Un rapport sur l’"entrisme" des Frères musulmans en France a fait l’objet d’un conseil de défense tenu mercredi 21 mai autour du président Emmanuel Macron. Beaucoup de voix en France ont mis en garde contre le risque de l’aggravation de la stigmatisation des musulmans suite à ce rapport rédigé par les services du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.
Dans une longue tribune publiée sur Mediapart, Yazid Sabeg, ancien commissaire à la diversité et à l’égalité des chances sous Nicolas Sarkozy, évoque un "moment de bascule", "un moment de rupture« , et appelle à une »riposte« et une »contre-offensive" de tous les intellectuels de ce pays.
Pour Sabeg, d’origine algérienne, ce "rapport Retailleau« est »le texte de trop« et »ce n’est pas un événement isolé« . »C’est le fruit d’une longue dérive. Une dérive vers un État spectral, hanté en plus par le fantasme de l’ennemi intérieur« , écrit-il, dénonçant un texte qui »ne nomme pas des faits, mais une intention ; ne démontre rien, mais insinue tout".
L’industriel franco-algérien ose même des comparaisons avec certains épisodes sombres de l’Histoire, comme la stigmatisation des juifs dans l’Europe des années 1930 ou encore des Japonais dans les États-Unis des années 1940.
L’appel de Yazid Sabeg
Qualifiant le conseil de défense présidé par Emmanuel Macron de "théâtre à la hauteur de l’absurde" et de "mise en scène paranoïaque« , Yazid Sabeg estime qu’ »il y a peu à attendre pour déjouer le piège de cette ruse de l’histoire« d’une classe politique »complexée et dépassée« , à l’exception de »quelques figures nationales ou de la gauche insoumise".
Pour lui, ce qu’il faut, c’est une "riposte intellectuelle, juridique et symbolique« . »Une contre-offensive intellectuelle", insiste-t-il, appelant à convoquer les historiens, les juristes, les philosophes, les chercheurs et à produire des textes, des tribunes, des colloques, des éditions critiques. Il faut aussi, selon lui, rappeler les précédents historiques, y compris la guerre d’Algérie et les recensements coloniaux.
Les grandes institutions savantes, comme le Collège de France, l’ENS, les facultés de droit ou les instituts de recherche, prennent position et que les magistrats, les avocats, les hauts fonctionnaires "non soumis« , les universitaires, les écrivains, les penseurs, »fassent bloc« , estime Yazid Sabeg, avec l’idée de »retourner la langue contre ses auteurs« et »utiliser la rigueur contre la bouillie".
Pour l’ancien conseiller à la diversité, l’ennemi de la République "c’est celui qui, au nom d’elle, en dévoie le sens" et non pas un imam conférencier, une enseignante en d’histoire-géographie, une cheffe de service d’un hôpital public ou un élu associatif à prénom arabe.