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Trafic de drogue : « Il y a une menace marocaine contre la sécurité nationale »

Trafic de drogue : « Il y a une menace marocaine contre la sécurité nationale »

Le Pr Mostefa Khiati, président de la Forem tire la sonnette d’alarme sur le phénomène du haschisch provenant du Maroc et la menace sur la sécurité nationale que ce fléau pose sur l’Algérie. Entretien.

Le haschisch marocain continue d’inonder le marché algérien. Quel est l’état des lieux ?

Il y a un rapport des Nations unies de 2016 qui pointe du doigt le Maroc comme le plus grand producteur mondial de haschisch avec plus de 30 000 tonnes par an (35 652 tonnes d’herbe de cannabis et 713 tonnes de résine de cannabis durant l’année 2016, selon les données de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Ndlr).

Cette production est achetée par des gens riches. Étant donné qu’il y a un bloc aux portes de l’Europe dont les pays membres ont mis en place des systèmes de surveillance, il a fallu pour les Marocains de chercher d’autres voies pour faire sortir leur haschisch.

Depuis 4 ou 5 ans, il leur est difficile de faire passer leurs marchandises par les frontières (algériennes) puisque le contrôle y a été renforcé. Par conséquent, les Marocains ont opté pour un contournement par le sud, via Tindouf voire le Sahara.

L’Europe est approvisionnée via la Libye surtout qu’il n’y a pas de contrôle important dans ce pays. Le marché est toujours important, en Algérie, puisque en 2020 il y a eu une saisie de 86 tonnes qui ne représentent que 10% des produits qui existent réellement sur le marché national.

Si on a saisi 86 tonnes, cela signifie qu’il y a 800 à 1 000 tonnes en circulation. Il y a de très grosses quantités (de haschich marocain) qui continuent d’inonder le marché algérien, par où c’est là tout le problème !

Quelle est la proportion de consommation du haschisch marocain en Algérie ?

La dernière étude de 2016 réalisée par l’Office algérien de lutte contre la drogue parle de 5 millions de consommateurs, notamment des jeunes, dans la frange des 15-35 ans.

Nous pensons que ce chiffre est en deçà de la réalité. La consommation est énorme. On en voit même dans les écoles en particulier dans les classes de l’enseignement moyen où le taux de consommation est entre 14 et 15 % et là je parle uniquement des villes côtières et frontalières.

Il y a véritablement une menace marocaine sur la sécurité nationale, en exportant ou en laissant l’exportation se faire vers l’Algérie, mais aussi vers d’autres pays.

Malgré le durcissement de la lutte, le fléau sévit toujours en Algérie. Que faut-il revoir ?

Il faut d’abord reprendre totalement la stratégie nationale de lutte contre la toxicomanie. Il semble que depuis ces 3 à 4 dernières années, nous soyons en stand-by, c’est-à-dire qu’il n’y a pas eu de renouvellement de la stratégie et par conséquent il n’y a pas eu de nouvelles mesures.

Il est très important de revoir cette stratégie notamment en matière de sécurité. On voit que chacun des corps travaillent sur le mode « chacun pour soi », et la coordination n’est pas tout à fait bonne.

Ce qui donne le temps aux passeurs et aux dealers de passer entre les filets. Il faudrait peut-être opter pour le système italien et associer les forces combinées ANP-Gendarmerie-Police-Douanes afin qu’il y ait une rapidité d’intervention et surtout une meilleure exploitation des informations dans ce domaine.

| Lire aussi : Le haschisch moderne marocain est « comparable aux drogues dures »

Qu’en est-il sur le plan institutionnel ?

On sait qu’il y a dix-sept départements ministériels qui sont concernés par la lutte contre la drogue, il y a donc lieu de reprendre la coordination entre ces départements.

Il y a lieu aussi de revoir le statut de l’Office de la lutte contre la drogue et la toxicomanie, car on ne peut pas être juge et partie. Placé sous la tutelle du ministère de la Justice, cette structure ne peut pas sanctionner et en même temps faire de la prévention.

Donc, revoir le statut de l’Office et le rattacher au Premier ministère, dans le but de mieux coordonner les activités des autres départements ministériels ; et associer à son activité la société civile.

Ces dernières années, l’Office travaille tout seul ce qui marginalise quelque peu les associations qui s’intéressent à ce problème.

L’Algérie peut-elle saisir les instances internationales sur le problème de la drogue en provenance du Maroc ?              

Il y a de cela une dizaine d’années, la Forem avait posé une vraie question. Étant donné qu’il s’agit d’un problème entre États, et que le Maroc a été déjà mis en garde plusieurs fois par les Nations unies et même l’Europe qui a financé la reconversion des terrains dédiés à la culture du haschisch en vue d’y faire de la culture agricole.

Malheureusement, les Marocains ont pris cet argent et ils ont même étendu les surfaces de production de haschisch.  L’Algérie, qui face à ce comportement-là, peut s’adresser aux instances relevant des Nations unies en vue d’un arbitrage international.

C’est d’autant plus urgent que le haschisch commercialisé en Algérie prend des formes plus addictogènes comme vient de le révéler l’Institut national de criminalistique et de criminologie (INCC) ?

Effectivement, de plus en plus de résine de cannabis est mélangée avec d’autres produits pour lui donner plus de force. Elle est addictogène d’une part, surtout elle devient plus toxique. Ce n’est plus une plante, mais un produit intermédiaire entre les drogues dures (la cocaïne) et les drogues dites douces.

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