Société

Tikjda, symbole des retards du tourisme de montagne en Algérie

De nombreux citoyens ont passé une longue nuit glaciale vendredi, bloqués dans leurs voitures sur la route à Tikjda, à l’est d’Alger, à cause de la neige.

Partis pour passer un week-end dans cette ancienne station de ski, perchée à 1478 m d’altitude, sur le versant sud du Djurdjura, ils ne garderont certainement pas un bon souvenir. À qui la faute ?

Au traditionnel souci d’ouvrir les routes et d’acheminer le ravitaillement aux habitants des villages isolés en montagne, les autorités algériennes doivent faire face à un autre casse-tête, celui de porter secours dans des conditions difficiles à des familles bloquées dans des stations de sports d’hiver.

Responsabilité individuelle

Cela se répète à chaque hiver ces dernières années, dans les sites les plus connus que sont les stations de Chréa (Blida) et de Tikjda (Bouira). Ce week-end de fin d’année, qui survient quelques jours après de fortes chutes de neige sur les hauteurs, des dizaines de familles, avec des enfants, ont été prises au piège.

Beaucoup d’entre elles ont été bloquées pendant toute la nuit avec comme seul abri leurs véhicules et certaines sans provisions suffisantes. D’habitude, le problème est causé par la difficulté de sortir des sites en fin de journée à cause de la forte circulation, les routes sinueuses et étroites ne pouvant contenir tous les véhicules qui prennent le chemin du retour au même moment.

Cette fois, la situation a été compliquée par de nouvelles chutes de neige au moment où les sites de Chréa et de Tikjda grouillaient de visiteurs. Et là, on ne peut pas ne pas se demander comment autant de familles ont pu ignorer un tel élément, dans un pays qui ne sait pas encore faire face à la neige.

À moins d’une nécessité absolue, on ne sort pas en voiture et en famille en pleine tempête, de surcroît en montagne, à des dizaines, voire des centaines de kilomètres de chez soi. Les pères de famille devaient s’assurer des conditions météo avant de s’aventurer avec femme et enfants dans de tels endroits, reculés et difficiles d’accès.

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Les images partagées sur les réseaux sociaux montrent des files de voitures bloquées, parmi lesquelles des motos et des véhicules légers, comme les fameuses petites Maruti ou les Kia Picanto, loin d’être indiquées pour ce genre de périple.

À Blida, les autorités qui tentent de porter secours aux familles bloquées, expliquent que les véhicules peinent à descendre les pentes glissantes car dépourvus de chaînes autour des roues, comme il est préconisé dans ce genre de situation.

Un déficit d’anticipation

La responsabilité des familles est donc pleinement engagée, mais celle de toutes les parties concernées aussi. À commencer par l’office de la météo et ses BMS (Bulletin météo spécial) qui sont émis parfois à la dernière minute, en tout cas pas avec une avance suffisante pour permettre aux citoyens de prendre leurs dispositions.

L’ONM est un établissement public à caractère commercial qui vend ses prestations. Il fait exception pour les BMS, qui ont un enjeu de sécurité publique, mais il faut dire qu’ils n’arrivent pas toujours à temps à l’opinion, soit parce qu’ils ne sont pas émis en temps opportun, soit parce qu’ils sont mal relayés par les médias et les autres canaux, comme les pages sur les réseaux sociaux des institutions concernées, comme la protection civile, les collectivités locales, les services de sécurité…

Noyer un BMS au milieu d’un journal télévisé n’est assurément pas la meilleure manière de permettre au citoyen d’être alerté.

Il y a aussi un déficit d’anticipation et cela est inexplicable au moment où les sorties en montagne, dans des sites bien connus, sont en train de devenir un loisir habituel pour de nombreuses familles algériennes.

Il est inconcevable que le même problème se pose chaque année, dans les mêmes conditions, sans que quoi que ce soit n’ai changé. Les routes vers Tikjda et autres sites de montagne devaient être élargies, des refuges de secours mis en place ainsi que des moyens de déneigement…

Mais rien de tout cela n’a été fait, du moins pas suffisamment puisque le problème continue à se poser. Les services de sécurité devraient aussi réfléchir à mettre en place des plans de circulation adaptés, incluant par exemple la fermeture de la circulation vers les sites concernés en fonction du nombre de véhicules que la route pourra contenir au retour, et l’interdiction de l’accès aux véhicules non adaptés (faible puissance, défaut de chaînes).

C’est toujours plus simple d’agir en amont, dans de simples barrages filtrants, que de se démener en situation d’urgence. Mieux vaut tard que jamais, la wilaya de Bouira vient d’annoncer les premières mesures, instaurant notamment l’interdiction de l’accès des bus et motos aux hauteurs de Tikjda, de stationner sur les bords des routes menant à la zone et de dépasser, pour tout véhicule, le lieudit el M’qam, sur la RN 33.

L’or blanc

Le gouvernement aussi est appelé à doter les communes de montagne, pas seulement celles abritant des stations de loisirs, des équipements indispensables de déneigement. Ce n’est pas du superflu dans un pays dont toute la partie nord connaît régulièrement de fortes, parfois très fortes chutes de neige.

Dans de nombreux pays, la neige est devenue l’or blanc pour les richesses qu’il génère, alors qu’en Algérie, le tourisme de montagne en hiver, a un encore long chemin à faire, pour devenir sûr et constituer une source de revenus aux collectivités et aux citoyens qui habitent ces régions qui attirent les visiteurs de partout.

La station Tikjda illustre parfaitement les retards du secteur du tourisme en Algérie.

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