Économie

Sécheresse : l’Algérie continue d’importer massivement du blé

L’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) vient de passer une commande d’achat de blé tendre. Il s’agit de 500.000 à 600.000 tonnes pour une livraison prévue en été, selon une note du site Agritel spécialisé dans le commerce agricole. Un achat qui se déroule dans un contexte de sécheresse qui touche les principales régions céréalières de l’Algérie

Cette commande, qualifiée d’importante, est vue comme la poursuite de la politique de l’Algérie « de renforcer ses stocks de blé. » Dans sa note, Agritel souligne que les origines de ce blé meunier seraient « partagées entre la Russie et les autres pays européens, principalement la France ».

Le prix d’achat se situe autour de 276 dollars la tonne, frais inclus avec livraison en été. Les analystes notent que l’Algérie « continue de s’approvisionner en blé tendre à un rythme soutenu » et que le pays « multiplie les achats de grande ampleur ces derniers mois. »

Rappelons qu’en octobre dernier, les commandes de l’Algérie via le monopole public OAIC ont porté sur 800.000 tonnes, un million de tonnes en novembre ainsi que plusieurs achats de plus de 400.000 tonnes en début d’année 2023.

Selon le département américain de l’agriculture, ces importations de blé totaliseraient 8,2 millions de tonnes pour la campagne de commercialisation 2022/23, contre une moyenne de 7,7 millions de tonnes entre 2019/20 et 2021/22.

L’OAIC s’est engagé dans une diversification de l’origine des blés importés. Ces dernières années, les blés de la mer Noire ont fait une percée sur le marché algérien remarquée au détriment de l’origine France. Sur les neuf premiers mois de la campagne 2022/23, l’organisme public FranceAgriMer comptabilise 1,67 Mt de blé tendre français exporté vers l’Algérie et 1,26 Mt en 2021/22.

La progression des achats de blé russe par l’Algérie s’explique par sa bonne compétitivité. Le différentiel atteignant jusqu’à une trentaine d’euros de moins par tonne par rapport au blé français.

Algérie : des difficultés structurelles

Partout sur la rive Sud de la Méditerranée, les pouvoirs publics se sont engagés dans une politique d’augmentation de la production céréalière : nouvelles variétés en Égypte, utilisation massive du semis direct au Maroc, irrigation et subventions en Algérie.

Dans son entretien avec la presse mercredi 3 mai, le président Abdelmadjid Tebboune a réaffirmé le choix de l’Algérie de développer la culture du blé irrigué au Sahara.

La superficie agricole du pays est estimée à 8,5 millions d’hectares dont 200.000 ha actuellement irrigués au Sud. En 2022, sur les 42 millions de quintaux de céréales récoltés, moins de 2 millions provenaient du Sud. Une région où les rendements en blé peuvent atteindre 70 qx/ha pour une moyenne nationale de 17 qx/ha.

Cette année, les services agricoles prévoient l’attribution de 220.000 hectares de concessions agricoles au Sud. Plus de 3.000 demandes d’attribution auraient été enregistrées sur le site de l’Office de Développement de l’Agriculture Saharienne (ODAS). Des demandes que motivent l’attrait des subventions publiques, l’accès à la terre et à l’eau, mais qu’examinent scrupuleusement les agents de l’ODAS.

L’agriculture au Sud algérien implique une irrigation continue de la culture du blé et du maïs fourrage qui suit. À Menéa comme dans les Nemenchas (Khenchela), des irrigants notent une baisse de la nappe d’eau et réclament l’autorisation d’approfondir leurs forages.

Toutefois, les défis à relever par les services agricoles sont nombreux. D’abord amener plus d’agriculteurs à intensifier la culture des céréales et en finir avec la pratique dénoncée par l’expert agricole Laala Boukhalfa. Une pratique selon laquelle dans la région des Hauts-plateaux des agriculteurs sèment en se disant « si l’année est bonne, on récoltera et sinon on louera les parcelles aux éleveurs de moutons. »

À cela s’ajoute le détournement de blé vers l’élevage du mouton opéré par certaines minoteries. Une fraude au taux d’extraction de la farine dans la mesure où la vente de son de blé sur le marché libre rapporte plus que celle de farine à prix réglementé.

« Il suffit de tamiser du son destiné aux moutons pour s’apercevoir qu’il contient encore une importante proportion de farine » s’insurge Abdelghani Benali, le secrétaire général de la filière céréales.

Sécheresse, concurrence de l’élevage ovin, malversations de certaines minoteries, le chemin vers plus d’autosuffisance en blé sera long.

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