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Succès du « Poulet Vert » en Algérie

Succès du « Poulet Vert » en Algérie

Depuis quelques semaines, plusieurs boucheries proposent aux consommateurs algériens du « Poulet Vert ». Bien que vendu 50 DA plus cher que les poulets ordinaires, ce produit sans antibiotiques rencontre progressivement son public. L’Association de Protection et d’Orientation du Consommateur et de son Environnement (Apoce) soutient l’initiative.

Sur les étals des bouchers, le Poulet Vert est présenté en barquette sous film plastique transparent ou en morceaux emballés sous vide.

C’est le 15 novembre dernier que le laboratoire français Biodevas et son partenaire algérien Plantaxion, ont annoncé le lancement du programme Poulet Vert en Algérie. Il s’agit de la première filière « sans antibiotiques » en Algérie menée de concert avec le groupe Khider, l’un des leaders algériens de l’élevage avicole.

À l’occasion de ce lancement, une centaine de représentants de la filière avicole avaient été invités à l’hôtel Sofitel d’Alger pour s’informer des alternatives permettant de réduire l’usage des antibiotiques.

Pour Plantaxion : « La stratégie de nos produits, aussi bien à travers l’aliment, que l’eau de boisson, a prouvé l’efficacité de notre approche pour l’élevage conventionnel en Algérie ».

À travers le monde, l’utilisation d’antibiotiques en aviculture progresse, c’est aussi le cas en Algérie. Ces molécules visent généralement l’éradication d’une infection, mais à cet usage thérapeutique est venu s’ajouter une utilisation comme facteur de croissance. L’emploi d’antibiotiques dans l’aliment des volailles améliore, en effet, la prise de poids. Mais cet usage a été interdit dès 2006 en Europe.

En novembre 2022, l’Apoce a dénoncé la présence de résidus d’antibiotiques dans la viande de poulet. En mars de cette année, le docteur vétérinaire, Goucem Rachid indiquait sur le site Internet de l’École Nationale Supérieure Vétérinaire d’Alger qu’un abus d’antibiotiques est dangereux pour la santé humaine.

« On craint de plus en plus que le recours aux antimicrobiens en médecine vétérinaire et pour les besoins de l’élevage ne se répercute sur la santé humaine en cas de développement de bactéries résistantes chez les animaux et de leur transmission à l’homme par la chaîne alimentaire ou l’environnement. »

On comprend que dans ces conditions, l’Apoce soutient la production du Poulet Vert, un poulet qui se caractérise par un élevage dans les meilleures conditions sanitaires possibles, un poulet « sans antibiotiques » comme l’indique une affichette promotionnelle de cette association.

Sur l’emballage des poulets figure l’allégation « sans antibiotiques ». À proximité est dessiné un moulin à grains, censé rappeler une ambiance champêtre, bien que le produit soit issu d’un élevage industriel.

Algérie : Poulet vert, une initiative du groupe Khider

Que l’initiative vienne du groupe Khider n’est pas surprenante. Au-delà de sa position de leader local de la filière, ce groupe maîtrise, depuis 2004, des opérations complexes comme l’insémination artificielle chez la dinde. Une production qui exige le respect de normes drastiques d’hygiène et qui a fait que le sérieux de cette entreprise familiale ait pu séduire des partenaires étrangers de haut rang.

La réduction de l’usage des antibiotiques dans l’élevage de poulets exige des préalables : hygiène stricte, qualité de l’alimentation et contrôle de l’ambiance des bâtiments d’élevage. Des conditions que le groupe Khider a progressivement maîtrisé au cours de son développement.

Le groupe est né dans les années 1970 de l’initiative d’Abdelkader Khider d’élever des poulets. À Staoueli (Alger), il commence avec 200 poussins.

Par manque de place, il finit par quitter Alger pour Aïn Oussara. Puis, c’est à Médéa qu’il s’installe également pour élever 2.000 poulets de chair puis passer à des bandes de 5.000. Viennent ensuite un élevage de poules pondeuses puis de dindes.

Il décide alors de se lancer dans la reproduction des poulets de chair et s’équipe d’un couvoir. Pour réduire ses coûts, il développe une unité de fabrication d’aliments pour volaille. Il visite de façon assidue des élevages en France et applique à ses installations les règles strictes d’hygiène vues à l’étranger : pédiluves à l’entrée des bâtiments, combinaisons, douches pour le personnel et maîtrise de l’ambiance des bâtiments.

Généraliser le Poulet Vert en Algérie ?

L’apparition de la marque Poulet Vert amène des consommateurs à se demander « s’il existe des poulets rouges ». À travers des analyses pointues sur tout le territoire national, l’Institut Pasteur d’Algérie veille à tout éventuel risque de développement d’antibiorésistances. Chaque année, l’Institut met en ligne un compte-rendu détaillé de ses analyses.

Cependant, l’usage des antibiotiques dans les élevages avicoles en Algérie reste préoccupant. Un usage dont l’effet vient au secours de pratiques d’élevage insuffisamment maîtrisées.

Pour Goucem Rachid, « cet effet est principalement observé dans des élevages avec un niveau d’hygiène précaire et tend à diminuer avec l’amélioration des conditions sanitaires ».

L’explication réside dans le manque de formation des aviculteurs quant aux normes d’hygiène particulièrement strictes que requiert ce type d’activité. Le docteur vétérinaire Aloui Nadir, expert en hygiène avicole, n’hésite pas à employer le terme de « biosécurité » en la matière.

En 2022, dans un bilan de la filière avicole, Kaci Ahcène de l’École Nationale Supérieure d’agronomie (Ensa) d’El Harrach notait « beaucoup de choses restent à faire telles que l’adaptation des mesures de biosécurité et des bâtiments d’élevage ».

Comment appliquer des règles d’hygiène strictes lorsque, à la place de bâtiments en dur, de nombreux aviculteurs utilisent des serres tunnel au sol en terre battue et aux parois en film plastique ?

Entre deux bandes de poulet, durant le vide sanitaire, un nettoyage des surfaces et leur désinfection est indispensable. Il en est de même des mangeoires, abreuvoirs et canalisations d’eau.

Les volailles consommant deux fois plus d’eau que d’aliments, celle-ci se doit d’être indemne de germes. Réduire les antibiotiques, c’est également s’assurer que les poulets aient assez de place et que leurs déjections ne soient pas la cause d’une humidité permanente de la litière. C’est également réduire le stress des animaux réunis par milliers dans un même bâtiment.

Dans son bilan, Kaci Ahcène déplore « l’absence de maîtrise des conditions d’ambiance dans les bâtiments dont le climat ainsi que les équipements ne permettent pas d’extérioriser leur potentiel génétique ».

Poulet Vert, une mesure salutaire

L’initiative Poulet Vert du groupe Khider est salutaire, elle marque la volonté d’opérer un tournant qualitatif de la production de volailles en Algérie. Quant au soutien de l’Apoce, il montre la diversité des actions utilisées par les associations de consommateurs. Rappelons qu’en 2021, des associations avaient lancé un appel au boycott de la viande de poulet qui s’était traduit par une baisse des prix.

Reste à réunir les moyens de formation des aviculteurs à la notion de biosécurité et l’aide à la mise en conformité de leurs bâtiments d’élevage.

Pour la filière avicole algérienne, il s’agit d’un nouveau défi qui implique de faire dialoguer éleveurs, administrations et vétérinaires. Nul doute que l’apparition d’importants opérateurs privés au sein de la filière pourrait y contribuer.

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