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Terrorisme : Alger expose sa vision, Riyad désigne « le coupable » qui est l’Iran

Terrorisme : Alger expose sa vision, Riyad désigne « le coupable » qui est l’Iran

Anis Belghoul/PPAgency
Conseil des ministres arabes de l'Intérieur, Alger

Réunis à Alger, ce mercredi 7 mars, une vingtaine de ministres arabes de l’Intérieur tentent d’élaborer une stratégie efficace commune et consensuelle pour lutter contre le terrorisme et les nouvelles formes des crimes transfrontaliers.

Le président Abdelaziz Bouteflika a, dans un message lu en son nom par Noureddine Bedoui, ministre de l’Intérieur, appelé à priver les réseaux terroristes des moyens de communication.

« L’espace virtuel est devenu un refuge aux organisations terroristes », a-t-il prévenu. Bouteflika a parlé des « connexions » entre le terrorisme et la criminalité transnationale à travers « les technologies modernes, notamment les sites web et les réseaux sociaux » qui permettent de « propager les idées extrémistes et erronées, et attirer de nouvelles recrues dans les zones de conflit et de tension ».

Le chef de l’État a également préconisé d’invalider « les références intellectuelles » des groupes terroristes. Des groupes qui doivent être éloignés de « l’environnement social ».

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Comment ? « À travers un effort intensif sur le plan éducatif, culturel, d’information et d’orientation religieuse de sorte à neutraliser l’extrémisme et sauver notre jeunesse de sa mystification fatale », a-t-il dit.

C’est, un peu résumée, la stratégie que l’Algérie propose au cours de cette session, marquée par la présence massive des ministres arabes de l’Intérieur, pour contrer l’action terroriste et ses connexions.

Ouyahia évoque « la sécurité idéologique »

Une stratégie qui va au-delà des aspects sécuritaires et opérationnels et qui nécessite l’utilisation de plusieurs instruments de prévention comme la mosquée, l’école, l’internet, les médias et l’action sociale.

Pour l’Algérie, le terrorisme n’a pas d’agenda ni de géographie précise. « Un terrorisme qui n’a pas cessé de développer ses méthodes », a souligné le Premier ministre algérien.

Ahmed Ouyahia a donné une dimension géostratégique à l’action terroriste dans la région arabe qui serait liée aux « calculs » et aux « manœuvres » de domination qui « nourrissent les crises » qui « portent atteinte à la stabilité (des États) » et qui « épuisent toutes les ressources ».

Ouyahia, qui a aussi parlé de « la sécurité idéologique », a estimé que « plus que jamais » les pays arabes sont ciblés dans leur sécurité et dans leur stabilité. Selon la vision d’Ouyahia donc, le terrorisme est un phénomène « nourri » et entretenu de l’extérieur.

Le ministre saoudien de l’Intérieur s’attaque à l’Iran

Abdel Aziz Ben Saoud Ben Nayef Ben Abdelaziz Al Saoud, ministre de l’Intérieur saoudien, désigné « président d’honneur » de la session d’Alger après une visite officielle de trois jours en Algérie, n’est pas loin de cette vision mais pour d’autres considérations politiques.

« Nous nous réunissons aujourd’hui alors que des événements successifs visent la sécurité, la stabilité et l’unité de notre monde arabe, ce qui nous oblige à suivre les retombées de ces événements avec détermination. Nous devons être fermes pour protéger notre sécurité et notre stabilité. Ce que fait l’Iran avec son ingérence dans les affaires internes de plusieurs pays dans le monde dont les États arabes, son soutien au terrorisme et son action pour diviser les sociétés, à travers ses bras extrémistes, doit être considéré comme un danger qu’il faut affronter », a-t-il déclaré.

Selon lui, les organisations alliées à Téhéran commencent à « défier » les gouvernements légaux en se substituant à eux en prenant les décisions à leur place. L’allusion au Hezbollah libanais est claire.

Abdel Aziz Ben Saoud Ben Nayef Ben Abdelaziz Al Saoud a tenté de donner une orientation anti-iranienne à la réunion d’Alger en insistant sur « le travail sécuritaire arabe commun » et en parlant de plans stratégiques pour faire face aux « défis de sécurité » en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.

Alger considère donc que le terrorisme est « alimenté » de l’extérieur de la région arabe alors que Riyad désigne « le coupable » qui est l’Iran.

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Le danger du retour des « combattants » de Daech

Mohamed Ben Ali Kouman, secrétaire général du Conseil des ministres arabes de l’Intérieur, a consacré 50% de son temps d’intervention à saluer les dirigeants saoudiens pour leur soutien au Conseil et pour leur action en faveur de « la sécurité arabe » à travers notamment le prix de l’Emir Nayef de la sécurité (créé en 2015).

« Nous sommes convaincus que la présidence d’honneur a toujours été un garant pour un rapprochement des points de vue au sein du conseil », a-t-il dit. Et comme cette présidence est assurée par l’Arabie saoudite, le chemin se devine aisément.

Mohamed Ben Ali Kouman a évoqué « les interventions extérieures » dans les affaires internes des pays arabes. « Des interventions qui visent à déstabiliser ces pays et à inciter les divisions communautaires et doctrinaires pour déchirer la cohésion sociale des peuples », a-t-il dit. Il a mis l’accent sur les menaces telles que le trafic de drogue, la traite d’humains, la migration clandestine et le blanchiment d’argent « collecté à travers ces crimes ».

« Le crime électronique ajoute aux services de sécurité dans les pays arabes de nouvelles responsabilités. Malgré les résultats obtenus dans la lutte antiterroriste, les dangers nés du retour des anciens « combattants » des zones de conflits et le déplacement des groupes terroristes nous impose de réadapter les plans et les instruments de lutte pour affronter les dangers », a-t-il plaidé.

Il a estimé nécessaire le renforcement de la coopération avec le voisinage arabe (pays et organisations européennes, africaines et asiatiques) pour aborder les questions sécuritaires d’une manière concertée.

Fermeté et action d’anticipation

Ceci est une évolution dans l’action des pays arabes souvent « centrée » sur les espaces géographiques des États membres de la Ligue arabe. Abdel Aziz Ben Saoud Ben Nayef Ben Abdelaziz Al Saoud a insisté sur « la sécurité arabe commune ».

Manière de souligner que Riyad fait beaucoup pour ce travail en commun notamment à travers l’Alliance islamique antiterroriste alors qu’Ahmed Ouyahia a parlé du crime électronique, du trafic de drogue et de la migration clandestine.

Ouyahia a mis en avant « l’action d’anticipation », souvent boiteuse dans la région arabe, et « la fermeté » dans la réponse aux terroristes.

Le président Bouteflika, qui a évoqué la déconfiture de Daech (sans la citer), a averti contre « la multiplication » après fragmentation des groupes terroristes qui ont réussi à s’exfiltrer vers d’autres foyers de tension dans les pays arabes et « à intégrer des groupes criminels activant sous des appellations jusque-là inconnues ».

Alger est surtout inquiet par la situation en Libye et dans le Sahel où « l’environnement » est favorable à la prolifération des groupuscules terroristes qui naissent sur les cendres fumants de Daech ou les décombres incandescents d’El Qaida.

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