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Tebboune en visite d’État en Arabie saoudite : les enjeux du voyage

Tebboune en visite d’État en Arabie saoudite : les enjeux du voyage

Pour sa première visite d’État à l’étranger depuis son élection le 12 décembre dernier, le président Abdelmadjid Tebboune a choisi l’Arabie saoudite. Après avoir reçu hier mardi à Alger l’émir du Qatar Cheikh Tamim Ben Hamad Al-Thani, le chef de l’État, à l’invitation du roi Salmane, s’est envolé ce mercredi en direction de Riyad.

Au cours de cette visite de trois jours, « les dirigeants des deux pays frères examineront les voies et moyens de renforcer la coopération bilatérale, la coordination et la concertation sur les questions d’intérêts communs », a précisé la présidence de la République dans un communiqué.

Le choix de l’Arabie saoudite n’est pas fortuit. « Tebboune a bien choisi sa première destination. Il aurait pu commencer par d’autres pays, comme la Tunisie, la Turquie ou la Russie. Mais il a choisi l’Arabie saoudite qui préside le G20, c’est un pays très proche des États-Unis, et qui peut aider l’Algérie au plan économique », explique un spécialiste des relations internationales.

« L’importance stratégique de ce pays sur la scène arabe et islamique en fait un partenaire de poids avec lequel nous avons de bonnes relations politiques et de complémentarité dans le domaine économique », explique un ancien responsable algérien. « Il y a une volonté des deux pays de renforcer leur dialogue stratégique à la lumière des résultats après dernière visite de Boukadoum à Riyad en mai 2019 », ajoute-t-il.

« L’Arabie saoudite apprécie les positions de principe de l’Algérie et son attachement à indépendance de ses décisions et positionnements en matière de politique étrangère malgré quelques différences dans les approches concernant certaines crises qui minent le monde arabe. Ils comprennent le bien-fondé de notre approche et notre volonté de réformer la Ligue arabe, ses méthodes de travail ainsi que ses institutions spécialisées », poursuit notre interlocuteur. « L’amélioration des conditions d’accueil et de séjour de nos pèlerins feront aussi l’objet de concertation », ajoute-t-il.

Enjeux économiques

Pour François-Aissa Touazi, expert des pays du Golfe et fondateur du think tank français Capmena, « cette visite est très importante pour les deux pays qui partagent de nombreuses préoccupations tant au niveau diplomatique qu’économique ».

Parmi ces questions figure la nécessité d’empêcher une dégringolade des prix du pétrole en raison du ralentissement de l’économie mondiale et de l’épidémie du coronavirus. Une baisse durable des cours du brut risque de poser de sérieux problèmes aux deux pays, engagés dans d’ambitieux programmes de réformes et de diversification de leur économie.

« L’Algérie se doit de réussir sa transition vers un nouveau modèle de développement dans un contexte incertain et difficile au niveau économique. Le ralentissement de l’économie chinoise et la crise du coronavirus, qui pourraient impacter fortement le marché pétrolier, suscitent de fortes inquiétudes chez les producteurs de pétrole. L’Arabie saoudite joue un rôle important sur le marché pétrolier et les deux pays doivent se concerter au niveau de l’Opep pour éviter une baisse trop importante du baril », explique M. Touazi.

Outre le pétrole, les deux pays cherchent à se positionner en Afrique. Lors du dernier sommet de l’Union africaine, début février à Addis-Abeba, le président Tebboune a annoncé le grand retour de l’Algérie en Afrique, « notre seule profondeur stratégique », selon Abdelaziz Rahabi.

« L’Arabie saoudite doit organiser prochainement un sommet Afrique-monde arabe à Riyad et souhaite à cette occasion afficher sa détermination à renforcer ses relations avec les pays africains. De son côté, le nouveau président algérien a clairement exprimé ses nouvelles ambitions pour l’Afrique et souhaite que l’Algérie revienne en force en Afrique où elle possède de nombreux atouts. Les deux pays pourraient éventuellement explorer les nouveaux axes de partenariat et de collaboration », estime le fondateur de Capmena et spécialiste des pays du Golfe.

Médiation dans les conflits régionaux

« Ce voyage devrait être aussi l’occasion pour le président Tebboune de promouvoir sa diplomatie économique et d’attirer des investissements saoudiens », pense M. Touazi. « Riyad assure la présidence du G20. Les réformes et stratégies de diversification seront au cœur des discussions entre les deux dirigeants », ajoute-t-il.

En plus de son redéploiement en Afrique après des années d’absence, l’Algérie est connue pour son expérience diplomatique dans la résolution des crises régionales. Un savoir-faire reconnu dans le monde entier, comme l’a souligné hier mardi l’émir du Qatar. « L’Algérie a une histoire honorable en matière de résolution des conflits survenus dans la région et le monde arabe. Nous avons besoin, aujourd’hui, de l’Algérie, d’autant que le monde arabe vit, malheureusement, plusieurs crises », a-t-il dit, à l’issue de ses entretiens avec Tebboune.

Tout comme le Qatar, qui a besoin de l’appui en Libye où il soutient le gouvernement d’union nationale (GNA), l’Arabie saoudite veut aussi s’appuyer sur l’Algérie pour stabiliser la région. « Les Saoudiens ont compris que les Américains ne vont pas se battre pour eux. Ils ont compris l’impact des crises qui touchent la région du Golfe sur la stabilité régionale et veulent utiliser l’arme diplomatique », explique l’expert en relations internationales.

« L’Algérie pourrait également proposer ses services à l’Arabie dans le cadre de la résolution des crises régionales. Un domaine où la diplomatie algérienne a su gagner en crédibilité. C’est le cas notamment au Yémen ou avec le grand rival iranien avec qui Alger maintient de bonnes relations. La situation au Sahel et en Libye devrait être aussi au menu des discussions compte tenu des bonnes relations qu’entretiennent les Saoudiens avec le général Haftar », explique M. Touazi.

Pour l’Arabie saoudite, l’Algérie pourrait être un allié de taille, dans son ambition de renforcer ses relations avec les pays arabes sunnites. « L’Arabie souhaite renforcer ses relations avec les pays arabes sunnites en particulier pour contrecarrer l’influence turque », estime M. Touazi.

« L’Algérie organisera le prochain sommet arabe et Riyad tient à renforcer ses relations avec les pays arabes menacés par l’influence turque. Entre Alger et Riyad, il y a place pour un véritable partenariat gagnant même si dans le passé, les relations n’ont pas toujours été faciles entre les deux pays compte tenu de divergences sur de nombreux dossiers arabes », ajoute-t-il.

Sur la crise du Golfe, qui oppose le Qatar aux autres monarchies notamment les Émirats arabes unis, l’Algérie pourrait tenter une médiation, mais les spécialistes des questions diplomatiques restent sceptiques sur une forte implication de la diplomatie algérienne dans ce dossier, en raison de sa complexité.

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