Société

Testé pour vous : Yassir, l’Uber algérien

L’application Yassir a été présentée, mercredi, par ses concepteurs à Alger. Il s’agit d’un service de transport permettant de relier à travers son smartphone des chauffeurs et des clients afin d’effectuer un déplacement d’un point A à un point B. « Il suffit d’appuyer pour embarquer », promet l’entreprise fondée par des Algériens de la Silicon Valley. Pour vérifier cela, TSA a tenté l’expérience d’un trajet entre la place Audin et le quartier Lafarge (Hussein Dey).

La première étape consiste à télécharger l’application sur le Play store. Yassir pèse environ 30 mégaoctets, et nous avons pu confirmer qu’il fonctionne sur des versions d’Android moins récentes telles qu’Android Jellybean (4.2.1). Une fois téléchargée, l’application demande à l’utilisateur de s’inscrire : soit avec un nom et une adresse e-mail, soit avec un compte Facebook. Le numéro de téléphone du smartphone est également exigé. Celui-ci sera utilisé pour envoyer un code de confirmation assurant qu’il s’agit bien du bon numéro.

Un prix attractif

Dès que l’inscription est effectuée, l’application va directement au but en proposant à l’utilisateur d’insérer la destination. Elle évalue le trajet entre Audin et le quartier Lafarge à 250 dinars. Selon nos estimations, ce tarif représente au moins la moitié du prix qu’aurait coûté le même déplacement à bord s’il était effectué par un taxi classique (coursa) ou par un clandestin.

Viennent ensuite la validation du trajet et la mise en relation avec les chauffeurs. C’est à ce moment-là que les premiers problèmes apparaissent, principalement causés par la connexion internet mobile (3G) traditionnellement instable dans Alger. Il aura fallu attendre la troisième tentative pour que la demande soit validée par un chauffeur sur les dix présents à proximité. Alors que le temps d’attente pour l’arrivée du chauffeur est estimé à 7 minutes, le chauffeur se présentera à l’endroit convenu au bout d’une douzaine de minutes. C’est un retard raisonnable.

De manière générale, les durées de l’attente et des trajets semblent être optimistes et ne reflètent pas tout à fait la réalité de la conduite à Alger. Entre les piétons qui traversent la route de manière intempestive et les autres conducteurs qui changent de fil brusquement, créant des embouteillages, il serait avisé de prendre les durées indiquées par l’application avec des pincettes.

Les utilisateurs seraient par ailleurs avisés de vérifier de manière précise leur lieu de destination mais surtout celui de départ, le GPS intégré ayant parfois l’art de détecter le téléphone parfois à plusieurs centaines de mètres du lieu où il se trouve. Un chauffeur interrogé a fait état de certains cas où des chauffeurs n’ont pu rencontrer leurs clients à cause d’une position GPS défaillante.

Un sentiment de sécurité

Le trajet initial entre la place Audin et le quartier Lafarge s’effectue à bord d’une Toyota de l’année 1999. Le chauffeur, Sadek, la soixantaine bien entamée, est un ingénieur retraité. Il a pris ce travail pour s’occuper et générer un petit revenu complémentaire à sa pension. « Petit » semble être le mot adapté pour évoquer le revenu généré par les chauffeurs. En plus des tarifs compétitifs proposés, l’entreprise Yassir prend chaque semaine 25% de commission sur les revenus du chauffeur. Ce dernier doit également prendre à sa charge l’Impôt sur le revenu global (IRG).

Ubérisation oblige, les chauffeurs ont de plus à leur seule charge les frais d’essence, d’hygiène du véhicule ainsi que de la connexion internet mobile. Difficile dans ces conditions d’imaginer un chauffeur vivre uniquement de son travail chez Yassir. Il est également aisé de comprendre pourquoi aux États-Unis, pays où est né Uber, le pourboire soit érigé en principe face aux faibles montants générés par les chauffeurs.

Le trajet se déroule dans d’excellentes conditions. Malgré les embouteillages, le temps passe vite tant la conversation est riche et cordiale. Sadek révèle avoir pour l’instant surtout rencontré des femmes d’un certain âge comme clients, et il est aisé de comprendre pourquoi tant le sentiment de sécurité semble indéniable. Le trajet se termine à l’endroit exacte convenu sans mauvaise surprise, et le prix payé est bien celui convenu initialement.

Des soucis techniques

La réservation du trajet du retour se révèlera plus compliquée. Au problème de réseau mobile s’est ajouté les soucis techniques inhérents à l’application. Actuellement à sa version 0.4.4, l’application Yassir compte plusieurs bugs susceptibles de créer le flou quant à la validité de la réservation effectuée.  Après avoir commandé un nouveau chauffeur et que ce dernier ait accepté la demande de trajet, et alors qu’elle était supposée indiquer que le chauffeur était en route, l’application indique à plusieurs reprises que le trajet est effectué, et il faut à chaque fois avoir la présence d’esprit de fermer et rouvrir l’application pour constater que la commande est toujours en cours.

Le chauffeur aura la bonne idée de contacter par téléphone afin d’assurer de manière définitive qu’il était bien en route. Le trajet sera effectué à bord d’une Dacia Sandero Stepway 2017 dans d’excellentes conditions. Le chauffeur, Abdelghani, fera montre de la même politesse et des égards présentés durant le trajet initial. Âgé d’une quarantaine d’années, père de famille, Abdelghani travaille avec Yassir depuis trois mois. Il confie utiliser l’application également en tant que client, où il a pu constater que la majorité de ses chauffeurs étaient également âgés d’une quarantaine d’années ou plus. La réalité sociale de l’Algérie semble faire que peu de jeunes semblent en mesure de posséder une voiture, ou que les jeunes propriétaires ne semblent pas intéressés par la perspective de travailler comme chauffeur.

Dans l’ensemble, l’expérience Yassir demeure globalement positive. Les tarifs compétitifs, la politesse des chauffeurs et l’absence de nécessité de pratiquement mendier pour qu’un taxi daigne emmener le client à la destination souhaitée, rendront l’application Yassir attractive pour bon nombre d’Algérois. Toutefois, le réseau 3G, les bugs récurrents de l’application ainsi que les interrogations sur les conditions de travail inhérentes à l’uberisation, pourraient entraver la croissance d’un projet à priori promis à un bel avenir.

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