champ d’Ahara, situé dans la wilaya d’Illizi, à l’extrême Sud-Est du pays.
Ces faits successifs et rapprochés dans le temps sont peut-être le signe que les deux pays ont, en effet, décidé de « séparer l’économie de la politique » ou alors, ils sonnent la mise en marche du dégel de la relation bilatérale par l’économie. La question a été posée par TSA à Michel Bisac.
Le président de la CCIAF n’a pas livré d’avis tranché, mais il a évoqué « des progrès dans la relation bilatérale » et émis le souhait que cela soit « le début de la réconciliation et que cette dynamique continue et se renforce ».
« Je suis un observateur de l’évolution de la situation et je ne peux que me réjouir de ces progrès réalisés dans la relation bilatérale », ajoute-t-il.
« À la CCIAF, nous continuons à travailler toujours dans le même sens avec les opérateurs économiques algériens et français, avec le souci de renforcer un lien économique mutuellement respectueux et profitable pour les deux parties », assure Michel Bisac, réitérant que « cette relation ne s’est jamais arrêtée ». « Je suis persuadé que ce qui nous rassemble est bien plus fort que ce qui nous divise », conclut-il.
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