Économie

Tebboune à la Laiterie Soummam : « Vous êtes une locomotive »

Lors de l’inauguration de la Foire de la production nationale d’Alger mardi 13 décembre, le président Tebboune s’est longuement arrêté devant le pavillon de la laiterie Soummam.

Le chef de l’État a assuré cette entreprise du soutien de l’État, n’hésitant pas à la montrer en exemple. « Vous êtes une locomotive », a lancé au responsable de la Laiterie Soummam qui lui présentait le projet de l’entreprise dans la production du lait de vache. Mais le président Tebboune a demandé d’utiliser moins de poudre de lait.

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Les importations de l’Algérie de poudre de lait atteignent annuellement 1,4 milliard de dollars. Des montants qui constituent un fardeau pour les finances publiques. La politique du ministère de l’Agriculture et du Développement rural est donc de promouvoir la production locale.

Lounis Hamitouche, PDG des laiteries Soummam, étant absent, c’est un cadre de l’entreprise qui a accueilli le chef de l’État.

Le mérite de la Laiterie Soummam

Ce cadre a rappelé que la stratégie initiale de l’entreprise familiale basée à Akbou (Bejaia) consistait à transformer le lait en produits dérivés. Mais face au manque de lait frais, l’objectif actuel est également d’accorder une aide aux éleveurs.

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Le président Tebboune a répondu en indiquant que le lait est un produit de base, un « produit universel » et que la Laiterie Soummam avait du mérite pour sa contribution à la production nationale. Concernant la poudre de lait, il a ajouté : « Nous devons la laisser pour la consommation du citoyen sous forme de lait », précisant à propos des industries laitières : « Je pense qu’une industrie comme celle-là n’a pas besoin de poudre de lait ».

Laiterie Soummam : 16.000 vaches laitières

Le président Tebboune s’est ainsi félicité des 16 000 vaches laitières produisant du lait pour la Laiterie Soummam. Son représentant a parlé d’un taux d’intégration de 25 % de lait frais. Cependant, le président Tebboune a souhaité que l’utilisation de la poudre de lait soit diminuée.

« C’est ce que nous essayons de faire », a répondu le représentant de la Laiterie Soummam : « Les capacités journalières de stockage de lait frais au niveau de la laiterie sont de 1,2 million de litres. Nous aidons le fellah pour qu’à l’avenir il se développe ».

La laiterie Soummam a investi dans 7 fermes en Algérie : « Ce sont nos fermes, des fermes modèles avec une technologie moderne. Et nous offrons tous les moyens pour que les agriculteurs de ces régions produisent de la même façon ».

Laiterie Soummam : « Vous êtes une locomotive »

Ce à quoi le président Tebboune a répondu : « Je sais, je sais. Je suis ce dossier. Vous êtes une locomotive, il faut le rester », insistant sur le fait qu’il ne s’agit pas de se décourager, il a rappelé que les prix des produits laitiers sont libres.

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« Le consommateur algérien a le droit au fromage, au Camembert, au yaourt. Mais la poudre de lait, on l’utilise pour les produits à prix subventionnés, donc faites attention, essayez de diminuer un peu », a insisté Abdelmadjid Tebboune.

« C’est ce qu’on essaye de faire, le taux d’intégration on essaye de le relever Inch’Allah », a assuré le représentant de la laiterie Soummam.

Un projet d’une ferme de 12.000 vaches

Se tournant vers le ministre de l’Agriculture, le chef de l’État a annoncé que  le ministère de l’Agriculture est en « discussion avec des investisseurs du Proche-Orient pour développer des fermes de 10.000 à 12.000 vaches » en Algérie.

« Si vous voulez vous intégrer à ce type de projets, cela est possible », a indiqué le président Abdelmadjid Tebboune ajoutant en s’adressant au ministre : « Si vous voulez un terrain à Adrar, à Ménéa ou à Aïn Salah, donnez-leur tout de suite. Je préfère qu’il bénéficie d’une concession et que le sol produise et qu’il mette en valeur la terre et produise du lait au lieu d’utiliser la poudre de lait ».

Confiant, le président Tebboune a proposé : « Reprenez votre dossier pour voir combien vous avez besoin de superficie. Sachant qu’une vache a besoin d’un hectare, si vous devez élever 10.000 vaches, demandez 10.000 hectares ». Ajoutant : « C’est sans problème. Moi, je vous assure que vous les aurez ». C’est sur ces mots qu’il a conclu l’entretien.

« Certains se sont mariés, d’autres partis en pèlerinage »

Les difficultés de collecte de lait frais de la Laiterie Soummam ne sont pas nouvelles. Lors de la précédente foire de la production nationale en décembre 2021, le patron de cette laiterie en avait fait part au premier ministre Aïmene Benabderrahmane.

À cette occasion, il avait fait d’étonnantes révélations. « Nous avons distribué 15.000 vaches à des agriculteurs. La moitié a été vendue. Certains se sont mariés (avec l’argent de la vente), d’autres sont partis en pèlerinage ».

En 2021, au niveau de la Laiterie Soummam, la collecte de lait frais est passée de 700.000 litres à 400 000 litres. La cause principale revient à la hausse des prix des fourrages. De nombreux élevages ne possèdent pas l’assiette foncière suffisante à la production de fourrages.

Pourtant, Tizi Ouzou reste un important bassin laitier en Algérie. En 2018, la seule commune d’Imaloucène, au nord-est de Tizi Ouzou, produisait plus de 4,5 millions de litres de lait par an. Les éleveurs de ce village, rendu célèbre pour sa fête du lait, approvisionnent les laiteries Soummam et Danone Algérie.

Un manque d’autonomie fourragère des élevages

Dès 2009, co-auteur d’une étude sur l’autonomie alimentaire des exploitations laitières dans la région de Tizi-Ouzou, l’universitaire Si Ammar KADI alertait sur la situation de dépendance des exploitations.

L’explication étant à rechercher « dans la faiblesse de la sole fourragère et le niveau de consommation élevé de concentrés ». La crise ukrainienne a renchérit le prix du maïs et du soja aussi l’augmentation actuelle du prix des fourrages et des aliments concentrés risque de sonner le glas de ce type d’élevage familial. Nombre d’éleveurs disent ne plus y arriver. La situation est identique en Tunisie et au Maroc où les autorités ont dû interdire l’abattage des vaches laitières.

Miser sur l’eau des nappes souterraines

Face au manque de fourrage, les services agricoles subventionnent actuellement leur production. Depuis quelques années se développe au sud du pays une véritable révolution fourragère.

Des investisseurs produisent aujourd’hui, sous irrigation continue, du maïs fourrager conservé par enrubannage. Sur les routes, aux traditionnels transports de bottes de paille, sont venus s’ajouter des camions semi-remorques en provenance de Ménéa chargés de balles enrubannées.

Le président Tebboune a indiqué que pour chaque vache laitière, les investisseurs au sud doivent compter sur un hectare de surface de terre. À cela, il faut ajouter l’eau d’irrigation nécessaire à la production du fourrage.

Selon l’université Twente aux Pays-Bas, il faut 1.000 litres d’eau pour produire un litre de lait. Assurer aux consommateurs algériens du lait, des fromages et yaourts demandera beaucoup d’eau.

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