Économie

Situation économique : l’Algérie est « dans le rouge »

Les alertes sur la situation inquiétante de l’économie nationale se multiplient. Après les patrons du secteur public hier, c’est au tour de l’économiste Youcef Bouabdallah de tirer une énième fois l’alarme.

« Le ministre de l’Énergie a déclaré que 60% des réserves (en hydrocarbures du pays) ont été épuisées. On se retrouve avec un pays qui a complètement raté son industrialisation -alors qu’elle était le premier point de la stratégie des années 1960 et 1970-, qui a épuisé ses réserves ou qui sont en voie de l’être. Si on continue comme cela, dans dix ans le pays se retrouvera à genoux », a prévenu le professeur ce mardi matin sur la Chaîne III de la Radio nationale.

M. Bouabdallah estime que ce qui se dit actuellement sur les réserves de change et le pétrole sont deux éléments d’un « faux-débat », et préconise de passer « à autre chose » notamment comment produire de la richesse sans le pétrole et sans les réserves de change. « C’est le chantier dur, difficile et douloureux qui attend les prochains gouvernants et le peuple algérien », fait-il observer.

Selon cet expert, il y a une véritable urgence d’aller vers des réformes, qui doivent faire l’objet d’un consensus de l’ensemble des acteurs de la société.

« Jusque-là, le consensus qui a été obtenu avec facilité ça a été le consensus rentier, grâce à la large distribution de la rente pétrolière », fait-il remarquer. « Aujourd’hui, l’État est en panne sur le plan financier, ce qui signifie une panne générale puisque toute l’économie est dans le même état », souligne M. Bouabdallah qui précise que le pays est « dans le rouge ».

« Il y a 4 ou 5 ans, j’ai soutenu qu’on était encore dans le vert, qu’on pouvait entreprendre des réformes. Or, jusqu’à aujourd’hui, aucune réforme n’a été entreprise », déplore-t-il.

Selon M. Bouabdallah, les gouvernants ont de tout temps fait croire que le pays était riche. « On a de tout temps été pauvre. C’était l’argent dont disposait la nation, soit sous forme de réserves de change soit dans le Fonds de régulation des recettes qui aveuglait les Algériens et ceux qui nous dirigent sur l’état réel de l’économie nationale. Notre économie s’est appauvrie depuis très longtemps alors qu’elle manifestait des apparences de richesses », détaille l’économiste.

Il appelle du coup à tenir un discours de vérité, de construire et d’établir les équilibres financiers « à partir de cette vérité ».

Abordant les récentes mesures dans le projet de Loi de finance 2020, notamment la levée de la règle 51/49 pour attirer les IDE (investissements directs étrangers), M. Bouabdallah récuse l’idée que le salut du pays se trouve dans ces IDE.

« C’est naïf. Quand on regarde l’histoire des pays qui ont émergé (Chine, Corée du Sud, Japon) on se rend compte que les IDE ont été bien encadrés par les politiques nationales. Les IDE ne viennent pas chez nous pour nous faire plaisir. Ils viennent pour faire du business, ce qui est tout à fait normal. À ceux qui les accueillent de le faire avec une stratégie de gagnant-gagnant. Nous ne sommes pas encore dans cette démarche », soutient-il.

De plus, ajoute-t-il, les IDE vont dans les pays « où il y a réellement de la croissance et de la richesse à partager », ce qui, selon l’expert, n’est pas le cas de l’Algérie.

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