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Soudan, Irak, Égypte : la seconde vague des « printemps arabes »

Le monde arabe est-il en train de vivre le deuxième acte de son « printemps » ? Sept années après les révoltes qui avaient emporté Kadhafi en Libye, Moubarak en Egypte, Benali en Tunisie et Abdallah Salah au Yémen et fait vaciller le règne des Assad en Syrie, de nombreux régimes arabes font de nouveau face à la contestation politique.

A la différence que, cette fois, on n’assiste pas à une vague simultanée, mais à des soulèvements espacés dans le temps, aux revendications spécifiques à chaque pays et avec des retombées qui ne sont pas partout les mêmes.

Au Soudan, la contestation a duré neuf mois, entre décembre et août derniers. Elle a débouché sur la fin du règne du président El Bachir et un accord qui devrait, s’il n’est pas remis en cause, permettre à terme la démocratisation du pays. Des dizaines de morts sont néanmoins à déplorer.

Le vent de la révolte a atteint l’Egypte en septembre puis l’Irak en ce début octobre. En Egypte, le maréchal Al Sissi, qui a fait taire toutes les voix discordantes depuis qu’il a renversé le président Mohamed Morsi en 2013, n’a rien vu venir. Élu président en 2014, il s’est taillé une Constitution sur mesure en avril dernier pour pouvoir théoriquement garder le pouvoir jusqu’en 2030.

Lorsqu’un homme d’affaires exilé avait lancé des appels à manifester contre le régime et la corruption qu’il a générée, personne sans doute ne l’avait pris au sérieux. Mais le 20 septembre au soir, les Égyptiens sont sortis dans la rue au Caire, à Alexandrie et dans d’autres villes. Les forces de l’ordre n’ont pas tiré sur la foule, mais les arrestations se comptent par milliers. Trois semaines après, le feu ne prend toujours pas, mais il n’est pas totalement éteint, amenant le président à annoncer une série de mesures sociales, à défaut de lâcher du lest sur le plan des libertés.

Paradoxalement, c’est en Irak, où il y a plus qu’un semblant de démocratie et de vie parlementaire, que la réponse la plus violente a été réservée à la contestation. Couvre-feu, blocage d’Internet et tirs à balles réelles sur les manifestants. Bilan, plus d’une centaine de morts, des milliers de blessés en seulement trois jours.

Les émeutes ont éclaté mardi dernier à Bagdad et dans d’autres villes pour réclamer plus de travail et moins de corruption, mais les mots d’ordre ont vite débordé sur des revendications plus politiques, dont la démission du Premier ministre. Un Premier ministre, faut-il le souligner encore, issu de la majorité parlementaire, donc démocratiquement élu.

Comme la révolte surprise des Égyptiens qui a mis à nu les limites de la « stabilisation autoritaire », sans doute voulue et encouragée par les puissances occidentales au nom de la lutte contre le terrorisme et la migration clandestine, le drame qui se joue en Irak rappelle une autre vérité, à savoir que la démocratie ne se décrète pas et surtout ne se limite pas à organiser des élections régulièrement, fussent-elles honnêtes et transparentes. Il rappelle que la liberté dont ont soif les peuples de la région ne peut être savourée qu’avec une justice sociale véritable, un minimum de commodités pour tous.

L’Irak et la Tunisie sont les rares démocraties du monde arabe -du moins ce sont les seuls pays où les résultats des élections ne sont pas connus à l’avance. Mais la similitude ne s’arrête pas là : les gouvernements successifs, depuis le milieu des années 2000 pour l’Irak et depuis 2012 pour la Tunisie, ont fait face à de grandes difficultés économiques et ont eu à gérer des émeutes du pain.

L’illustration de la désillusion des populations est livrée par la présidentielle tunisienne dont le second tour est prévu dans quelques jours. Au premier tour, seuls 45% des électeurs se sont rendus aux urnes et ceux qui ont voté ont donné leur voix à des candidats considérés comme des « antisystème ».

A Tunis et partout ailleurs, on a un peu trop vite oublié que la révolte qui avait mis fin au règne de Benali et déclenché la première vague des printemps arabes avait pour origine le drame d’un jeune marchand de légumes.

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