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Report de la présidentielle : À quoi pourrait ressembler la conférence nationale de consensus ?

Report de la présidentielle : À quoi pourrait ressembler la conférence nationale de consensus ?

La perspective d’un report de la prochaine élection présidentielle se fait de plus en plus insistante. Le pouvoir s’attèle actuellement à définir les modalités permettant de construire et « légitimer » un éventuel report et la prolongation de facto du mandat du président Bouteflika.

Amar Ghoul a dévoilé en partie le projet du pouvoir : une conférence nationale de consensus. Selon nos informations, le pouvoir pourrait s’inspirer et de meubler l’idée d’un potentiel report autour du concept d’une « Conférence nationale souveraine », à l’image de ce qui s’est fait dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne durant les années 1990.

Ce mécanisme a permis par le passé le maintien provisoire du chef d’État en poste, mais aussi aux « acteurs de la transition » d’« instrumentaliser » le processus à leur profit pour « garder, conquérir ou légitimer leur pouvoir ».

Qu’est-ce qu’une conférence nationale souveraine ?

La Conférence nationale souveraine est un mécanisme « innovant et spécifique » utilisé par la plupart des États d’Afrique subsaharienne francophone durant le processus de transition qu’ils ont traversé durant les années 1990, explique Magalie Besse, docteure en droit spécialisée dans les questions liées aux processus de démocratisation, dans une étude sur le thème de la conférence nationale souveraine publiée en 2006.

La première fois que ce mécanisme fut utilisé était au Bénin en 1990. « C’est en effet le président Mathieu Kérékou, responsable de la dictature marxiste-léniniste en place au Bénin depuis 1972, qui inventa le terme et la formule institutionnelle », explique la spécialiste, qui indique que cette conférence sera un succès tel que l’expérience sera reprise au Gabon, au Congo, au Niger, au Mali, au Togo, au Zaïre et au Tchad. La Conférence nationale souveraine « est donc un mécanisme spécifiquement africain », affirme-t-elle.

Selon la docteure en droit, la nature de la Conférence nationale souveraine est mixte. « Elle est un rituel de transgression qui permet d’évacuer symboliquement les conflits, elle offre ainsi un espace public de la parole ce qui conduit certains observateurs à la comparer, à tort ou à raison, à la célèbre palabre africaine », affirme Mme Besse.

La conférence nationale souveraine se veut également une structure institutionnelle génératrice de nouveaux pouvoirs qui entend initier les valeurs démocratiques, explique la spécialiste, affirmant que « c’est d’ailleurs pour mener à bien cette seconde mission que la quasi-totalité des conférences va opérer un véritable coup d’État civil en se déclarant souveraine ».

Nouvelle Constitution

« En dépit de leur diversité, les Conférences nationales souveraines firent un choix commun. Elles optèrent pour une transition fondée sur la rupture avec l’ancien régime et non sur une réforme progressive », affirme l’étude de Magalie Besse, précisant que « cette rupture se concrétise juridiquement par la mise en place de nouvelles institutions grâce à une Constitution ». « La nouvelle Constitution est adoptée « par ce que l’on appelle classiquement le pouvoir constituant originaire ».

« Le titulaire de cette compétence est a priori la conférence nationale au regard de sa déclaration de souveraineté. Même si, la situation est en réalité plus complexe en raison du maintien de l’ancien président dans ses fonctions », indique par ailleurs la docteure en droit.

L’étude précise comment ces Conférences nationales ont pris leur caractère souverain. « Les conférences n’étaient à l’origine que consultatives pour un motif évident : elles étaient autorisées, voire organisées par le président-dictateur. Elles devaient donc cohabiter avec lui après avoir commencé leurs travaux, tandis que ce dernier entendait bien garder la mainmise sur elle pour conserver ensuite le pouvoir », indique la spécialiste.

« Malgré cette précaution, les conférenciers ont très rapidement voulu s’assurer que les décisions qu’ils prendraient ne restent pas lettre morte. Ils ont également entendu profiter de l’assouplissement du régime que traduisait l’organisation de la Conférence. Les premiers débats concernèrent ainsi toujours la détermination de la souveraineté. Ils ont d’ailleurs en général été très vifs car le Gouvernement, l’ancien parti unique et l’armée comptaient également des délégués parmi les conférenciers et ils n’entendaient pas laisser le pouvoir leur échapper », indique également l’étude.

Instrumentalisation en vue de se maintenir au pouvoir

« Dans la très grande majorité des pays, la restauration du droit telle qu’elle semblait avoir été initiée dans les premiers temps de la transition ne s’est finalement pas confirmée », affirme la spécialiste, ajoutant en outre qu’« en définitive, les Conférences nationales se contentèrent de donner des directives assez vagues concernant les caractéristiques de la future constitution ».

« Dans le cadre d’une transition démocratique, la logique idéologique voudrait que l’objectif réel poursuivi par les acteurs soit la réussite de la démocratisation. Or, il est fréquent qu’elle soit parasitée par leur volonté de se maintenir ou de conquérir le pouvoir », affirme l’étude.

« Les acteurs de la transition ne vont généralement pas utiliser le pouvoir constituant originaire pour la démocratisation et la pacification sociale de leur pays. Ils vont au contraire l’instrumentaliser à leur profit c’est-à-dire pour garder, conquérir ou légitimer leur pouvoir », affirme également l’étude.

« L’effectivité de la constitution démocratique repose sur l’organisation d’élections libres et transparentes. Cela ne sera pas le cas si les acteurs ne souhaitent que se maintenir au pouvoir », précise l’étude.

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