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Retailleau, la droite française et l’Algérie : un historien brise le silence

Retailleau, la droite française et l’Algérie : un historien brise le silence

Source : Facebook Bruno Retailleau
Bruno Retailleau

En France, Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, est soupçonné par une partie de la classe politique, des personnalités et des historiens d’utiliser l’Algérie comme tremplin pour ses ambitions politiques personnelles. Ce n’est pas faux, mais de telles visées n’expliquent pas à elles seules l’acharnement contre l’Algérie, explique un historien français.

Dans une tribune parue dans le Nouvel Obs mercredi 18 juin, Alain Ruscio affirme que l’action de Retailleau s’inscrit en fait dans le refus obstiné d’une partie de la classe politique française d’admettre l’indépendance de l’Algérie.

La tribune est intitulée : « Le retaillisme, maladie sénile de l’Algérie française ». Faits historiques à l’appui, l’historien décortique la genèse et l’évolution de la nostalgie de l’Algérie française chez la classe politique française, et pas seulement du côté de l’extrême-droite.

« Leur combat est certes d’arrière-garde et évidemment perdu, mais il est un obstacle réel à la compréhension, à l’entente et à la réconciliation entre France et Algérie », écrit l’historien, qui trouve que les observateurs qui ont cru discerner une « nouveauté » dans le discours de Bruno Retailleau à l’égard de l’Algérie, « se sont donc lourdement trompés ».

Retailleau se situe dans la droite ligne d’une tradition française « hélas toujours vivace », celle du « refus obstiné, contre vents et marées, contre l’évidence même, contre ce qu’il est convenu d’appeler le cours de l’histoire, de l’indépendance d’un État algérien au Sud de la Méditerranée », tranche-t-il.

L’historien remonte aux dernières années de la guerre d’Algérie et le changement d’attitude du général De Gaulle, de plus en plus convaincu de l’inéluctabilité de l’indépendance de l’Algérie.

Retailleau et l’Algérie : dans la droite ligne d’une tradition française

En plus de l’extrême-droite, qui est passée à la violence armée à travers l’OAS, des « dissidents du gaullisme » et des « hommes de la vieille droite » s’opposèrent aussi à l’indépendance de l’Algérie. Les événements de cette période « eurent également un effet majeur sur la vie politique française, que l’on ressent encore aujourd’hui », estime Alain Ruscio.

L’historien cite parmi les opposants de la première heure à l’indépendance de l’Algérie, un personnage qui présidera plus tard aux destinées de la France : Valéry Giscard d’Estaing (qui sera président de la République entre 1974 et 1981).

« Une rumeur sur une tendresse, pour ne pas dire plus, de Giscard pour l’OAS, courut dès le début de la décennie 1960 », révèle l’historien. Alors ministre des Finances, le nom de son chef de cabinet, un certain Michel Poniatowski, était déjà avancé comme étant un informateur de l’OAS. Au procès d’un commando de la sinistre organisation en 1963, un avocat a révélé que deux ou trois ministres en exercice entretenaient des rapports avec l’OAS, citant nommément Giscard d’Estaing.

La campagne présidentielle de 1974 a été l’occasion pour la réhabilitation de certains membres de l’OAS, qui ont apporté leur soutien public à Valéry Giscard d’Estaing. À l’issue du scrutin, celui-ci sera élu.

Jacques Dominati, un gaulliste qui s’est opposé « obstinément » à De Gaulle sur la question algérienne, a joué un grand rôle dans cette « redistribution des cartes ». Dominati est aussi proche de Jean-Marie Le Pen. En 1977, il est nommé secrétaire d’État aux Rapatriés. L’historien y voit un signe de Giscard aux nostalgiques : « Il est temps de sortir publiquement de votre ghetto ».

En 1980, Dominati crée le scandale en participant au nom du gouvernement à une cérémonie des nostalgiques de l’Algérie française à Toulon. Toutes les figures de la droite dans la région étaient aussi présentes.

Ce que révèle l’historien est en somme choquant. En France, il n’y a pas que l’extrême-droite qui est nostalgique de l’Algérie française. Une grande partie de la droite n’a jamais accepté, et elle n’admet pas aujourd’hui encore, l’indépendance de l’Algérie.

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