Économie

Réouverture des hôtels : « Il y a un terrible marasme »

L’Algérie va rouvrir progressivement, à partir de ce 15 août, les mosquées, les plages, les restaurants, les cafés et les hôtels, fermés depuis la mi-mars à cause de la pandémie de coronavirus. Dans cet entretien, le  président de la Fédération nationale des hôteliers Ahmed Oulbachir, évalue l’impact de cette décision sur les hôteliers-restaurateurs. ENTRETIEN.

Après six mois de fermeture, le gouvernement vient d’autoriser les hôteliers et les restaurateurs à rouvrir à nouveau sous condition du respect des mesures sanitaires. Qu’en pensez-vous ?

Ahmed Oulbachir.  Nous accueillons cette décision avec grand plaisir mais il ne faudra pas que les choses tardent. Nous saluons les autorités pour ce premier pas mais il va falloir passer directement à l’action. Il faut aussi qu’on nous donne une ligne à suivre.  En ce qui nous concerne, nous sommes disposés à rouvrir et à appliquer les mesures sanitaires…

Est-ce suffisant pour sauver la saison estivale ?

Franchement, on est en retard. Personnellement je vois que la saison d’été est compromise. On ne peut pas la sauver, ce n’est pas possible. Nous sommes déjà au mois d’août. On aura tout juste un mois pour travailler, c’est tout. En septembre, il y aura les examens de fin d’année et les familles vont être occupées par la préparation de ces épreuves et la rentrée scolaire en octobre. On va tenter de sauver les meubles. Mais dans tout cela c’est notre personnel qui nous fait de la peine. Chaque hôtelier fait travailler 40 à 50 personnes et ça nous fait du mal de les licencier…

Justement, comment gérez-vous cette situation ?   

En fait, nous avons gardé un « service minimum », en maintenant nos cadres comme les chefs-cuisiniers et les maîtres d’hôtels  qu’on ne peut pas trouver facilement. Ces « cadres supérieurs », nous ne les avons pas laissés partir. Ils sont payés et restent chez eux. Et je peux vous dire que ce sont des pertes sèches.

Quel a été l’impact de l’épidémie de la Covid-19 sur votre activité ?

Que voulez-vous que je vous dise, notre secteur est sinistré. La situation dure depuis 5 mois et depuis une année du déclenchement du Hirak.  Il y a un marasme terrible. Certains de nos hôteliers-restaurateurs ont pratiquement mis la clé sous le paillasson. Bon nombre d’entre eux s’apprêtent à déposer le bilan. Nous avons entrepris des démarches auprès des ministères du Tourisme et des Finances et même auprès du Premier ministère.  

Dans quel sens ?

On dit qu’il y aura un assouplissement, notamment sur les volets des impôts, des prêts bancaires et des charges fiscales et parafiscales. Nous avons adressé des lettres aux ministres du Tourisme et des Finances, au Premier ministre et même au président de la République. Il y a eu des orientations, il s’agit maintenant de les concrétiser.    

Avez-vous procédé à l’évaluation des pertes financières ?  

Le ministère du Tourisme nous a donné un délai d’une semaine, jusqu’au 11 août, pour faire une évacuation des pertes et le manque à gagner. Cette opération prend au minimum 15 à 20 jours. Concernant le montant du manque à gagner, on ne peut pas avoir un chiffre exact. Lorsqu’on a 1 900 hôtels (70 sont étatiques) et 30 000 restaurants, je ne pense pas qu’on puisse évaluer les pertes financières. Mais le ministère a certainement une idée à travers le service des statistiques. Il peut faire une évaluation. Pour nous, l’opération est très difficile. Au sein de notre Fédération, nous comptons environ 500 adhérents. Les autres vous disent nous sommes avec vous mais ils ne paient pas les cotisations qui sont pourtant symboliques.

Lors de cette pandémie vous vous êtes bien impliqués en mettant vos établissements hôteliers à la disposition des personnels de santé et des ressortissants algériens rapatriés. Cela mériterait bien un geste de reconnaissance, n’est-ce pas ?

Nous avons réquisitionné 76 hôtels appartenant à nos adhérents durant cette pandémie. Alors, nous attendons un retour d’ascenseur. On s’attendait quand même à une décision encourageante. Par exemple on mettant en place un fond de soutien pour aider les hôteliers ou rééchelonner nos dettes ou des abattements fiscaux et parafiscaux…ça a été fait en Espagne, en France, au Maroc et partout ! Qu’est-ce qu’on attend, nous, pour le faire ? Pour l’heure, il n’y a rien de concret. Franchement, nous sommes découragés. Nous subissons une calamité naturelle, pourquoi  alors ne pas instituer une loi pour obliger les assurances, puisque nous sommes assurés, pour nous aider ?

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