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Séquençage, variants du Covid-19, 3e vague : entretien avec le Pr Djenouhat

Séquençage, variants du Covid-19, 3e vague : entretien avec le Pr Djenouhat

Kamel Djenouhat, professeur en immunologie, chef de service à l’hôpital de Rouiba.

Kamel Djenouhat est Professeur en immunologie, chef de service à l’hôpital de Rouiba dans l’est d’Alger. Il est également président de la Société algérienne d’immunologie. Il n’exclut pas l’arrivée de nouveaux variants du Covid-19 en Algérie.

Le risque d’une troisième vague de la pandémie Covid-19 n’est-il pas possible en Algérie ? 

Nul ne peut prédire l’avenir. La troisième vague est possible. Elle est surtout tributaire de la surveillance de nos frontières. Il est vrai que maintenant on exige une PCR négative (aux voyageurs algériens rapatriés, ndlr), mais il faut savoir que cette PCR négative peut ne pas être suffisante.

Nous ne devons pas nous comparer aux pays occidentaux, où les cas (de contaminations à la Covid-19) se comptent par milliers alors que chez nous c’est la décrue avec un peu plus de 200 cas par jour.

Par conséquent, nous devons être méfiants au niveau de nos frontières en exigeant une PCR négative. Personnellement, je pense qu’il faut aller vers un confinement des personnes qui arrivent au pays. Pourquoi ? Parce que lorsqu’on a une PCR négative si on a contracté le virus, on peut être contagieux pendant les trois à quatre premiers jours.

Je pense qu’il faut confiner pendant 4 à 5 jours et refaire un test antigénique, qui n’est pas vraiment coûteux, s’il est négatif on peut libérer les personnes.

« La troisième vague est possible »

Il y a surtout la crainte par rapport aux nouveaux variants du Covid-19…

Effectivement. Et à ce propos, si le virus rentre à nouveau en Algérie ça sera le nouveau variant qui sévit notamment en Europe. Et s’il arrive chez nous, il sera à l’origine d’une 3e vague de l’épidémie de Covid-19, c’est certain.

Mais ce qu’il faut savoir aussi, c’est qu’on ne réalise pas le séquençage chez nous. Et comme on ne le fait pas chez nous, lors de la deuxième vague (de novembre, ndlr) nous étions face à un variant qui était très contagieux. Malheureusement, faute de séquençage, on ne savait pas ce qu’on avait et s’il s’agissait d’un variant « spécifique » à l’Algérie.

Est-ce normal qu’aujourd’hui l’Algérie ne puisse pas faire le séquençage ?

Non, cela n’est pas normal. En fait, il faudrait poser la question à la Direction de la recherche (du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, ndlr) qui a financé plusieurs séquenceurs qui sont disponibles dans de nombreux laboratoires de recherche dans diverses universités et à l’Institut Pasteur d’Algérie (IPA).

Ces projets doivent être rentables. Je pense que dans cette conjoncture, il faut donner de l’importance à ces études. Néanmoins, ce n’est pas spécifique à l’Algérie, pas mal de pays ne font pas de séquençage, même des pays européens et aussi les États-Unis où l’on fait 0,3 % de séquençage pour les PCR positives.

Le premier pays qui réalise des séquençages de 20 % des PCR positives c’est le Danemark, classé premier pays dans le monde, suivi par l’Angleterre. Pour l’Algérie, on peut séquencer au moins une fois par mois ou bien un séquençage tous les 20 jours.

Cette technique ne demande pas beaucoup de moyens. Ces derniers existent et les ressources humaines sont disponibles. Des collègues chercheurs maîtrisent très bien le séquençage.

« Malheureusement, on ne le saura pas »

Donc, si le ou les nouveaux variants arrivent en Algérie, on ne le saurait pas…

Malheureusement on ne le saura pas. Pourquoi ? Parce qu’il existe des PCR qui amplifient le gène N, le gène E et le gène S. Très peu sont les PCR qui amplifient le gène S. On peut suspecter la variante quand on a à moitié positive : c’est-à-dire qu’elle amplifie le gènes E et N avec le gène S négatif.

En fin de compte, c’est la mutation qui est à l’origine de la disparition de l’amplification de gènes S. Donc, même en effectuant les PCR qui existent chez nous, si le gène S est absent et les autres (N et E) sont là, on peut être presque certain qu’on est face à un nouveau variant.

Cela étant, le virus qui existe en Algérie peut lui aussi muter…  

Bien entendu. On pensait que le variant en Afrique du Sud provenait d’Angleterre, mais en fait non ce n’était pas le cas. Le variant sud-africain s’est révélé différent de celui détecté en Angleterre ainsi que du variant survenu au Brésil. Et croyez-moi, si on commence à multiplier le séquençage dans le monde, on va trouver plusieurs variants.

Venons-en à la vaccination anti-Covid en Algérie. Qu’en pensez-vous ?     

Au début, on était optimiste. On parlait alors beaucoup d’immunité collective, on disait qu’elle allait probablement atteindre un taux de 70 %, mais on n’a pas encore atteint ce seuil par l’infection naturelle.

Par voie de conséquence, la seule solution qui reste c’est la vaccination. La question n’est pas de se dire si on se fait vacciner ou non, mais c’est de savoir si on aura le vaccin le plus tôt possible.

Et c’est là que réside le problème. Malheureusement, on attend toujours (l’arrivée du vaccin) et avec impatience. On fait confiance à nos autorités qui nous ont promis qu’il ne va pas tarder à arriver.

J’espère qu’on l’aura le plus tôt possible et commencer la campagne de vaccination. L’objectif est d’essayer de passer un été « normal ». Pour cela, il faut aussi sensibiliser le citoyen algérien.

Il faut être franc et transparent. On doit expliquer ce qu’est le vaccin, et son intérêt. La vaccination est un acte de solidarité entre les citoyens. Pour cause : on atteindra les 70 % (d’immunité collective) s’il y a beaucoup de réticents au vaccin. Auquel cas, la campagne de vaccination ne servira à rien.

Les vaccins choisis par l’Algérie résistent-ils aux nouveaux variants du Covid-19 ?  

Honnêtement, même les dernières études de ces derniers jours ont montré que l’efficacité diminue vis-à-vis de ces variants mais ils demeurent efficaces avec un degré moindre. À l’exception peut-être du variant en Afrique du Sud qui risque de poser un petit souci de résistance.

C’est pourquoi il faut démarrer vite la vaccination…

Le plus tôt possible. Mais ça va être difficile. On comptait sur le mécanisme Covax de l’OMS, mais apparemment même l’Organisation mondiale de la santé trouve beaucoup de difficultés pour acquérir les vaccins.

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