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Sid Ahmed Ghozali : « Il y a une manière de braquer tous les projecteurs sur un homme »

Sid Ahmed Ghozali : « Il y a une manière de braquer tous les projecteurs sur un homme »

lematindz.net

Dans une interview accordée au Point Afrique, l’ex-Premier ministre (1991-1992) Sid Ahmed Ghozali, considère que le pouvoir reproduit les mêmes erreurs que dans les années 1980. « Faute d’un diagnostic sérieux, on chercherait en vain une ligne politique dans des choix qui ne peuvent constituer alors qu’un bric-à-brac de tâtonnements brouillons et improvisés ».

« Mal gouvernance »

Alors que le gouvernement rappelle régulièrement que la situation économique actuelle est le résultat de la chute des prix du pétrole depuis mi-2014, l’ex-chef de gouvernement considère qu’elle n’a pourtant « fait que mettre à nu une réalité bien plus étendue que la conjoncture ». « Il s’agit d’un mal profond qui résulte bel et bien d’une mal-gouvernance, laquelle a pour cause l’obsession du pouvoir pour le pouvoir, au détriment des préoccupations et aspirations légitimes des populations ».

Dans un contexte où plusieurs personnalités politiques et partis ont appelé à la destitution du président Bouteflika, Sid Ahmed Ghozali refuse de considérer qu’il « serait à lui seul la cause de nos difficultés ». « Nous assistons depuis une dizaine d’années à une manière de braquer tous les projecteurs sur un homme, comme si c’était pour le désigner comme étant le seul responsable, comme si on concoctait dans quelques officines la préparation d’un bouc-émissaire à offrir en pâture à la rue, dans l’éventualité où celle-ci se mettrait à bouger ».

Planche à billets : « légalisation » d’une pratique déjà existante 

Interrogé sur le recours à la planche à billets, l’ancien chef de gouvernement  juge qu’elle est présentée comme « une solution immédiate » à un « problème qui s’est constitué sur des décennie ». En outre, il rappelle qu’elle « fonctionne déjà, depuis plus de dix ans » et qu’elle n’est que « la légalisation d’une pratique existante depuis plus de quinze ans, non formalisée, certes, mais tacitement consacrée ».

Sinon, ajoute Sid Ahmed Ghozali, « d’où est provenue la dépréciation du dinar (par rapport au dollar ou à l’euro), qui aura été d’un tiers sur la base du taux affiché par la Banque d’Algérie et de plus de 50 % dans le marché réel ? L’évolution des prix des tomates (200 DA/kg), de la pomme de terre, du raisin (500 DA/kg), etc. entre 2000 et 2017 montre une érosion au moins équivalente en matière de pouvoir d’achat des couches sociales démunies ».

Le gaz de schiste, « une autre fumisterie » 

Il se montre également très critique sur l’exploitation des hydrocarbures de schiste dans le pays. « L’annonce relative au gaz de schiste est une autre fumisterie présentée comme une sorte de deuxième idée « de génie », qui serait propre à compenser les pertes de revenus pétroliers. Or, dans l’état actuel de nos connaissances, nous sommes bien loin d’avoir accumulé des données déterminantes relativement aux conditions sine qua non qui président à une exploitation des gaz et pétrole de schiste : une masse critique des réserves exploitables et une garantie crédible contre les risques de détérioration des nappes d’eau fossile (nappes albiennes) ».

Gâchis 

Pour Sid Ahmed Ghozali, qui a également occupé les fonctions de ministre des Finances et de patron de la Sonatrach, la situation économique actuelle est un énorme gâchis, qui rappelle un scénario connu par l’Algérie il y a trente ans.

« Ce qui s’est passé en Algérie durant ces dix-sept dernières années est un copier-coller de ce qui s’est passé à la fin des années 1970 jusqu’aux événements d’octobre 1988 (qui ont provoqué l’effondrement du parti unique). Le successeur de feu Houari Boumediene avait inauguré son mandat avec un prix de baril à 12,35 dollars. Pour cause de révolution iranienne, le prix s’est envolé en deux mois de 12 à 19 dollars et en six mois de 19 à 25 dollars, jusqu’à atteindre les 43 dollars en 1980. Grisé par une sorte d’euphorie financière, le gouvernement a remboursé les emprunts extérieurs par anticipation, pour pouvoir claironner urbi et orbi « nous avons remboursé la dette que nous a laissée Boumediene ».

« À trente ans de distance, nous avons reproduit à l’identique le scénario des années 80 oubliant où nous a conduits ce dernier en octobre 1988 (émeutes). Après 1 000 milliards de dollars récoltés en dix-sept ans (contre 25 milliards de 1962 à 1978), nous en sommes arrivés à ne pas trouver mieux qu’une miraculeuse planche à billets et l’hypothétique gaz de schiste pour prétendre nous en sortir du grand gâchis que nous a valu la mauvaise gouvernance », estime l’ex-chef de gouvernement dans cette interview.

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