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Report de la visite à Alger de la MAE espagnole : éclairages

Report de la visite à Alger de la MAE espagnole : éclairages

Le report, à l’initiative de l’Algérie et pour la seconde fois, de la visite à Alger de la ministre espagnole des Affaires étrangères, de l’Union européenne et de la Coopération, Mme Arancha González Laya, prévue initialement pour le mercredi 26 février 2020, reflète l’agacement des autorités algériennes face aux incartades répétées de la nouvelle locataire du Palais Santa Cruz vis-à-vis des questions d’intérêt commun.

En effet, à peine installée à la tête de la diplomatie ibérique en janvier 2020, la ministre Arancha González n’a pas lésiné sur les moyens pour plaire et complaire à son turbulent voisin marocain, quitte à assumer publiquement des écarts de langage vis-à-vis de l’Algérie sacrifiant ainsi à une saine équidistance de Madrid sur des questions d’intérêt commun.

Bien que cette tendance soit l’œuvre d’un gouvernement socialiste qui voit dans le Maroc, pour des raisons discutables, un « partenaire stratégique », jamais l’Espagne n’aura autant assumé cette stratégie de « conciliation extrême » à l’égard du Maroc qui lui assume, au grand jour, sa politique de mise sous pression et sa capacité de nuisance ( migration, quasi blocus imposé à Ceuta etc..), le tout sous forme de déclarations à l’emporte-pièce de sa nouvelle ministre des Affaires étrangères.

Le premier acte de cette sortie de route s’est manifesté par les propos tenus par la cheffe de la diplomatie espagnole lors d’un passage devant la Chambre de représentants, le 19 février courant, sur la délimitation des limites extérieures de la zone économique exclusive au large des côtes algériennes, fixées par le décret présidentiel n° 18-96 du 20 mars 2018. Sur fond d’une polémique stérile sur l’incidence de cette loi sur la souveraineté espagnole au large de l’archipel Baléares, Mme Arancha González Laya s’est permis de déclarer « nous ne sommes pas d’accord et nous l’avons porté à leur connaissance (de l’Algérie) (…) Contrairement au Maroc, qui n’a manifesté que son intérêt pour la délimitation de ses eaux, l’Algérie a déjà présenté sa vision et sa façon de les délimiter ».

Un ton péremptoire injustifié qui rompt radicalement avec le langage conciliant de la même ministre espagnole lorsqu’elle s’exprime au sujet de la délimitation maritime marocaine laquelle, pourtant, suscite l’ire des autorités canariennes et prétend incorporer illégalement les eaux du Sahara occidental dans l’espace maritime du Maroc. Face à cette manœuvre colonialiste, Arancha González ne trouve rien de mieux à dire qu’il s’agit « d’une décision souveraine » et que « le Maroc a le droit d’avoir sa propre zone économique exclusive » !

Ce deux poids deux mesures de la cheffe de la diplomatie espagnole va encore plus loin en ce qui concerne la question du Sahara occidental à propos de laquelle son gouvernement a revu, de manière honteuse, ses éléments de langage en faisant l’impasse, dans ses déclarations publiques, sur la référence habituelle et légitime au droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.

Comble de la soumission aux desiderata du Maroc, Arancha González est allée même jusqu’à désavouer le secrétaire d’État chargé des Droits sociaux, Nacho Alvarez (affilié au parti pro-sahraoui Podemos), qui avait reçu, le 21 février 2020, Souilma Birouk, ministre des Affaires sociales et de la Promotion de la femme du gouvernement sahraoui.

Un « sacrilège » que la ministre espagnole s’est empressée d’« effacer », publiquement, lors d’un entretien téléphonique avec son homologue marocain et à coup de Tweets dont les fautes d’orthographes dans la langue de Cervantès rendent compte de tout l’empressement de son auteure à plaire à son « partenaire stratégique » qui ne cesse de tirer des dividendes indus de sa posture de chantage sécuritaire.

Cette réaction a été fortement et ouvertement critiquée par la coordinatrice du mouvement Podemos dans la province d’Andalousie, allant jusqu’à qualifier l’attitude de la cheffe de la diplomatie espagnole de « servilité vis-à-vis du régime marocain et de trahison à l’égard du peuple sahraoui ».

Il reste que ces « sorties de piste » répétées du Gouvernement espagnol, en même temps qu’elles ruinent la crédibilité de ce pays dans le processus politique de règlement du conflit du Sahara occidental, risquent de nuire à l’ambition renouvelée du Gouvernement Sanchez de jouer un rôle de premier plan au Maghreb et au Sahel, où l’Algérie est incontournable.

Il faut espérer que la prochaine visite à Alger de la ministre des Affaires étrangères espagnole, dans un cadre bilatéral et non pas dans le cadre d’une tournée, permettra de tirer les choses au clair.

*Contribution – Abdallah B. est ancien diplomate

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