Politique

Toufik, Saïd et Tartag arrêtés : « La bande » frappée au cœur

Le général Toufik, Saïd Bouteflika et Bachir Tartag ont été arrêtés ce samedi 4 mai à Alger par la DGSI, la direction de la sécurité intérieure. L’arrestation des trois personnages clés du pouvoir de Bouteflika était dans l’air depuis la dénonciation publique par le chef d’état-major de l’armée de manœuvres de certaines parties visant à influer sur la transition politique en cours.

Dans une allocution prononcée le 16 avril à Ouargla, il a cité nommément le général Toufik. Tout en disant détenir des « preuves irréfutables sur ces faits abjects », Ahmed Gaïd-Salah avait lancé un « dernier avertissement » à celui qui a dirigé le DRS pendant 25 ans. « Dans le cas où il persiste dans ses agissements, des mesures légales fermes seront prises à son encontre », avait-il menacé.

Le 2 avril, l’ancien président de la République, Liamine Zeroual, avait révélé avoir été approché par le général Toufik pour diriger la période de transition, précisant que la proposition avait été faite suite à l’accord de Saïd Bouteflika. Le frère de l’ancien président sera enfoncé le 29 avril par un autre témoignage de Khaled Nezzar. L’ancien ministre de la Défense a révélé que Saïd Bouteflika lui avait fait part début mars de son intention de décréter l’état d’urgence ou l’état de siège pour réprimer les manifestations populaires contre le cinquième mandat qui avaient débuté le 22 février. Selon Nezzar, Saïd aurait même songé, fin mars, à limoger le chef d’état-major qui venait d’appeler à l’application de l’article 102 de la Constitution.

Quant au général Tartag, il a été cité dans des articles de presse comme ayant participé à ces conciliabules secrets, mais aucun témoignage ne l’a mis en cause directement.

Plusieurs hommes d’affaires et hauts responsables proches de l’ancien président ont été arrêtés ces dernières semaines ou convoqués par la justice, dont les frères Kouninef, Ali Haddad et l’ancien premier ministre Ahmed Ouyahia. Mais durant les marches hebdomadaires, les manifestants réclament l’arrestation de Saïd Bouteflika, considéré comme la tête pensante du cercle, dénoncé par le chef de l’armée comme étant une « bande ». Hier, de nombreuses pancartes, banderoles et slogans appelant à l’arrestation de Said Bouteflika ont été déployés et scandés lors des marches à travers tout le pays.

Saïd est soupçonné d’avoir usurpé la fonction présidentielle et des pouvoirs illimités lui sont prêtés depuis au moins la maladie de son frère président en 2013. Cette année-là avait vu aussi le début de la détérioration des relations entre le cercle présidentiel et le général Toufik, puissant chef du DRS depuis 1990. Toufik était jusque-là un soutien indéfectible du président et certains lient sa tombée en disgrâce aux conséquences de l’attaque du site gazier de Tiguentourine, d’autres à son opposition à un quatrième mandat présidentiel. Il sera en tout cas mis à la retraite en 2015 et le DRS, profondément remanié, deviendra la DSS (direction des services de sécurité). La nouvelle structure est rattachée directement à la présidence et confiée à un autre fidèle, Athmane Tartag, dit Bachir. Celui-ci est resté en poste jusqu’aux dernières heures du règne de Bouteflika. L’annonce de son départ, le 4 avril, a coïncidé avec le retour de toutes les structures du renseignement dans le giron de l’armée, dont justement la DGSI qui vient d’arrêter Toufik, Saïd et Tartag.

En mettant à exécution sa menace de sévir, le chef d’état-major de l’ANP met fin définitivement au mythe de la toute-puissance de l’ancien chef du DRS et de ses réseaux. Aussi, il vient de passer à la vitesse supérieure dans son entreprise de désamorcer « les bombes à retardement » plantées, selon lui, dans toutes les structures de l’État. Reste à savoir quel sort sera réservé aux trois hommes et, s’ils sont poursuivis, quels chefs seront retenus contre eux.

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