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Syrie : la victoire finale en vue pour Bachar al-Assad, mais à quel prix ?

Syrie : la victoire finale en vue pour Bachar al-Assad, mais à quel prix ?

Source: RFI

L’armée syrienne a annoncé ce samedi avoir brisé le siège du groupe État islamique (Daech) sur l’aéroport militaire de Deir Ezzor, à l’est de la Syrie, rapporte l’AFP. « Des unités de l’armée syrienne, en coopération avec les forces alliées, ont brisé le siège de l’aéroport militaire » et des quartiers attenants, a annoncé l’agence officielle Sana. « En brisant le siège de l’aéroport militaire, les forces du régime ont pu lier (ce secteur) aux quartiers gouvernementaux dans l’ouest de Deir Ezzor », a pour sa part indiqué l’Observatoire syrien des droits de l’Homme.

Le régime contrôle la plus grande partie du territoire 

La perspective de la reprise de la ville de Deir Ezzor permet au régime syrien de Bachar al-Assad de prendre une option sur la victoire finale dans la guerre syrienne qui mine le pays depuis six ans, expliquent des experts qui estiment cependant que le président syrien se retrouvera à la tête d’un pays en ruines.

Le président syrien contrôle en effet désormais « la plus grande partie du territoire », ainsi que les zones « les plus peuplées », « et je pense qu’il va continuer à diriger la plus grande partie de la Syrie », a indiqué Aron Lund, expert de la Syrie à la Century Fondation. « La guerre se poursuit mais, stratégiquement, il a défait ceux qui pensaient le déposer et, sauf imprévus, je pense que le gouvernement syrien va reprendre le territoire tranche par tranche », a estimé l’expert.

La victoire finale en perspective de l’armée syrienne a été rendue possible par le soutien salutaire de la Russie et de l’Iran, dont l’appui décisif a permis de reprendre la ville de Deir Ezzor des mains de Daech, quelques mois après avoir repris le contrôle d’Alep (nord) et s’être emparé de larges secteurs dans le désert du sud-est. Le régime d’al-Assad contrôle désormais plus de la moitié du territoire, représentant les deux-tiers de la population de Syrie, évaluée actuellement à environ 16 millions, selon les chiffres fournis par le géographe Fabrice Balanche. Les Kurdes contrôlent 23% du pays, tandis que l’État islamique et les rebelles islamistes contrôlent respectivement 15% et 12%.

Un état de fait qui a poussé l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, à affirmer que l’opposition syrienne devait accepter qu’elle n’avait « pas gagné la guerre ». « Est-ce que le gouvernement, après la libération de Deir Ezzor et de Raqqa, sera prêt à négocier et à ne pas simplement crier victoire ? Est-ce que l’opposition sera capable […] d’être assez réaliste pour réaliser qu’elle n’a pas gagné la guerre ? », a déclaré l’émissaire onusien.

Fragilité du pouvoir

« Je ne sais pas s’il va gagner la guerre, mais il a certainement retrouvé son allant », a estimé Maha Yahya, directrice du Centre Moyen-Orient de Carnegie. « Mais, franchement, il regagne le contrôle d’un pays complètement détruit. Je ne sais pas ce que gagner la guerre signifie dans ce contexte », a-t-elle cependant noté.

Des experts ont également souligné la fragilité du pouvoir dans un pays profondément divisé. « Assad restera longtemps […] mais avec une forte probabilité que persistent des insurrections armées endémiques, pas directement menaçantes pour le pouvoir central mais structurellement menaçantes pour un régime dont les faiblesses -économiques, démographiques, institutionnelles- restent importantes », a expliqué Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie à l’université d’Édimbourg.

Grâce aux victoires du régime Assad, « il va y avoir une relative éclaircie économique d’environ 18 mois-deux ans, car l’électricité va être réparée par endroits, l’extraction du pétrole et du gaz va pouvoir reprendre », a indiqué Jihad Yazigi, directeur de The Syria Report, l’hebdomadaire économique en ligne sur la Syrie. Mais, « en l’état actuel, je ne pense pas qu’il va y avoir une reconstruction », explique-t-il.

Yazigi chiffre cette reconstruction à « 200 milliards de dollars », tandis que la totalité des actifs des 12 banques syriennes s’élève à 3.5 milliards de dollars seulement. En outre, « ceux qui peuvent financer cette reconstruction comme les pays du Golfe, l’Union européenne, la Banque mondiale, n’ont pas l’intention de le faire », estime Jihad Yazigi. Ces derniers refuseront, selon lui, d’aider un régime dont ils ont souhaité le départ et qu’ils accusent d’avoir commis des atrocités, notamment d’avoir gazé sa population, comme l’affirme le dernier rapport de l’ONU.

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