Face à la presse, lundi 30 avril, le PDG de Sonatrach a tenté de vendre une belle image de la compagnie qu’il dirige depuis une année. C’est de bonne guerre dans un contexte où la première entreprise du pays n’est pas toujours citée pour ses exploits sur le marché ni pour la qualité de son management, les multiples scandales qui l’ont éclaboussée ces dernières années ayant presque tout éclipsé.
D’ailleurs, c’est sur les perspectives de développement et d’expansion des activités de Sonatrach que s’est articulée la conférence de presse de Abdelmoumène Ould Kadour, visiblement préparée de longue date. C’est louable de vouloir voir plus grand, sauf que l’ambition telle que dévoilée à la même occasion parait au mieux démesurée, au pire farfelue : faire entrer Sonatrach dans le top cinq des plus grandes compagnies pétrolières mondiales.
Le programme est pompeusement appelé « SH2030 » et son objectif est de faire de Sonatrach une « Leading compagnie pétrolière ». Concrètement, rapprocher ses performances de celles de géants comme Anadarko, BP, Aramko qui réalisent chacun des centaines de milliards de dollars de chiffre d’affaires par an. Et « ce n’est pas un rêve, mais une réalité », insiste Ould Kadour.
Ce dernier n’a rien détaillé de son ambitieux projet, ni même précisé dans quel segment il compte faire de son entreprise un géant mondial : production, exportations, réserves, chiffre d’affaires ou capitalisation boursière ? C’est sur l’un de ces critères que se font les classements établis régulièrement par les cabinets spécialisés et jamais Sonatrach n’a fait figure de mastodonte à cette échelle, ni même d’outsider.
Que ce soit en réserves avérées, en exportations ou en production, la compagnie nationale est loin derrière les groupes américains, européens, du golfe et maintenant chinois. Ses quelques dizaines milliards de dollars de recettes ne pèsent presque rien devant les 480 milliards de Saudi Aramco. Même dans le faste des années du baril à 140 dollars, la cagnotte de la compagnie algérienne dépassait à peine les 80 milliards de dollars. Son classement oscille donc logiquement entre la 12e la 16e place. Entrer dans le top cinq, c’est faire au moins autant sinon plus que les 330 milliards de dollars de la compagnie chinoise Petro-China, cinquième en 2015.
Une embellie des prix ne changera rien au classement étant donné qu’elle se répercutera de la même manière sur la santé financière de toutes les compagnies, de même qu’on voit mal la compagnie nationale intensifier la diversification de ses activités, les expériences tentées jusque-là n’ayant pas été des francs succès, comme celle de se lancer dans le transport aérien, avec Tassili Airlines. Quant aux énergies renouvelables, envisagées comme une véritable alternative et un relais de croissance par les plus grandes compagnies mondiales, Ould Kadour n’y a même pas fait allusion lors de sa conférence de presse.
Faire le grand écart suppose donc une hausse fulgurante de la production. Mais le premier responsable de Sonatrach n’a pas expliqué comment il comptait s’y prendre pour quadrupler ou quintupler le volume extrait, où compte-t-il trouver les investissements nécessaires et surtout comment contourner la limitation des quotas de production par l’Opep. Un objectif d’autant plus discutable qu’il est censé être atteint vers 2030, soit précisément à une période où les réserves algériennes entreront en phase de déclin, selon les prévisions des experts.
« Le secteur des hydrocarbures, de par sa complexité technique et technologique et son caractère sensible, requiert pour l’ensemble des segments de la chaîne pétrolière et gazière une transformation afin de se conformer aux normes internationales et améliorer ses performances en matière de production, de revenus, de coûts, de délais et de qualité de service », a expliqué le PDG de Sonatrach.
M. Ould Kadour compte donc sur « une révolution managériale » qui, hélas, risque de ne pas être suffisante au vu des capacités techniques, financières et humaines de Sonatrach, de celles des entreprises qu’elle ambitionne de détrôner et des données actuelles de l’économie mondiale et ses perspectives.
Son PDG a au moins raison sur ce point, la compagnie nationale a besoin d’une véritable révolution managériale. Des scandales de corruption à répétition, des soupçons de passe-droit dans le recrutement, climat délétère au sein des travailleurs, des tiraillements entre dirigeants, anciens ou en poste, l’image que renvoie la première entreprise du pays n’est pas reluisante et même la plus ficelée des opérations de com’ ne peut être d’aucune utilité. Surtout lorsqu’elle a été perturbée par l’irruption d’une employée pour crier son désarroi à la face du PDG et de l’opinion publique…