Économie

Relèvement du prix des céréales : décision salutaire mais insuffisante

L’Algérie va acheter plus cher les blés produits localement. La mesure a été actée dimanche lors de la réunion du Conseil des ministres qui a décidé le relèvement du prix des céréales à la production.

Cette mesure survient dans un contexte de hausse mondiale des prix des céréales et après une récolte de 2021 catastrophique : 13 millions de quintaux contre 39 millions la saison passée.

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Annoncée en novembre dernier par le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane, cette mesure était réclamée depuis longtemps et devrait être favorablement accueillie par les agriculteurs.

Si la décision concerne uniquement le relèvement des prix, elle ne résoudra pas les difficultés structurelles de la filière céréales algérienne.

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Selon le communiqué publié à l’issue du Conseil des ministres, le prix d’achat du quintal de blé dur passe de 4500 DA à 6000 DA, celui du blé tendre de 3500 DA à 5000 DA, celui de l’orge de 2500 DA à 3400 DA et celui de l’avoine de 1800 DA à 3400 DA.

Une dégradation des marges lourde de conséquences

La dernière augmentation du prix des céréales remonte à 2008 et avait été suivie d’une nette augmentation des surfaces, notamment dans le grand Sud sous pivot.

Cette décision permettra d’améliorer la marge brute par hectare. Une marge mise à mal par l’inflation touchant les intrants agricoles. Cette année, le prix des engrais a augmenté de 40%.

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Le risque d’une dégradation de cette marge est de voir les agriculteurs se détourner de la culture des céréales au profit de l’élevage ovin beaucoup plus rémunérateur. Le risque est également de voir les agriculteurs perpétuer un mode de culture extensif qui consiste à semer à la volée puis ne revenir sur les parcelles qu’à la moisson sans qu’aucun apport d’engrais ou de désherbant n’ait été effectué.

Les questions de fonds occultées

Pour améliorer la marge des agriculteurs, les pouvoirs publics disposent de plusieurs leviers : jouer sur le niveau des rendements, notamment en subventionnant le matériel d’irrigation, baisser les coûts de production des cultures, favoriser une meilleure répartition de la valeur ajoutée liée à la transformation des céréales ou relever les prix à la production.

La révision du barème de bonification et de réfaction qui donne la prime au blé de qualité est indispensable pour améliorer la qualité des blés produits en Algérie. Ce barème n’a pas été modifié depuis 1988.

En choisissant cette dernière solution, les pouvoirs publics font l’impasse sur certains dysfonctionnements et laissent aux seules minoteries la gestion de la vente des issues de meuneries, dont le son de blé.

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Le son est particulièrement recherché par les éleveurs et son prix a été jusqu’à dépasser celui du blé tendre. La spéculation actuelle qui entoure la vente de son est considérée comme une grave injustice par les éleveurs.

Récemment, un éleveur laitier déclarait ne pouvoir acheter que 4 kg de son au tarif réglementé alors que chacune de ses vaches en consommait 7 kg par jour.

La différence étant achetée chez les spéculateurs. Quant aux éleveurs de moutons, nombreux sont ceux qui sont obligés de vendre une partie du troupeau pour nourrir le reste des bêtes. « La brebis mange sa sœur », déclare un éleveur pour caricaturer la situation des éleveurs.

L’OAIC, seul organisme collecteur

Ce relèvement des prix s’accompagne de la désignation d’un seul organisme collecteur : l’OAIC à travers ses dépôts régionaux, les CCLS. Contrairement à ce qui se passe avec les laiteries et les conserveries de tomate industrielle, les minoteries restent absentes de la collecte et de l’encadrement des agriculteurs. Or, de nombreux moulins déclarent travailler en sous-régime, les quota de blé importés et attribués par l’OAIC étant insuffisants.

Face aux problèmes de la filière céréales, cette mesure s’apparente à « un emplâtre sur jambe de bois ». Comme en 2008, ce relèvement des prix devrait permettre d’augmenter les surfaces céréalières. Mais cette annonce intervient après la fin de la période de semis. Les pouvoirs publics se privent donc d’un effet positif sur les emblavements de la campagne agricole en cours.

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